UN GARCON MANQUE(avril 830)Livaï

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J'ai eu du mal à trouver du savon

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J'ai eu du mal à trouver du savon. J'ai dû jouer des coudes pour en avoir un gros morceau. Je le casserai en deux pour qu'on ait chacun le nôtre. J'aurais même pu partir sans payer mais le gérant de la boutique m'avait repéré et peut-être trouvé louche. Je voulais pas me prendre du plomb dans les fesses alors j'ai joué le jeu. Et puis, il se peut que je revienne pour d'autres trucs, un balai par exemple, y en avait pas aujourd'hui ; autant passer pour quelqu'un d'honnête.

Betti doit attendre devant les seaux depuis un bon moment. J'ai hâte de lui montrer ; un beau savon tout blanc, et qui sent très bon... J'adore cette odeur-là... Elle me rappelle toujours quand maman me faisait prendre mon bain...

J'arrive près de notre cachette ; je vois les seaux qui sont bien là, mais aucune trace de Betti. Allons donc, elle a dû suivre un pigeon. Elle devrait faire gaffe, je vois que la garnison est de sortie. Ou alors elle est au petit coin. Je vais l'attendre un peu.

Le temps passe, Betti reviens pas. Est-ce qu'elle se serait fait prendre ? Ou alors, un autre plumeur ? Je décide de tourner un peu dans le quartier au cas où. Les mains dans les poches pour pas qu'on me choure mon fric et mon savon, je fais le tour des rues et ruelles où on a l'habitude d'aller, mais je la trouve pas. Je demande même à un vieux type devant un étal s'il a pas vu une fille rousse au cheveux courts passer par ici, un peu plus grande que moi. Il se rappelle pas d'avoir vu une fille.

Je commence à transpirer un peu. Et si on l'avait enlevé ? Je sais que certains gangs font ce genre de trafic, mais je sais pas du tout où ils crèchent. Certains vieux quartiers des bas-fonds sont des vrais labyrinthes de ruines dans lesquels les criminels les plus dangereux se cachent. Je me sens fort, mais je sais bien que si tout un groupe me tombe dessus, j'ai peu de chance d'en sortir vivant... J'irai bien vérifier... mais je saurais pas par où commencer.

Betti, t'es où ? Si t'essaies de me faire une blague, c'est pas marrant du tout !

Elle est pas au bar, ni près de la fontaine. Je me mets à courir partout, j'essaie d'ouvrir toutes les portes que je vois, comme un con, je crie son nom tandis que les lumières s'éteignent autour de moi. Bientôt, je me retrouve dans le noir. Il fait plus chaud maintenant, l'hiver est passé, et pourtant, j'ai jamais eu aussi froid...

Betti, est-ce qu'on ta fait du mal ? Est-ce qu'on t'a enlevée ? Ou bien... toi aussi tu es partie parce que t'en avait marre de moi ?

Pourquoi tu me laisses, toi aussi ?

Le froid disparaît et je me sens en colère. Je fous un énorme coup de pied dans un tas de lattes de bois posées contre un mur, et tout s'écroule par terre dans un beau bordel. J'ai un peu mal au pied, mais je m'en fous. Je m'accroupis dans une impasse, et je reste là, la tête dans les genoux, à me demander ce qui m'arrive encore. Je m'essuie les yeux avec mes mains sales - non, je pleure pas ! - mais qui sentent le savon... Même l'odeur me redonne pas le moral... J'ai plus envie de me laver, plus envie de manger, juste de rester là, à attendre qu'elle revienne... J'ai déjà eu cette envie ; il y a très longtemps... Et Kenny m'a trouvé...

Qui me trouvera cette fois si je décide de plus bouger du tout ?

Personne. Personne en a jamais rien eu à foutre de moi. Y avait que maman qui m'aimait ! Kenny et Betti étaient juste des faux-culs ! Ils se sont foutus de moi ! Ca sert à quoi de m'attacher aux gens s'ils font que m'abandonner tout le temps ?! J'en ai marre ! Je veux plus être abandonné !

J'ai le cerveau tout vide d'un coup. J'ai l'impression de plus rien ressentir. Comme si ça me faisait plus rien d'être trahi. Je crois comprendre maintenant comment marche vraiment le monde. Ca sert à rien d'être gentil et serviable, tu avais tort, maman ; on se fait marcher dessus. Ca sert à rien de vouloir vivre avec d'autres gens ; ils finissent par vous poignarder par derrière ou vous abandonner quand vous leur servez plus à rien. Les gens sont des salopards. Ils roulent que pour eux-mêmes. J'en étais pas encore sûr, mais maintenant c'est fait.

Je me relève. Ma décision est prise. J'ouvrirai plus jamais mon coeur à personne. Je veux plus ressentir ça...

Je préfère être tout seul.


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant