POURQUOI TU M'ABANDONNES ? (décembre 829) Kenny Ackerman

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Il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre

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Il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre. Le petit est face à son destin. Qu'il compte pas sur moi pour piper les dés.

J'étais en train de traîner dans les rues pour m'acheter des clopes quand a retenti un son de cloche. On l'entend pas souvent, mais il a qu'une seule signification : incendie. Un évènement de ce genre ça compte dans les bas-fonds, parce que l'air circule mal et la fumée stagne sous le plafond pendant des jours avant de s'évacuer par les quelques ouvertures que les rupins du dessus ont bien voulu nous laisser.

Ni une ni deux, et comme je m'emmerdais, je me suis dirigé vers l'ouest, et quand j'ai réalisé à peu près d'où provenait cette fumée épaisse, je me suis mis à marcher plus vite. J'ai vu l'ampleur des dégâts, les gars de la garnison occupés à rassembler les occupants et contenir la foule de curieux. Y en avait sans doute de coincés à l'intérieur. Uli allait pas aimer ça. Je le voyais déjà se prendre la tête dans les mains et se morfondre... Avec son titan, il aurait pu déverser des tonnes d'eau là-dessus en quelques minutes. Moi, je peux pas faire grand chose ; et puis je suis pas un héros.

Y avait quelque chose de vraiment accablant dans ce spectacle. Cette maison de l'espoir qui cramait, et tous ces spectateurs qui restaient là, sans bouger... Pas sûr qu'ils auraient fait quoi que ce soit, même s'ils l'avaient pu. C'était leur manière de dire que rien de bon ne pouvait se faire dans les bas-fonds, ni en sortir, et que quand quelqu'un tente quelque chose, ça finissait toujours par déconner. La fatalité, voilà ce qui reliait tous ces gens. Une baraque qui brûlait, c'était le divertissement du jour ; comme pour les richards qui mettent leurs beaux habits et sortent leurs gosses pour assister à la pendaison du mois. Depuis toujours, les humains se marrent du malheur de leurs semblables en espérant que ça leur arrive jamais, à eux. Je le sais, je suis comme eux.

Des types de la garnison se sont servis de leur équipement tridimensionnel pour tenter de pénétrer dans la baraque par le toit, mais celui-ci a fini par s'effondrer, comme une tourte mal cuite. Ca flambait déjà depuis de longues minutes, depuis au moins une heure peut-être. Penser que des gamins avaient peut-être fini leurs jours là-dessous, je savais pas pourquoi, ça me mettait en colère. Faut croire qu'Uli déteignait déjà sur moi...

J'en étais là de mes pensées quand j'ai remarqué qu'une partie de la foule s'était déplacée vers la grande rue. Ca m'a ramené à la réalité ; parce que je pensais encore à Uli. Machinalement, et aussi parce que je crevais de chaud, je me suis aussi éloigné dans cette direction pour voir ce qui se passait. J'entendais des cris, des huées, des applaudissements... Curieux comme je suis, je me suis approché pour voir ce qui causait toute cette effervescence. Au milieu d'un cercle formé par la foule à la fois excitée et attentive, il y avait deux mômes : le plus grand, un espèce de gros lard aux cheveux blonds et à la lèvre pendante - signe évident de débilité profonde ; et l'autre, le plus petit, ben... c'était le mien.

Le gros essayait d'étrangler Livaï avec le foulard qu'il s'était mis à porter tout le temps quelques mois auparavant. Mauvaise idée, ça, de donner des prises à l'adversaire. Mais il a bien réagi et arrêté de se débattre, ce qui lui a permis de se dégager. Bien joué. Mon enseignement avait pas été totalement inutile.

Je reconnaissais le gros ; c'était celui que j'avais dégagé de la planque l'autre fois. Et plus loin de l'autre côté du cercle, j'apercevais l'autre, le brun maigrichon avec une balafre sur le nez. Il gueulait en agitant les bras comme un dément et je sentis alors l'énergie qu'il dégageait parcourir la foule. Livaï était piégé ; on le laisserait pas sortir de là.

Et moi, je vais pas aller le chercher. C'est le moment, nabot. Le moment de montrer ce que tu vaux vraiment.

Je remarque qu'il parcourt la foule du regard, et s'arrête sur moi. Ouais, je suis là, le nain. En spectateur. Soit tu plantes ce mec, soit c'est lui qui te plantera. T'as pas le choix. Ni moi. Bizarrement, je me sens calme. Je me dis que je vais enfin savoir si ce môme est réellement un Ackerman. Et si, enfin, je vais pouvoir rejoindre Uli ou pas. Car quoi qu'il arrive, qu'il gagne ou qu'il meurt, ce sera ma seule option. Ca veut pas dire que je m'en fais pas pour lui, mais je regarde toute la scène avec un détachement digne de Kenny l'Egorgeur.

Je le fixe, attentif au moindre changement dans ses mouvements ; il a pas d'arme, ce qui va lui compliquer les choses. Il doit piquer celle de son ennemi. Et pour ça, il aura pas d'autre choix que de s'"éveiller". Si c'est un Ackerman, il le fera. Autrement...

Tu dois le planter, Livaï. Le zigouiller et le laisser saigner par toutes les veines dans la poussière. Te retiens pas davantage de faire ce que tu es capable de faire. Tu l'as dans le sang, cette force que tu te refuses à exercer. On l'a tous, à condition de l'accepter. Fais pas comme ta mère ! Sors-la !

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant