LA MAISON REISS (février 829) Kenny Ackerman

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De nouveau à la surface

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De nouveau à la surface. Mais pour combien de temps ?

Je sais bien que je risque ma peau. Cet enfoiré d'Ortwin me l'a pas dit tel quel, mais je l'ai deviné. Ca va être costaud. En attendant la suite, je me remplis les poumons de cet air frais et pur, qui vient des plaines du Mur Rose. Du haut du Mur Sina, il est encore plus vif. Tellement qu'il peut vous trancher la peau. J'avais oublié la sensation... et aussi celle du soleil. Ma peau me supplie presque de me mettre à couvert. Mais j'ai un truc à faire ici avant de m'y mettre.

C'est pas facile de grimper ici. Mais on m'a filé des passes-droits, temporaires. Je peux me déplacer où je veux dans les trois Murs durant quatre jours. Faut pas traîner. Ma proie est quelque part là-bas, au milieu de cette campagne verdoyante où on ne connaît aucun souci. On y est loin de tout, des problèmes de la ville, des intrigues politiques, de la misère des bas-fonds... Pourtant, cet Uli Reiss semble tremper en plein dans tout ça.

Le fait qu'il soit responsable - enfin, pas lui directement - des malheurs de ma lignée n'est qu'un détail. Le passé est le passé. Mais je suis bien curieux de voir sa gueule, quand même. Qui est cet homme qui semble craint pas des gens puissants ? Tellement craint que c'est moi qu'on envoie lui faire la peau ? Est-ce qu'il me suppliera de l'épargner quand je l'aurai à ma botte ? Ou bien c'est moi qui vais morfler ? Ce duel s'annonce intéressant... J'en aurais presque les chocottes, tiens !

Livaï m'a posé des questions évidemment. Quand je lui ai dit que je serais absent pendant un moment, il a tempêté pour que je l'emmène. Il a deviné que j'allais à la surface. Je lui ai dit que c'était pour du boulot, que je pouvais pas l'emmener. Mais que quand je reviendrai, on serait tout les deux des hommes riches ! Et il pourra vivre là-haut si le coeur lui en dit ! Je me suis montré convaincant mais je lui ai quand même fait mémoriser la latte du plancher sous laquelle je planque tout notre pactole, en plus de l'avance du client ; histoire qu'il soit pas démuni s'il se retrouve seul. Après tout, si j'y reste, autant qu'il serve à quelqu'un, ce fric. Qu'il reste dans la famille, ha ha !

J'ai bien vu qu'il avait un autre truc à me dire, un truc important, mais il a rien ajouté. Je saurais peut-être jamais ce que c'était. Il avait pas l'air soucieux, mais c'est jamais facile de deviner ce qu'il a dans la caboche. J'ai essayé de pas l'inquiéter : une mission de routine, rien de plus, t'en fais pas, demi-portion !

Je suis parti sans me retourner. Maintenant que j'y pense, c'est la première fois qu'on est séparés depuis que je l'ai recueilli... Faut croire que c'est moi qui m'en fait le plus...

Il va falloir décoller. J'espère que le vent va vite se lever. La vue est belle quand même... Y a pas que du mauvais dans ce putain de monde, en fin de compte. Quel que soit le côté par lequel tu le regardes, on y trouve des belles choses qui peuvent pas être changées ; les mauvaises finissent toujours par passer, elles. Comme moi, par exemple.

Ca y est, le vent souffle comme il faut. Ca pince sévère. Allez, on libère la frangine et on se tire d'ici. J'ouvre la boîte de Kuchel et je laisse ses cendres s'envoler au loin. Va courir sur la plaine, soeurette ; et si tu arrives à atteindre le ciel, dis-lui qu'on se les gèle, putain ! Pour ce que j'en dis... D'ici peu, j'irai peut-être te rejoindre là-haut... Nan, les ordures comme moi pourrissent sur place, le ciel c'est pour les gens comme toi ; ou comme lui...

Je reste comme ça, les mains dans les poches, à me geler les couilles pour rien. J'aime bien la sensation finalement ; ou moins, elle me dit que je suis en vie. Être vivant, c'est déjà quelque chose. Pourquoi je pense à ça maintenant, moi ?...

Ton grand frère te salue, Kuchel. Peut-être à tout à l'heure. Et Livaï... et ben... ça a été un honneur de te rencontrer, nabot ! Je te l'ai jamais dit, mais tu m'as rendu fier ! J'aurai au moins fait quelque chose de pas trop moche dans ma vie ! Si je reviens, je te dirais peut-être que je suis ton tonton ! Sinon, ben... bonne chance...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant