POURQUOI TU M'ABANDONNES ? (décembre 829) Livaï

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Ma vision revient

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Ma vision revient. Je vois de nouveau le gros lard penché sur moi. Mon bras a dû faiblir parce que je sens un liquide me couler le long de la joue. Du sang peut-être. Mais j'ai pas mal. Pas mal du tout. Et pas peur non plus. Mon coeur bat très vite, j'ai l'impression d'être ivre tellement mon sang pulse à mes tempes et au bout de mes doigts...

Je cligne des yeux. Deux fois. Je serre ma prise sur son énorme poignet, et je cale mes pieds contre son bide. Je me détends et je l'envoie voler au-dessus de moi, comme un sac de laine. J'entends qu'on murmure autour de moi et je me relève. Je distingue pas grand chose ; je sais qu'il y a un tas de gens partout autour, je vois des silhouettes vagues et sombres. Mais ce que je vois surtout, avec une clarté que j'explique pas, c'est le gros lard en train de se remettre debout. Ses contours sont tout à fait nets, comme dans un dessin... Et il est lent. Tellement lent... J'ai l'impression qu'il met deux minutes pour se redresser et se tourner vers moi.

Je cligne encore des yeux. Il est face à moi. Et il se met à avancer. Ses mouvements donnent l'impression qu'il court mais il semble comme empêtré dans de la boue ; je le vois arriver vers moi avec une lourdeur qu'il avait pas avant... Est-ce que mon cerveau a pris un coup ? J'ai tout le temps de m'accroupir tout en me plaçant sur le côté et je mets ma jambe en travers des siennes. Il trébuche et se met à tomber comme s'il était fait de plumes... Ses contours nets s'estompent un peu, et il se relève pas tout de suite.

Du coin de l'oeil, je remarque une autre silhouette qui se détache soudainement ; l'autre type, que j'avais à peine vu avant, se dirige aussi vers moi, et je distingue parfaitement son couteau. Pendant qu'il prend tout son temps, je me place sur sa trajectoire et j'attrape son poignet ; je le tords très fort, et je vois qu'il se met à hurler - je vois mais j'entends pas son cri, juste un long meuglement désarticulé qui a rien d'humain. J'attrape son coude et je l'étale sur le sol après l'avoir fait voler en l'air.

Tout ce qui arrive est complètement étrange ; mais ça ne m'effraie pas. Etaler ce mec deux fois plus grand que moi m'apparaît tout à coup comme tout à fait juste et logique... Il est tellement lent et léger que je pouvais rien faire d'autre de toute façon.

Je me sens très bien. J'ai pas envie que ça s'arrête. Je me sens fort, puissant. J'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre ; et surtout pas ce couteau que le type à terre lance vers moi.

Je l'attrape au vol sans aucun problème et, dans le mouvement, je le retourne et le plonge en avant. Le sang éclabousse mes mains ; ma veste. Il essaie de me forcer à retirer la lame de son ventre en me repoussant ; mais je suis presque affalé sur lui et je la replonge encore ; et encore. Comme si j'avais fait ça toute ma vie. C'était si simple ; un mouvement de va et vient très mécanique, précis, là où c'est fatal.

Quand je me relève, le couteau à la main, il est immobile, dans une flaque sombre. Je vois pas la vraie couleur du sang, il paraît noir... Une de ses mains est repliée sur elle-même, comme celle d'un cadavre, et sa bouche et ses yeux ouverts... De la bave lui coule des lèvres ; je la distingue sur sa peau parce qu'elle brille à cet endroit.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant