Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]

AU COEUR D'ENJEUX POLITIQUES(février 844)Nicolas Rovoff

Réalisent-ils seulement les risques que je prends en venant moi-même les trouver ici ?

Je pensais que cette preuve de bonne volonté - ainsi que la promesse de récompenses - leur ferait accepter mon offre. Mais ce Livaï est bien trop méfiant, trop suspicieux... Pour tout dire, je ne m'attendais pas à une réponse négative. Leur rêve doit être de s'échapper d'ici ; pourquoi refuser mon marché ?

Tandis que mon carrosse progresse dans Mitras, mon avenir me paraît bien incertain... Je dispose d'autres moyens d'arriver à mes fins. Il me faut ces documents ; ou tout du moins éliminer Erwin Smith. Non, cela ne changerai rien, si d'autres explorateurs sont au courant de l'affaire.

La trahison de Bastian m'a porté un rude coup, il est vrai. Cet homme avait toute ma confiance. Il ne trahira plus personne à présent. Smith a ses méthodes pour obtenir ce qu'il veut. Il aurait fait un bon politicien. Je me souviens de ce jour où il est venu à la capitale plaider la cause du Bataillon aux côtés de Shadis. Nous nous sommes affrontés du regard et sa détermination m'a impressionné. J'ai su dès ce jour qu'il me faudrait composer avec lui. Mais j'étais loin d'imaginer que ce serait lui qui mettrait tout mon trafic à jour. Si cela venait à se savoir, aucune de mes relations ne pourrait me venir en aide.

L'interrogatoire de Bastian a eu lieu il y a un bon moment maintenant, et toujours aucune tentative d'arrestation. Cela ne m'empêche pas de raser les murs discrètement... Bastian m'a assuré avant de mourir que Smith détenait les documents du contrat signé avec la guilde Lang, stipulant que je m'engageait à rembourser les dommages et intérêts à la guilde en échange de la revente illégale de matériel militaire. Si ces documents avaient été remis à Zackley - et je l'aurais su grâce à mes espions -, je devrais être sous les verrous à l'heure qu'il est.

Au lieu de cela, il a déposé chez le généralissime une demande de descente dans les bas-fonds afin de procéder à une arrestation avec permission d'enrôlement, par la force si nécessaire. Elle concerne nos trois voleurs volants, qui m'ont sans honte tourné le dos. J'ai bien essayé de leur faire comprendre que Smith essaierai de les coincer sous peu, mais ça n'a pas eu l'air de les effrayer.

A l'heure actuelle, je ne sais si Zackley a donné son autorisation pour une telle opération. Mais pourquoi refuserait-il ? Il est vrai que de tels truands parmi les explorateurs feraient sans doute un peu mauvais genre, mais le bataillon a besoin de recrues. Il en meurt davantage à chaque sortie. S'ils avaient accepté mon offre de mission, il leur aurait suffit de se laisser capturer, d'intégrer le bataillon et de chercher dans les affaires de Smith les documents compromettants portant mon nom et la mention de Lang.

Maintenant que leur réponse est claire, j'ignore ce qui se passera. Je peux toujours essayer d'introduire un autre espion au sein du bataillon - le dernier s'est fait prendre à trafiquer leurs comptes -, mais il ne sera sûrement pas aussi bon avec le harnais que ces trois-là. Cela serait tellement mieux passé si Smith les avait intégrés lui-même...

Je dois m'attendre à voir de nouveau des explorateurs dans les bas-fonds ; peut-être Smith lui-même. Il ne sera pas assez stupide pour porter les documents sur lui ce jour-là. Il les aura sans doute enfermés dans un coffre ou toute autre cachette bien gardée. Je dois faire mener l'enquête au sein du bataillon, je n'ai pas le choix. Mais mes fidèles s'amenuisent ; d'autres ont déjà pris la poudre d'escampette en sachant ce que je risquais. Ils ne veulent pas tomber avec moi.

A chaque minute qui passe, je m'attends à voir des militaires débarquer chez moi pour me menotter comme un criminel... Un criminel... Je suppose que c'est ce que je suis... Mais je suis également un notable, un proche du roi ! J'estime avoir le droit à davantage d'égards qu'un de ces ruffians de bas étage ! En tout cas, si cela doit arriver, je ferais en sorte que la guilde tombe avec moi. Les brigades s'en mordront les doigts !

En attendant, je vais aller me réfugier dans une de mes demeures d'Utopia. Et si cela tourne vraiment mal, tenter de m'enfuir au nord... Ensuite il ne me restera plus que les titans...

Leur évocation m'effraie moins que celle de Smith...