Messire aimerait bien ce petit paradis souterrain. On y trouve tout ce qui se fait de plus illégal. C'est tout à fait son truc ; plus c'est glauque, plus ça lui plaît. Je le juge pas pour ça, déjà c'est pas mon rôle, et puis tant qu'il me paie bien pour lui trouver de nouveaux jouets, je vois rien à y redire.
Y a pas d'enchères aujourd'hui au sol-sol, les occupants des lieux se contentent de donner des combats de chiens et de coqs quand ils sont désoeuvrés. Comme c'est pas illégal, ça camoufle bien tout le trafic. Messire aime bien les combats ; mais lui, il donne plutôt dans le combat entre humains, et plutôt à mort, voyez.
Je suis connu, ici. Messire est un bon client. Dès qu'il casse un de ses jouets, c'est moi qui m'y colle pour lui en dénicher un nouveau. Personne ici ne sait qui est messire. Il me tuerait si je le révélais. Ses liens de parenté étroits avec le roi Fritz feraient tache dans un endroit comme ça... Alors je me montre discret là-dessus.
Je m'approche un peu d'une des arènes de combat pour regarder un peu ce qui s'y trame. On a placé deux coqs face à face. On leur attache à la patte leur ergot en métal, et on les lâche. Au milieu des encouragements, des piaillements et des volée de plumes, on ressent parfaitement l'énergie que ces deux animaux, pourtant pas si grands, déploient pour en finir l'un avec l'autre. Les becs cherchent le coeur, les pattes cherchent les yeux... C'est vrai que ça a quelque chose de grisant. Presque autant que quand il s'agit d'humains... J'y connais rien, à ce... sport, et comme j'ai pas envie de perdre du fric, je parie jamais. Ca changera pas aujourd'hui. Et puis, je suis en mission.
Je vais voir le patron, Tiedmann, et je le salue en touchant mon chapeau. Il me le rend, et commence à se frotter les mains. Il m'annonce qu'il lui reste quelques articles invendus en bas, si je veux voir. Je rechigne un peu, car je sais d'expérience que les invendus sont jamais de bonne qualité. Il ouvre la grande trappe derrière la table à laquelle il jouait aux cartes et nous descendons l'escalier.
On s'enfonce encore davantage sous terre. Je peux pas m'empêcher d'admirer le boulot, parce que le sol est si dur ici qu'il est réputé impénétrable. Ceux qui ont construit les bas-fonds jadis se sont arrêtés au niveau de dessus parce qu'ils pouvaient pas forer plus loin. Mais la technologie a un peu évolué depuis et avec les travaux de reconstruction des bas-fonds qui avaient été lancés il y a quelques années, c'est passé inaperçu.
Il attrape une torche et l'enflamme avec une allumette. Exceptionnellement, il devra éclairer tout l'entrepôt pour moi. Ils laissent la marchandise dans le noir le reste du temps, paraît que ça affecte le mental et que ça décourage les tentatives de fuite. Je me demande bien comment on pourrait s'enfuir d'ici de toute façon. Je le laisse prendre de l'avance dans l'entrepôt ; il allume toutes les lampes des murs avec la torche en sifflotant, et bientôt on y voit comme en plein jour. Des bruits de tissus, des plaintes et des gémissements - même des sanglots - atteignent alors mes oreilles. Je me mets à passer en revue le contenu des cages alignées.
Tiedmann, tout en continuant de se frotter les mains de façon obséquieuse, me demande ce que je cherche. Un enfant, pour le plaisir de messire ? Non, pas cette fois. Messire a besoin d'un bon gaillard, pour le faire combattre à la prochaine rencontre. Un grand, teigneux, qui en impose, voyez. Vous avez ça ? Il se gratte le menton, et me guide vers une cage un peu à l'écart. Dedans gît un malheureux rachitique sans doute récupéré sur un tas d'ordures. Essaie pas de me revendre de la camelote. Je le plante là et je fais moi-même le tour des cages, les mains dans les poches de mon manteau. Il me suit quelques pas derrière.
Toutes les cages sont de la même taille. Originellement construites pour transporter du gibier de taille moyenne, elles paraissent grandes quand elles abritent un ou deux enfants ; mais les adultes s'y trouvent bien à l'étroit. Il n'y a aucun homme adulte respectant les critères ici. Ils ont l'air d'être des poivrots, ou des maladifs en phase terminale. C'est pas ça que je veux.
Tiedmann s'excuse de pas pouvoir me contenter aujourd'hui. C'est pas grave que je lui dis, j'attendrai le prochain arrivage. D'ici deux jours, il me dit, il y aura du nouveau. Deux jours ? Ok, j'irai crécher dans le coin en attendant. Si jamais un article correspondant à ma demande lui passe sous le nez, est-ce qu'il pourra me faire prévenir, au bordel du centre-ville ? Pas de problème. Mais si jamais un article de cette qualité leur tombe entre les mains, il aime autant me prévenir qu'il sera mis aux enchères normalement pour faire monter les prix.
Mon cher Tiedmann, est-ce que j'ai jamais eu envie de briser les règles Je les connais, alors te bile pas. Tu le mettras aux enchères, et comme tout bon client qui se respecte, je me mettrais comme d'habitude au fond de la salle, je balancerai des prix et ce sera la victoire au plus riche. Donc à moi. Enfin, à messire. Pigé ?
Il hoche la tête. Brave homme. Il essaie quand même de me refourguer un des gosses qui restent, connaissant les goûts de messire. Non, mon gars, l'argent que j'ai, c'est pour ce que messire a demandé. J'ai juste assez de fric à moi pour me payer des catins et de quoi boire. Garde tes mômes.
Avant de me détourner de la cage des deux enfants que Tiedmann m'a gracieusement proposés, je note la crasse et les larmes qui barbouillent leurs visages. Ils se tiennent par les mains et tremblent de tout leur corps.
Ils sont encore trop jeunes pour qu'on puisse deviner si ce sont des garçons ou des filles...
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Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]
FanficL'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me su...