UN VIEUX COMPTE A REGLER(décembre 839)Furlan Church

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Il est temps de retourner au boulot

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Il est temps de retourner au boulot. Après une courte nuit durant laquelle les potes ont pas arrêté de picoler en jouant aux cartes, je me réveille avec une fausse gueule de bois. Je m'y ferais jamais... Faudrait vraiment que je me trouve un autre coin pour pioncer tranquille... J'ai besoin de mes sept heures de sommeil, moi...

Après m'être débarbouillé et coiffé vite fait, je saute dans mon falzar, suivi dans le mouvement par Hagen, Fester et les autres. Egon ferme la marche et on se dirige tous vers le nord où se tient le marché. On a chopé une cargaison tellement énorme la dernière fois qu'on a pas encore tout écoulé. J'aime autant parce que le dernier raid nous a coûté encore une vie ; je le connaissais pas très bien, il était arrivé environ un mois avant. Mais... c'était un camarade quand même.

La garde rapprochée d'Egon parle fort, en donnant des coups de pieds dans les portes en passant. Ca les fait marrer. Ca sert à quoi d'emmerder les honnêtes gens ? Ce sont nos clients en plus ! Si ça continue, je vais passer la journée les bras croisés, avec leurs conneries ! Egon, dis-leur d'arrêter !

Il a pas l'air dans son assiette. Il a les yeux dans le vague, comme s'il avait du mal à reconnaître les lieux ; typiquement une phase où il faut pas aller l'emmerder... Je décide de me taire.

On arrive sur place, en pagaille comme d'habitude. Y en a qui vont se promener sur le secteur des voisins, d'autres se dirigent vers le petit troquet du coin - bien sympa pour se rincer la glotte entre deux clients. Moi et quelques autres on se dirige vers notre emplacement et je prépare déjà la liste des marchandises... quand je tombe en arrêt subitement ; mes feuilles volent dans tous les sens...

La porte de notre entrepôt a été forcée. Egon me bouscule et me passe devant, et entre en furie dans le bâtiment. Il regarde de tous les côtés, il court partout comme s'il espérait dénicher le coupable. Il semble avoir retrouvé ses esprits. Moi, je marche un peu hébété, et je constate qu'une partie de la marchandise a disparu. Il y a du vin répandu, des fruits écrasés...

Et là, sur le grand mur porteur de l'entrepôt, quelqu'un a écrit quelque chose, avec une sorte de charbon de bois. Tout le monde se place à mes côtés, Egon aussi, et ils me demandent alors de leur dire ce qui est écrit.

"Clem sera vengé."

C'est très exactement ce qui est écrit. Je le leur répète, comme si j'avais du mal à y croire.

Pendant une minute, il ne se passe rien. Les gars se regardent sans rien comprendre, et moi je reste figé sur ce message qui s'étale sous nos yeux, comme s'il venait d'un autre monde, ou avait été écrit de la main d'un démon.

Je ne me retourne que lorsque le cri d'Egon - non, plutôt un rugissement - emplit la pièce. Les mains collées sur ses tempes, plié en deux, il hurle sans s'arrêter. Ses yeux semblent jaillir de leurs orbites... mais il n'est pas effrayé. C'est la colère qu'il exprime ici. Une colère tellement formidable qu'on la croirait inhumaine. Comme s'il s'était retenu de la sortir pendant des années.

On recule tous de quelques pas. Puis Egon se reprend. Il se redresse, les poings et les dents serrés, et se tourne vers nous. Il prononce un seul mot. "Livaï". Il continue en disant "c'est Livaï qui a fait ça". On se regarde un peu interloqués mais personne n'ose lui demander comment il le sait. Moi non plus. Surtout pas moi. Mon cerveau travaille à toute allure.

Pourquoi Livaï aurait-il fait ça ? C'est pas son style. Et puis s'il avait voulu se venger de quoi que ce soit concernant Clem, il l'aurait déjà fait. Ca a pas de sens. Je voudrais calmer Egon et lui demander de réfléchir un peu, mais c'est pas la peine, il écoutera pas. Et puis, finalement... je me demande s'il a pas raison... Je revoie encore l'attitude de Livaï envers Egon durant l'incinération de Clem... l'accusation dans ses yeux... Est-ce que... est-ce que ce serait vrai finalement ? Suffisamment pour qu'il ait décidé de le lui faire payer ?

Plus je regarde la menace écrite sur le mur, plus je me dis que c'est trop puéril pour être Livaï. Livaï, il vous casse la gueule en personne s'il a un problème avec votre tronche, il s'amuse pas à vandaliser et à se barrer en douce. A moins que je l'ai mal jugé... S'il a vraiment fait ça, c'est très bas. Pas du tout digne de lui. Et Egon a l'air tellement sûr de son coup...

Il a peut-être raison. Ouais, c'est peut-être Livaï.

Il nous entraîne tous dehors et on reprend la direction du quartier est. Tout le monde sort une arme sur le chemin. Moi, j'ai bien un couteau sur moi mais j'ai jamais eu besoin de réellement m'en servir. Des murmures circulent entre les gars, et entre ceux qui y croient pas trop et ceux qui sont absolument sûrs qu'Egon a vu juste, je sais toujours pas vraiment dans quel camp me placer.

Tout ce que je sais, c'est qu'on se dirige vers la planque de Livaï, tous ensemble. Et aussi fort qu'il soit, il risque de passer un sale quart d'heure.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant