LES MARCHANDS D'HOMMES(octobre 836)Livaï

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Le temps et l'espace reviennent à la normale autour de moi

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Le temps et l'espace reviennent à la normale autour de moi. J'ai le souffle un peu court et je réalise seulement à ce moment que j'ai pris des coups car j'en ressens les effets. Mais mon corps ne proteste pas trop, il semble s'en accommoder.

Ils sont tous à terre ou en train de clopiner pour s'éloigner. Je me prépare mentalement à une autre vague, mais apparemment, y a pas d'autres volontaires. Le goût du sang de l'autre porc m'emplit le nez et la bouche, c'est immonde... Je sens un haut le coeur venir mais je me retiens, je vais pas dégobiller devant ces mauviettes.

Je récupère un couteau à mes pieds, puis un autre plus loin, et je fais mine de vouloir m'en prendre au dernier, qui recule sur les marches de l'escalier en tremblant. Il pourrait bien se faire dessus que ça me serait égal.

Je sais très bien ce qu'ils font ici, ces enfoirés. Personne regrettera des larves pareilles. Je rendrai même un service à la communauté en les tuant tous... Mais... je sais pas, j'ai pas tellement envie de faire ça...

J'en suis encore à me demander si je vais le zigouiller ou juste lui écraser les couilles, quand j'entends du bruit derrière moi. Je me retourne, et je vois émerger de derrière la charrette le type au grand chapeau que j'avais pris pour Kenny. Je l'avais oublié, celui-là. Il marche lentement, comme s'il voulait pas se faire entendre, mais en tapant dans ses mains, levées au dessus de sa tête. Il se tourne vers moi, et, putain j'y crois pas, il me fait un genre de courbette. Il se fout de moi ?

Il semble pas armé. Ni menaçant. Ses yeux ne me lâchent pas une seconde. Ok, tu veux un duel ? Pas de problème, je suis encore frais. Ramène-toi.

Voyant que je me mets en garde, il fais un geste pour signifier qu'il ne veut pas se battre. Il me dit de me calmer, qu'il veut juste me parler. Je reste sur mes gardes, mais je me détends un peu. Tout en gardant un oeil sur mes assaillants blessés, de crainte que ce soit une diversion.

Tout sourire, il me dit s'appeler Reto et travailler pour une personne très riche et influente de la surface. Il est venu dans le but de trouver un champion pour son patron - il l'appelle messire - car celui-ci est friand de combats. Il en organise clandestinement dans le Mur Rose et des sommes d'argent très importantes circulent à ces occasions. Alors, pour donner du spectacle et accumuler des paris élevés, il a besoin d'un nouveau combattant, un outsider, pour créer la surprise, mais capable de battre les champions des autres concurrents. Il pensait repartir bredouille mais il a beaucoup apprécier le "spectacle" que j'ai donné.

Un spectacle ? Je luttais pour ma vie, connard. Et c'est tous les jours comme ça ici.

Je le dis pas à haute voix, je serre les dents, et il continue. Il serait très heureux de me présenter à son messire. Je ne suis peut-être pas aussi grand qu'il l'avait espéré, mais j'ai de l'allure et ce que j'ai montré vaut largement ce petit désagrément ; et puis, ça pourrait prendre plus d'un parieur de court, donc ça augmentera les gains.

Tout ce qu'il me raconte est beaucoup trop surréaliste pour que ce soit une invention. Voyant mon hésitation, il poursuit en m'assurant que si je rapporte assez d'argent à son patron, j'en aurais aussi ma part, à condition de me montrer docile et enthousiaste. Et puis quoi encore, il veut pas que je le suce en prime ? Je suis tellement énervé que je le lui balance à voix haute dans la gueule. Je m'en mords les doigts. Il me réponds, le sourire encore plus grand, que si ça aussi c'est dans mes cordes, messire en sera d'autant plus content. D'habitude il les préfère plus jeunes, mais ça devrait passer si je me débrouille bien...

Je saisis tout à fait le sarcasme, ainsi que le sens de son haussement de sourcils... Ce type est une vraie enflure. Son "messire" peut aller se faire mettre. Et pas par moi. Est-ce qu'il a compris ?

Son sourire se fait moins large, et j'irais bien le planter juste pour avoir pensé que j'accepterai de me faire embaucher par des pervers. Mais non, je vais bien lui montrer que si je le laisse filer, c'est juste parce que je veux pas davantage me salir. Je suis déjà plein de sang et le sien pue sans aucun doute la merde. Et puis, il reste peut-être encore pas mal de ces connards dans le coin qui devraient pas tarder à se ramener. Il essaie peut-être de gagner du temps en me sortant ses boniments. Non, il faut que je me tire.

Mais avant ça, je me dirige vers la charrette et je demande la clef de la cage. Reto avale sa salive - je vois sa gorge tressauter -, lance un appel derrière lui et la clef lui vole dans les mains. Il me la lance, sans faire un pas en avant, et je l'utilise pour ouvrir la cage. Le prisonnier, qui a rien perdu des évènements , tombe à mes pieds en me remerciant, mais je lui dis de filer et de plus se faire prendre par ces tordus. Il se barre sans demander son reste.

Je lance un dernier regard à Reto, qui semble devenir bien plus petit tout à coup, et je me tire du coin sans tarder, laissant les cadavres et les blessés derrière moi. J'entends cet enfoiré me crier de loin que si je change d'avis, j'aurais qu'à en informer Tiedmann, le patron du coin. C'est ça, tu rêves. Je me retourne, je lui fais un doigt et je me mets à courir.

Je me remets à marcher qu'une fois revenu dans le centre-ville. Je risque de pas passer inaperçu avec le sang que je trimballe, alors je prends les petites rues parallèles. Je vais me rentrer et me laver des pieds à la tête. J'ai envie de rien d'autre.

Putain, c'est dégueulasse...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant