ADIEU, MON FRERE...(mai 844)Livaï

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L'averse pèse sur mes épaules

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L'averse pèse sur mes épaules. Ce n'est pas de l'eau mais de l'acier qui me martèle le corps... Les capes des explorateurs ne protègent que très peu de ce genre de tempête. J'aurai pu être totalement nu que le résultat aurait été le même. Je claque des dents sous l'assaut du vent, ma peau est gelée...

Je connais les bonnes intentions de Furlan, mais je refuse qu'on ait fait tout ça pour rien. C'est moi qui tuerai Smith, il finira pas dans le bide d'un titan. Et ces putains de documents, je les récupèrerai ! Il est temps d'en finir, j'en ai marre de ce rôle !

Tout est gris, brumeux et silencieux autour de moi. Seuls le galop de mon cheval et le son de la pluie parviennent à troubler mes pensées. Mais je les sens, autour de moi. Il sont là, à me guetter, se pourléchant d'avance de me dévorer. Comptez-pas là-dessus, les sales tronches. Je vais pas m'arrêter. Ma monture dérape, une fois. Le sol est si boueux que c'est un miracle si on est pas encore tombés. Ces chevaux sont de vrais héros. Allez ma belle, courage, je souffre avec toi.

Si je me rappelle bien de la formation, je suis dans la bonne direction pour rejoindre le centre. Ligne droite, rien d'autre. Je sais pas encore comment je vais faire pour m'occuper de Smith sans me faire repérer. Zacharias doit sûrement être avec lui... et le major aussi. Ca va être coton... J'essaie de monter une stratégie, mais mon cerveau ne peut penser à rien d'autre qu'à mes deux potes... C'est pas le moment, je sais, je dois trouver un moyen de démêler tout ce bordel et d'en sortir vivant...

Je vois encore le regard plein de confiance d'Isabel posé sur moi. Je me rends compte qu'elle a jamais douté de moi ; pas une fois. Furlan est moins naïf, il me connaît bien mieux et il sait qu'il m'arrive de faire des erreurs de jugement. Il ne s'en doute pas, mais j'ai pas pris cette décision à la légère. J'y ai pensé mûrement avant... Je... je pense avoir fait le bon choix. Faragon et Sairam auront besoin d'eux si un titan les attaque. A quatre, ils seront assez forts pour s'en sortir. Si je suis moi-même attaqué, j'ai encore tout mon gaz et toutes mes lames, ça devrait aller. Au pire, je peux continuer de fuir, ma monture est endurante. Il faut pas que qu'elle craque en tout cas, sinon je suis mal...

Je réalise que c'est la première fois que Furlan et moi sommes séparés depuis que j'ai rejoint le gang. Il a toujours été avec moi, dans tout ce que je faisais. La distance entre nous me paraît immense maintenant... Je ne dois pas douter de moi, ni d'eux. Isabel doit aussi avoir peur, ça lui arrive souvent quand elle sait pas où je suis... Soutenez-vous, s'il vous plaît, protégez-vous l'un l'autre, je vais revenir. Il est hors de question que je ramasse vos cadavres.

Aucun moyen de m'abriter de cette pluie... Au moins, le brouillard s'est un peu dissipé. Mais ça évacue pas le sentiment de solitude absolue qui me gèle les os... J'ai toujours aimé être seul, mais là, maintenant, ça me fout l'angoisse. J'aimerais voir un visage humain ; pas celui d'un ces monstres qui rôdent autour de moi. Je tourne la tête pour tenter de les apercevoir.

Et là, je vois quelque chose. Comme une onde de chaleur qui s'élève à quelques mètres sur ma droite. Ca déforme le paysage, et même l'air s'en trouve réchauffé. Qu'est-ce que c'est ? Ce que je pense ?... Ca reste sur mon chemin alors je décide d'aller jeter un oeil. Peut-être que sans me l'avouer, l'idée de revoir un explorateur me soulage, après avoir chevauché pendant une heure seul sous la pluie à me poser des questions...

Et puis, je peux pas m'en empêcher... Il y a peut-être un combat en cours et si je peux aider...

Mais c'est bien pire que ça. Sur la plaine où traînent encore quelques panaches de brume, s'entassent des corps. Des hommes, des chevaux... tous leurs membres emmêlés les uns aux autres, comme dans une danse macabre... Certains n'ont plus de tête, ou juste la moitié de leur corps, un bras, ou une jambe...

Ma vision se brouille un instant, pas seulement à cause de l'eau qui me coule dans les yeux. J'étais pas prêt à voir ça... Tous ces gens... ces vies gâchées, inutilement... A cause de ces... ces choses ! Bordel, ils les ont même pas bouffés ! C'est comme si on les avait juste piétinés, en en ayant rien à foutre ! Pourquoi ils font ça ?! C'est quoi leur but ?! Je serre les poings sur mes rênes et laisse un peu de répit à ma jument, le temps d'analyser la scène.

Les titans étaient nombreux. Environ cinq ou six, si j'en crois les traces de pas gigantesques. Sûrement des déviants, les normaux ne s'attaquent pas aux chevaux... Je dénombre les corps. J'en vois quatre, mais il y en avait peut-être plus. Une équipe entière est tombée ici. C'est sûrement celle qui nous précédait. Un peu plus loin, je distingue le cadavre d'un titan en train de se dissoudre ; c'est lui qui émettait cette chaleur. Il m'est difficile de dire si le carnage est récent ou remonte à une heure ou plus, ce processus de destruction varie selon les spécimens.

Je m'apprête à reprendre ma route, la rage au coeur, quand je remarque encore quelque chose. Les traces des titans... elles sont nombreuses et elles se dirigent... vers l'endroit d'où je viens. Non pas devant, mais derrière moi. J'ai dû les croiser sans les voir... Bon sang...

Ils se dirigent droit vers l'escouade de Faragon ! Non ! Putain, c'est pas vrai ! Ils ont aucune chance face à tant d'ennemis ! Ils vont se faire massacrer ! Je dois y retourner ! Pourvu que ces saletés aient pas trop d'avance sur moi !

Clem ! Ne me dis pas que j'ai encore pris la mauvaise décision !

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant