POURQUOI TU M'ABANDONNES ? (nov. 829) Erna Gerhild, chef de la garnison

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Un magnifique coup de filet

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Un magnifique coup de filet. Il est temps que j'écrive mon rapport pour le général Zackley.

"Il y a deux semaines, un incident étrange s'est déroulé au refuge pour enfants. L'un des pensionnaires, âgé de onze ans, a fait une effrayante crise d'origine inconnue, avant de s'écrouler, apparemment dans le coma. Il a été transféré dans un hôpital de la capitale où il est toujours dans le même état.

Suite à cet étrange phénomène, déjà survenu un an auparavant dans le Mur Sina, la garnison souterraine a procédé à une enquête sur la possible présence et détention de stupéfiants dans l'enceinte du pensionnat. Nous n'avons pas tardé à en trouver de petites quantités dissimulées un peu partout dans les chambres des enfants.

Interrogés à ce sujet, certains ont fini par parler et par nous révéler l'existence d'un trafic de cette nouvelle drogue actuellement étudiée par nos savants, et dont la prolifération avait été stoppée aux portes de Mitras.

Nous rendant sur les lieux, nous arrêtons alors cinq personnes, des garçons âgés d'environ quatorze à dix-huit ans ; bien que qu'ils aient refusé de parler, nous subodorons qu'ils ont des complices dans la nature, non présents sur les lieux pendant l'arrestation, dont le chef de la bande.

La marchandise a été récupérée et comme nous le pensions, il s'agit bien du même produit qui a fait parler de lui il y a un an dans le Mur Sina. Elle est actuellement en dépôt dans la caserne de la garnison souterraine, dans l'attente de votre décision quant à sa possible destruction.

Le gang de revendeurs n'a pas voulu nous donner le nom du fabricant ; ils prétendent ne pas le connaître. Cependant, je joins avec le rapport une liste de noms de suspects ayant déjà trempé dans des affaires de stupéfiants, dont je vous laisserais prendre connaissance.

Comme vous le savez déjà, le transit de cargaisons douteuses de ce volume de la surface jusqu'aux bas-fonds est quasiment impossible, grâce aux contrôles. Nous avons donc fait tout notre possible afin de soutirer aux inculpés leur méthode d'approvisionnement. La marchandise leur était livrée via les plaques d'égout inutilisables parsemant le pavé du Mur Sina. Grâce à un ingénieux système de câbles et de poulies, les tonneaux était descendus un par un et chargés sur une charrette. Les livraisons ne se faisaient jamais au même endroit mais selon un rythme et un parcours convenus à l'avance afin d'éviter les patrouilles. Cependant, bien que leur méthode de ravitaillement ait été ingénieuse, ces délinquants m'ont tout l'air d'amateurs.

Ce groupe a été démantelé, mais d'autres peuvent surgir. Même si la délinquance fait toujours la loi ici sous terre - vous savez que nos effectifs et nos moyens sont réduits -, il est inconcevable de laisser la racaille proliférer sous les pieds des braves gens du Mur Sina ; racaille qui, un jour ou l'autre, pourrait devenir suffisamment forte pour déferler dans les rues de la capitale. Je vous demande encore une fois, généralissime, de pourvoir aux besoins de la garnison souterraine ; notre équipement tridimensionnel n'est plus de première jeunesse et de moins en moins de recrues nous sont envoyées. Le moral des troupes est au plus bas à force de vivre sous terre, elles sont constamment victimes d'attaques gratuites souvent violentes, et nos locaux sont régulièrement vandalisés.

Si ceci ne peut être accordé, je recommande alors la fermeture définitive de la caserne souterraine et la délégation de la gestion des bas-fonds à un corps d'armée plus à même de faire face à cette délinquance : les brigades centrales, ou le bataillon, si celui-ci peut se défaire de quelques unités entre deux explorations extra-muros. Leur aide serait la bienvenue.

Avec mes respectueux hommages,

Signé : Erna Gerhild, capitaine de la garnison souterraine"

Je pense ne pas en avoir fait trop dans la déploration. J'aurai pu lui suggérer aussi de faire sceller définitivement ces plaques d'égout qui ne servent à rien puisque le projet de rendre la ville souterraine réellement vivable a été abandonné depuis longtemps. Mais cela n'est pas de son ressort.

A vrai dire, je rêve seulement de partir d'ici. Quand je pense que j'ai fini quatrième de ma promotion... tout cela pour me retrouver dans cette prison. J'étais si bien là-haut... Enfin, je suppose que j'aurai dû éviter de trop critiquer mes supérieurs, je n'en serais sans doute pas là. Je ne fais plus qu'attendre mon jour de relâche chaque semaine afin de retrouver ma famille ; et l'air frais. Je ne suis pas la seule : plus personne n'a la motivation... La seule chose qui nous fait encore tenir, c'est le généreux bonus sur nos salaires que le concepteur des deux refuges nous octroie afin de s'assurer que nous montions une garde suffisante autour de ses protégés. Sans cela, je me serais faite porter pâle depuis bien longtemps.

Si ça ne tenait qu'à moi, je ferais définitivement fermer l'escalier. On pourrait penser que c'est cruel, mais après tout : qu'est-ce qu'ils attendent encore de la vie, tous ces gens ? A peine un pourcent d'entre eux aura la chance de voir un jour la surface et d'y vivre légalement ; peut-être un peu plus en ce qui concerne les enfants des pensionnats. Mais il ne faut pas se mentir : aucun d'entre eux n'aura un meilleur avenir ; rien de bon ou d'exceptionnel ne peut naître ici... C'est un lieu sans espoir.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant