UN GARCON MANQUE(avril 830)Livaï

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J'ai l'impression de plus avoir peur de rien

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J'ai l'impression de plus avoir peur de rien. Je pourrais voler dans les plumes de la garnison et leur rire au nez, si je voulais !

Pourtant, c'était pas gagné. Avant de m'endormir dans les bras de Betti, après qu'on l'ait fait, je me posais des tas de questions. Qu'est-ce que Kenny penserait ? Qu'est-ce que maman penserait ? Est-ce qu'ils trouveraient ça dégoûtant ? Est-ce qu'ils me gronderaient ? Et puis à un moment, je me suis dit qu'il fallait que j'arrête de toujours penser à eux ; maman était morte, Kenny était parti, et peut-être mort aussi. J'avais plus de comptes à rendre à personne. J'étais libre de faire ce que je voulais !

C'était pas du tout comme je pensais. C'est vrai que je me suis pas senti très propre après, mais c'était pas comme tomber dans la boue ou être couvert de poussière ou de toiles d'araignée... Betti était tellement jolie, je la voyais à peine dans le noir... Elle pouvait pas me salir, elle. Et moi, je l'avais salie ou pas ? Comme je lui posais la question, elle m'a assuré que non. Que je lui avais pas fait mal non plus. Pourquoi ça faisait mal à maman ? Est-ce que maman et Betti sont pas faites pareilles ? J'avais déjà vu maman toute nue quand j'étais petit, et c'est vrai que maman avait des seins plus gros que ceux de Betti. Mais c'était pas grave. Je lui ai dit qu'elle était jolie, que je m'en fichais qu'elle ait pas de seins, que je préférais ça, et elle a sourit.

J'ai pas voulu poser la question tout de suite à Betti, j'avais peur de sa réponse. Je savais qu'elle la connaissait, cette réponse. Elle m'a serré contre elle et m'a caressé la tête. Maman faisait ça aussi... Je lui ai demandé d'arrêter parce que j'étais plus un bébé. Bien sûr que non, qu'elle m'a murmuré à l'oreille. J'ai réalisé alors que maman était la seule "fille" avec laquelle j'avais dormi avant elle. Ca m'a un peu embarrassé...

J'ai voulu me lever pour retourner dans mon lit mais Betti m'a dit qu'elle avait froid. Alors je suis resté. J'ai senti qu'elle commençait à s'endormir, mais il me fallait une réponse avant qu'elle s'endorme, sinon j'en aurais plus eu le courage de lui demander. Pourquoi les filles ont mal des fois quand elles font ça ? Elle a pris un peu de temps pour répondre, en me caressant le dos gentiment... C'est quand elles veulent pas le faire que ça fait mal. Est-ce que tu as déjà eu mal, que je lui ai demandé ? Oui, elle avait déjà eu mal, avec Jochem. Pas souvent, mais cela arrivait.

Je me suis mis à le détester encore plus. C'était un sale type. Betti m'a dit le mot qui convenait le mieux pour ça : violeur. C'était un mot bien plus fort que "plumeur", que je connaissais déjà. Est-ce que les clients des putes sont des "violeurs" ? Elle a paru réfléchir un peu, mais j'ai pas très bien compris sa réponse. C'était un peu comme "oui et non". Elle en savait, des trucs.

Je me sentais triste. Jamais je ferais du mal à une fille. Finalement, elles sont toutes comme maman. Maman était normale ; elle avait mal parce qu'elle voulait pas le faire. C'était pas une pute. Une pute, ça existe pas, y a que des filles dans la misère. Elle le faisait juste pour qu'on puisse manger. Elle aimait pas ça. Pas avec eux, en tout cas.

Et avec mon père, comment ça s'était passé ? Est-ce que mon père était un "violeur" ? Est-ce qu'il lui avait fait mal ? Ca me faisait tellement souffrir d'y penser... En tout cas, je serais pas comme lui ! Je l'ai dit tout fort à Betti. Et après, je lui ai dit que ça avait été très bien, que j'aimerais bien qu'on recommence un jour si elle voulait. Elle m'a embrassé et m'a dit qu'on le referait. Qu'on referait quoi ? Comment ça se disait ? "Faire l'amour", elle m'a répondu. C'est une jolie expression ; mais je sais pas encore si je suis amoureux d'elle.

On s'est endormis et j'ai pas eu froid du tout de toute la nuit. J'ai même pas fait de cauchemars.

Quand on s'est réveillés, la journée était déjà bien avancée. On est allés se laver et on a fait comme d'habitude, comme s'il s'était rien passé. Mais elle me regardait plus comme avant. Et elle avait toujours un sourire qui flottait sur le coin de la bouche. Puis on est sortis pour refaire notre réserve de fric et ça a bien donné. Alors on est allés manger un ragoût dans le bar devant la fontaine, avec du bon pain qui craquait sous la dent. Ca faisait un moment qu'on avait pas autant mangé !

On a ramené nos seaux pleins à la planque, et on s'est déshabillés. Mais on a pas "fait l'amour", on avait trop mangé, et on s'est juste endormis dans mon lit, le tricot passé sur nous deux ; nos têtes ressortaient par le trou du haut, c'était marrant !

Betti, c'est une vraie dame. J'ai pas pu être le chevalier de maman, je pourrais être le sien, non ? En tout cas, je laisserai personne lui faire mal.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant