COMMENT DEVENIR UN EXPLORATEUR ?(avril 844)Furlan Church

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Putains de coups de soleil

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Putains de coups de soleil... J'imaginais pas qu'il puisse être si cruel avec la peau... On en a pris tous les trois, mais moi je douille.

J'ai réussi à m'échapper du cours avec Walther, il avait envie de discuter. Je suis pas très étonné, beaucoup se posent des questions sur nous, on est de vraies curiosités. Certains nous regardent toujours de travers, mais d'autres, comme Walther, veulent juste savoir comment ça se passait dans les bas-fonds. Cet endroit leur semble presque imaginaire, un peu comme un lieu où on envoie les enfants méchants.

A la vérité, c'est plutôt sur Livaï qu'on me pose des questions. Il ne parle pas beaucoup lui-même et Isabel arrête pas de dire partout que c'était le caïd des bas-fonds, donc ça intrigue. Tandis qu'on se pose un tas de bois, Walther me demande s'il est réellement si doué. Je te déconseille de lui chercher des poux dans la tête. Moi et mes copains, on a tenu seulement quelques minutes contre lui ; il a fini par devenir le chef de notre bande, mais je pense que ça l'a jamais vraiment intéressé. Peut-être même que ça le faisait chier...

Maintenant que j'y pense... Livaï se comportait comme notre leader seulement dans certaines situations ; quand ça pouvait être dangereux, que quelqu'un pouvait être tué ou si un plan lui paraissait trop risqué. Il était plus un protecteur qu'un chef. C'était plutôt moi qui chapeautait tout. Il a jamais été doué pour donner des ordres, on le suivait sans qu'il ait besoin de dire quoi que ce soit. Son aura d'autorité nous suffisait.

Ouais, on se connaît depuis longtemps. Et Isabel est pas sa soeur, même si elle adore le raconter. Elle le considère comme ça depuis qu'on l'a récupérée ; elle se faisait malmener par des ruffians qui détenaient l'autorité là-bas ; ils auraient pu lui faire des tas de choses... Eh, ça va, pas la peine de prendre cet air désolé, on s'en sortait tout de même.

Oui, c'est vrai ce qu'on raconte, on a appris à voler dans les bas-fonds ; tous seuls. Les harnais, on les avait... trouvés quelque part, je crois. Je suis pas autorisé à en dire plus, si tu vois ce que je veux dire. Eh, garde ça pour toi, d'accord ? Si on est bons ? Il paraît, oui. C'est Erwin Smith qui est venu en personne nous recruter, tu vois le truc ?

Au moment où je prononce le nom de Smith, Walther saute à terre sur ses pieds en reprenant un air concentré et me susurre de me relever. Des yeux il indique une haute fenêtre sur la façade d'une bâtisse tout près de l'endroit où on est assis. C'est un beau bâtiment de pierre blanche avec des fenêtres dotées de rideaux, plutôt cossue ; à la voir on pourrait penser que de simples citoyens y vivent, ça a rien d'un bâtiment militaire.

Mais je vois une ombre se glisser derrière un rideau. Walther m'informe que c'est Erwin qui nous surveille. Dans cette pièce ? C'est son bureau ? Info intéressante que je fais semblant de pas relever... Oui, c'est son bureau, tous les chefs d'escouade en ont un. Walther dit qu'on ferait mieux de retourner s'entraîner sinon on va se retrouver de corvée de patates... Si tu le dis... il vaut mieux y aller. Je m'éloigne derrière lui, les yeux toujours tournés vers la fenêtre et la silhouette sombre qui y reste en faction.

Je me mets à cogiter. Son bureau se trouve donc ici. Enfin. J'ai bien essayé de guetter toutes ses allers et venues depuis notre arrivée, mais c'était difficile ; on est rarement seul dans le bataillon, tout un tas de gens nous entourent constamment. Pas facile dans ces conditions de filer un haut gradé... Mais maintenant que je sais où il crèche, on va pouvoir se mettre au boulot, Livaï et moi. Je l'enverrai en premier dans cette pièce chercher les documents, ensuite je m'y collerai s'il échoue ; Isabel fera le guet en attendant, comme elle ne sait pas lire, elle ne pourra pas déchiffrer ce qui est écrit.

Comme j'ai eu le loisir d'observer Smith depuis quelques jours, j'ai pu remarquer que son grand copain, Zacharias je crois, lui file le train presque tout le temps. Comme s'il le protégeait... Smith a une attitude un peu dissimulatrice, très secrète, même s'il prend part à la vie de groupe. Notamment lors des repas, il n'est pas rare de l'entendre parler fort, et même rire parfois. Je ne sais pas s'il essaie de donner le change, s'il est inquiet... Il évite Livaï le plus possible, et Livaï ne s'en plaint pas. Mais quand ils ont le malheur d'être dans la même pièce... l'ambiance semble se glacer, si bien que même les autres soldats s'en rendent compte. Livaï reste calme en apparence, mais je sais bien qu'il se retient de pas lui sauter à la gorge.

Cependant, Smith est plutôt aimable. Il ne nous prend pas de haut et est même venu demander à Isabel comment se passait sa formation. Il l'a peut-être fait pour être poli, ou pour tenter de briser la glace, cependant il avait l'air concerné. Isabel a bégayé un peu, mais est restée formelle. Elle est pas très futée mais elle dira rien qui nous mettrait dans les ennuis. Elle lui a même rapporté qu'elle était pas contente du tout d'être séparée de nous et qu'elle aimerait bien venir dormir dans notre baraquement. Smith a eu l'air un peu interloqué - c'était plutôt comique - mais l'a remise à sa place en lui affirmant que c'était impossible. Il a bien essayé de nous adresser la parole, à Livaï et moi, cela dit... un seul regard de la boule de nerfs aux yeux gris l'en a dissuadé, je crois.

La vie avec les autres a pas été facile à accepter pour Livaï. Il aime avoir son intimité et s'isoler quand il le veut, mais ce n'est guère possible. Les douches communes, c'était le pire, je pense. Il a refusé dans un premier temps, sous prétexte qu'elles étaient dégueulasses - ce qui était pas faux -, mais il a fini par se plier aux horaires de toilette. Le connaissant, ça pouvait pas être autrement. Livai peut pas passer une journée sans se laver intégralement au moins une fois.

Le couvre-feu est aussi un problème, pas encore réglé, pour lui qui ne dort presque jamais. Les soldats doivent se coucher tôt pour se lever tôt, c'est la règle. Moi, j'ai aucun mal à tomber comme une masse, les journées sont crevantes, mais Livaï, qui a prit le lit du dessus, n'y arrive pas. Je sais pas trop comment il occupe ses nuits, il n'a pas de livre sous la main.

Enfin, ce qui lui manque le plus, c'est le thé, je crois. Quand il est sur les nerfs, il trouve toujours quelqu'un pour lui refiler des clopes en douce qu'il va fumer derrière les baraquements. Mais ça remplace pas le thé, qu'il dit. Cet endroit, c'est le seul où on peut discuter sans risquer d'être entendus. Enfin il faut faire attention au chef Faragon qui traîne parfois dans le coin, car il paraît que c'est une cachette que les recrues utilisent souvent pour tirer au flanc... et même pour tirer un coup vite fait, si j'en crois les ragots.

Tandis que je me dirige vers ma monture, qui broutait tout près, je me remets en mémoire ce qu'on doit faire : atteindre le bureau de Smith et le fouiller autant que possible pour dénicher les documents de Rovoff. Livaï en premier, il est meilleur voleur que moi, il laissera pas de traces. Je dois chercher un moyen de lui dire où se situe les quartiers de Smith. Bah, je trouverai bien.

En attendant, essayons de faire mieux que la petite à l'exercice.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant