AU COEUR D'ENJEUX POLITIQUES(février 844)Livaï

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On suit tous le type de Rovoff, mais je suis pas tranquille

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On suit tous le type de Rovoff, mais je suis pas tranquille. Je scrute les environs, tous mes sens en alerte, prêt à riposter à la moindre attaque. Mais il nous fait emprunter des voies publiques en pleine lumière. Il a l'air réglo.

Je dois bien admettre que ce Nicolas Rovoff m'a toujours intrigué. Son nom est connu, mais le personnage reste mystérieux. Etrange qu'il n'ait jamais fait appel à nous, alors que nous sommes le gang le plus en vue de la ville souterraine. Un ponte comme lui doit se créer des tas d'embêtements que des gars comme nous pourraient gérer. Mais il a toute une clique à son service, on devait pas l'intéresser.

Jusqu'à aujourd'hui. Voyons voir ce que ce mec a à nous proposer.

On se dirige vers le centre-ville. Furlan me glisse qu'on doit avoir rendez-vous dans un coin de bar à l'écart des oreilles indiscrètes. Dehors ou dedans, c'est pas tellement un problème. Je pense que ce type nous mène réellement à son patron et que celui-ci doit avoir de sacrés problèmes pour faire appel à nous.

On dépasse les bars et troquets du centre pour se diriger un peu plus vers l'ouest. Je m'inquiète à un moment ; il va pas nous recevoir dans un bordel, ou un truc du genre. Certains chefs de gang font ça, pour briser la glace... Mais on passe aussi devant ces tripots et bientôt le grand escalier, gardé par les sentinelles de Rovoff, apparaît devant nous.

Ca fait un moment que je m'étais pas arrêté devant. Il a été en partie restauré, par rapport à mes souvenirs. Une volée de marches taillées dans la pierre, menant à un petit couloir qui fait un coude, et au-delà duquel on devine la lumière du jour. Elle est tellement proche...

Quand le gars de Rovoff se met à gravir les degrés et s'arrête pour voir si on le suit, j'ai comme un sursaut mental. Les sentinelles se sont écartées, elles ne nous bloquent plus le passage... Je sens la main d'Isabel serrer la mienne convulsivement et elle pousse un petit cri de surprise. Furlan avale sa salive difficilement mais je devine le sourire sur le coin de ses lèvres.

On nous invite à monter l'escalier qui mène à la surface.

Pendant que mes jambes me portent de plus en plus haut, des souvenirs me reviennent... Moi, enfant, les billets de Kenny dans les poches, attendant mon tour pour tenter de passer ; moi, plus grand, scrutant les prétendants pour leur voler leur fric ; moi, il y a quelques années, observant les soldats de la garnison refoulant, encore et encore, ceux qui veulent sortir pour fuir la peste des bas-fonds... Plus j'y pense et plus je me dis que cet escalier a vu bien plus souvent descendre des humains qu'il n'en a vus monter...

Cet escalier m'a accompagné toute ma vie. Il m'a nargué, m'a fait rêver, pleurer aussi... Et voilà que je le foule enfin.

Nous sommes arrivés au sommet. Les rais de la lumière solaire nimbent le sol de dentelles d'ombres. Je m'attendais pas à ce que ce soit aussi beau... et si effrayant. Cette lumière m'attire mais me fait peur aussi. Ces rayons frappent directement, pas comme ceux du puits de lumière qui viennent de très haut au-dessus de nos têtes.

Je me risque sous cette lumière, me protégeant les yeux par anticipation. Isabel et Furlan ont le même réflexe. Et là, je vois un genre de grande charrette couverte, mais très ornementée, garée au sommet des dernières marches menant à la liberté. Elle cache la vue sur ce qui se trouve derrière. Lorenz en a ouvert un des portes et une sombre silhouette assise à l'intérieur se met à nous parler.

Nicolas Rovoff nous informe qu'il a besoin de nos talents pour le tirer d'un mauvais pas. Et que nous sommes les candidats idéals pour ça. Pourquoi ? Le bataillon d'exploration - cette évocation me fait tiquer - a décidé de mettre son nez dans ses affaires et un certain Erwin Smith possède contre lui des preuves compromettantes. Il doit toujours les avoir sur lui sinon Rovoff aurait été arrêté.

Notre mission est de nous infiltrer dans le bataillon, de récupérer les documents et de les ramener à Rovoff.

Hm, ouais, et on y gagne quoi ? Je le devine en train de sourire dans le noir. Dépêche-toi, je cuis, là. Il fait chaud. Le soleil est sur le point de se coucher - je n'ai jamais vu un coucher de soleil - mais il tape encore fort, pour nous autres.

Rovoff nous assure qu'en échange de ce service, il nous offrira une coquette somme d'argent et, bien sûr, les papiers de citoyenneté qui doivent nous faire tant envie. Furlan s'avance. Vrai de vrai ? qu'il demande. Absolument, il répond. De toute façon, qu'avons-nous à perdre ?

La vie, connard. Le bataillon d'exploration, c'est pas rien. Je sais toujours pas exactement ce qu'ils y foutent, mais c'est pas la promenade de santé, à ce qu'on dit. Nous savons nous servir du harnais, non ? qu'il rétorque. Oui, mais on est des bandits, et on se fera choper à la première occasion si on se met à fouiller partout. Et comment on pourrait se faire intégrer dans le bataillon ? On est même pas citoyens !

Rovoff nous assure que cet Erwin Smith est déjà sur les rangs, et ne va pas tarder à prendre contact avec nous de lui-même. Comment ça ? Apparemment, nos exploits lui ont tapé dans l'oeil et il compte nous enrôler dans le bataillon. Par la force s'il le faut.

Je lui demande pas comment il le sait. Ces gens-là ont leurs sources. Nous enrôler de force, ah ouais ? Il est pas né celui qui m'obligera à faire quoi que ce soit. Je lui conseille pas d'essayer, ce putain de fonctionnaire. On lui a tapé dans l'oeil ? Je peux pas m'empêcher de penser que la présence de ces soldats du bataillon aperçus dans les bas-fonds doit être liée à ce que Rovoff vient de dire... On dirait qu'un vaste complot se tisse autour de nous, et je vois pas qui tire réellement les ficelles ; Rovoff ou le bataillon ?

Ca sent très mauvais. Et les senteurs de pain frais et de fer chaud battu n'arrivent pas à couvrir cette intuition.

Je renifle avec dégoût et lui répond qu'on est pas intéressés. Furlan me saute presque sur le dos pour protester, mais je l'arrête d'un geste. Ces histoires nous concernent pas, c'est trop compliqué pour nous. On va se mettre dans une merde pas possible, et avec un peu de chance, on aura juste droit à la corde. C'est ça que tu veux ?

Furlan reste silencieux, mais je vois bien qu'il est déçu de moi. Isabel me serre le bras et m'enfonce ses ongles dans la chair, pour me montrer sa frustration. On en discute pas, c'est non. Les affaires des gens de l'extérieur ne sont pas les nôtres. Vous pouvez garder votre fric ; et le droit de vivre là-haut aussi. Ca m'a tout l'air d'être un repaire de vipères entrelacées... Et je vais pas abandonner mon gang.

L'image du soldat du bataillon me fixant des yeux de façon insistante me revient en mémoire. Non, je veux pas tremper là-dedans, et plus que tout, je peux pas le revoir, celui-là. Trouvez d'autres couillons pour régler vos problèmes. On s'arrache.

Je me détourne alors que le soleil est au plus bas. Je distingue au loin une ligne de toits, des flèches, des pignons. Ce genre de décor est souvent décrit dans les livres que je lis - notamment dans "Le Royaume des Trois Déesses" -, mais j'imaginais pas que ce soit réel. Et les titans, alors, ils sont réels aussi ?

Le travail du bataillon est vraiment de les exterminer ?

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant