IL PLEUT DES MORTS(juillet 832)Dieter Eckart, médecin

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L'épidémie semble bel et bien contenue

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L'épidémie semble bel et bien contenue. Les quelques malades qui restent sont encore confinés, mais le traitement est très efficace. Nous avons évité le pire. J'ai reçu l'ordre express de rester dans les bas-fonds pour superviser la prise en charge des plus atteints, mais il ne fait aucun doute que le danger est écarté.

Quand les tests du sérum ont donné de bons résultats sur les patients du Mur Maria, le découvreur de l'anticorps, le docteur Jäger, a immédiatement ébruité la nouvelle. Mes confrères et moi nous sommes rués sur ce miracle et en avons prélevé en grandes quantités. Ce Jäger, nouvellement arrivé dans les Murs - son histoire est assez stupéfiante - n'a pas gardé sa découverte pour lui mais en a gracieusement offert la formule au gouvernement.

Le sérum a guéri les malades en quelques heures, un temps record que nous n'espérions même pas. Après ces bonnes nouvelles, les têtes pensantes du gouvernement ont ordonné son administration gratuite à tous les malades des trois Murs, ceux du Mur Sina en priorité. Nous étions furieux de cette décision, car ces malades n'étaient pas les plus infectés. Le Mur Maria était quasiment sauvé déjà, mais les patients du Mur Rose étaient très mal en point.

Nous avons dû malgré tout suivre les ordres sous peine de perdre notre licence. Les dents serrées et les lèvres closes, nous avons dû administré le sérum à des personnes qui n'avaient même pas encore présenté de symptômes, alors que des patients en phase terminale agonisaient dans le Mur Rose et sous nos pieds... Les jours passaient, et aucun ordre d'en haut ne nous avait encore donné le feu vert pour aller sauver les habitants des bas-fonds. Mes confrères et moi étions en rage.

Et puis, un autre miracle s'est produit. Le chef des brigades centrales en personne - un grand type à l'air pas commode, vêtu d'un grand manteau noir - nous a annoncé qu'un riche individu avait fait pression sur le roi pour que le remède puisse être apporté dans les bas-fonds. Il n'a pas fallu me le dire deux fois. Avec les collègues, nous avons réquisitionné tout les modes de transports possibles et nous sommes descendus sous terre.

C'était la première fois que j'y mettais les pieds. L'extrême pauvreté qui régnait ici prenait aux tripes... Même si nous ne craignions plus la peste grâce au sérum, la plupart préférait garder leur masque. Nous nous sommes dirigés en priorité à la caserne pour prendre connaissance du recensement. Nous avons séparé les noms en deux listes : ceux qui étaient déjà à l'hôpital, et ceux qui n'y étaient pas encore. J'ai divisé nos forces et envoyé quatre médecins à l'hôpital sauver les malades. Moi, ainsi que tous les autres, nous sommes partagés les différents quartiers afin de s'assurer de ne manquer personne.

J'ai vite compris qu'il n'y avait pas réellement d'adresses dans les bas-fonds ; juste des lieux-dits. Mais la garnison avait eu le bon sens de marquer tous les bâtiment susceptibles d'abriter quelqu'un, nous n'avons eu qu'à suivre leurs traces. Ils avaient vraiment bien fait leur travail ; ils pouvaient reposer en paix.

Le nombre de cadavres était moins important que nous l'avions craint. Et nous n'avons pas été ennuyé par des fauteurs de troubles sur notre parcours. Même le plus endurci des malfrats aurait pleuré pour être sauvé de cette horreur. On ne nous a pas demandé de faire le détail, tout ceux qui se présentaient étaient soignés. En cette période de crise, tous, du plus riches député au plus vil bandit, redevenaient des humains.

Nous avons recensé le plus de survivants parmi les adolescents et jeunes adultes. Leurs défenses immunitaires sont meilleures que celles du reste de la population. Mais après la mort, ce sont les corps qui brûlent sans discontinuer. Quand on pense que le mois de juillet est censé être l'un des plus beaux de l'année... Celui-ci, juillet 832, ne sera pas oublié de sitôt. Tant de morts en à peine cinq mois...

Nos patients se remettent en douceur de l'horreur qu'ils ont vécue. Le riche philanthrope nous a octroyé davantage de moyens afin de soigner nos malades dans les meilleures conditions. Et la peste n'étant plus un problème, il reste toutes les autres maladies présentes dans les bas-fonds. Je doute que le gouvernement accepte longtemps la présence d'un établissement de soin ici, il préfère savoir les médecins en surface. Mais tant que ce généreux anonyme aura l'autorisation de maintenir cet endroit en place, j'y resterai.

Je sais bien que nombre de ces gens, parmi les plus jeunes, deviendront sans doute des hors-la-loi, mais quand je vois la façon dont ils ont été traités, presque laissés pour compte, je me dis que c'est de bonne guerre.

Nous les avons bien assez fait souffrir. Ils feront ce qu'ils voudront de la vie que nous leur avons rendue.


Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant