AU VOL ON RECONNAÎT L'OISEAU(juillet 841)Livaï

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Bordel, qu'est-ce que j'aime ça ! Si je pouvais, je ne me déplacerais plus que de cette façon, mais je sais bien que c'est impossible

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Bordel, qu'est-ce que j'aime ça ! Si je pouvais, je ne me déplacerais plus que de cette façon, mais je sais bien que c'est impossible.

C'est incroyable comme les maisons sont petites vues de la-haut. Quand je surplombe les bas-fonds depuis les hauteurs, je me rends bien compte qu'ils ne sont qu'un empilement de cubes moches et sans personnalité ; des morceaux de pierres posés les uns à côtés des autres sans grâce ni commodité. Mais quand les lumières de la ville sont allumées, on sent la vie qui émane de tous ces taudis, les silhouettes qui remuent derrière ces murs sans âme, les familles qui se mettent à table, les enfants qui ne veulent pas dormir, les amis qui trinquent en l'honneur de quelque chose...

Il y a de la vie dans cette putain de ville souterraine. Quand j'étais vissé au sol, je ne me rendais pas vraiment compte de tout ça, je faisais ma vie dans mon coin sans me préoccuper de celle des autres. Mais perché comme je je le suis tout en haut de la colonne de pierre, à les regarder, je me dis que je n'avais pas la bonne perspective. Que je ne voyais les choses que par le plus petit angle, un truc comme ça...

On vit tous les uns à côté des autres, tuer ou être tué est une façon de vivre comme une autre, mais finalement elle est pas plus bonne ou mauvaise... C'est juste... la meilleure façon de vivre ici. Mais avec ce harnais qui donne des ailes, on peut sans doute faire autrement... Je sais pas pourquoi je pense à tout ça, ni où ça me mène ; ce sont sans doute les hauteurs qui me rendent un peu ivre...

Je suis pas un héros, je peux pas protéger tout le monde, mais je peux au moins faire en sorte que mon gang se porte bien. Furlan est sans doute déjà revenu auprès d'eux, mais moi je m'attarde. C'est ici, tout en haut, le plus haut que je peux aller, que je me sens le plus proche d'eux ; comme si je devais les protéger. Je veux regarder la ville quand les lumières s'éteindront toutes une à une. Quand la vie quitte les bas-fonds, j'ai l'impression que tout peut recommencer autrement le lendemain, que les lumières s'allumeront sur un autre décor, plus joyeux, plus propre, plus lumineux... sans ce putain de plafond au-dessus de nos têtes.

Et pendant un instant, je jubile. Je peux me tirer d'ici. Juste pour quelques minutes, en pleine nuit. Il me suffit d'aller au puits de lumière, de lancer mon câble, et adieu la compagnie ! Je prends le chemin des oiseaux ! Mais... je sais bien que si je fais ça, ce sera sans retour. Si le ciel plein d'étoiles me charme trop, je reviendrais pas. Il m'attire déjà tellement d'en bas...

Je peux pas les laisser... Là-haut, oui, mais pour faire quoi ? Hors de question que je devienne soldat uniquement pour profiter du harnais. Là-haut, on me le prendra et je me retrouverais de nouveau cloué au sol... Ici, je peux voler autant que je le veux. Je sais que je peux distancer les brigades spéciales aussi longtemps qu'il le faudra, elles ont essayé de nous choper l'autre fois avec Furlan, mais on les a semées.

Ils ne sont rien. Mais ici, moi, je suis quelqu'un.

Mon corps porte déjà les marques des sangles, et quand je m'en défais, mes muscles me font souffrir de mes épaules à la plante de mes pieds. Mais c'est une bonne douleur, une douleur qui me dit que je suis en vie ; un douleur qui me dit que ce harnais s'est déjà profondément imprimé dans ma chair au point de me marquer pour le restant de mes jours.

J'étais fait pour ça. Je le sais très bien. Toute ma vie ne s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui que pour le jour où j'ai pris la décision de voler ce harnais à son propriétaire. Plus personne ne m'obligera à rester à terre.

Les autres doivent m'attendre. Les lumières commencent à s'éteindre, et je ne me décide à mettre pied à terre qu'une fois la dernière étouffée. Mes muscles vibrent dans la descente, compressés par le frottement du cuir contre ma peau, mais je sens une certaine harmonie dans tout mon corps à chaque fois. L'air qui file contre mon visage me cisaille la peau, mais je n'en ressens aucune gêne. Je sens mon coeur battre juste sous mon menton...

La sensation du sol sous mes pieds me devient de plus en plus étrangère à force... et désagréable. Mais il est stable et c'est tout ce que j'en attends.

Personne ne me reprendra mon harnais 3D. Celui qui essaiera en paiera le prix fort.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant