LES ENFANTS DE LA PESTE(juillet 833)Clemens Dierk

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Allez, on va s'en jeter un au bistrot avant de se rentrer !

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Allez, on va s'en jeter un au bistrot avant de se rentrer !

Les potes et moi, on doit discuter de notre nouvelle organisation. On a pas l'intention d'attendre que tout soit reconstruit pour commencer à trafiquer. La garnison et les brigades mettent plus un pied dans les bas-fonds, et les hommes de Rovoff sont pas du tout regardants sur nos activités, tant qu'on met pas le grabuge. On va faire profil bas et se trouver une bonne planque pour plus tard.

Refourguer de la marchandise volée, ça devrait pas être difficile. D'ici à quelques mois, le centre-ville sera rempli de nouveaux commerces, tenus ou remis en état par leurs proprios. Il faudra bien qu'ils se fournissent, ces braves gens ! On leur piquera leur came et on la revendra pour pas cher aux pauvres du coin. C'est pas de la générosité, c'est du business. Même à très bas prix, on sera gagnants. Faudra que j'en rediscute avec Furlan, il a le chic pour trouver les bons plans. Il a beau avoir grandi dans une famille bien comme il faut, il a la truanderie dans le sang.

Les autres sont déjà là. Je distingue Egon, Gernot et Fester qui jouent aux dés, au fond. On y voit rien tellement y a de clopes allumées. Furlan discute avec Hagen au bar. J'en aperçois d'autres, dont je connais pas les noms, éparpillés aux tables. Des regards sont échangés, des regards entendus ; pas de bagarres, on est tous bons amis ce soir. J'ai bien conscience que tous ces types peuvent devenir de sérieux concurrents un jour, mais je m'en fais pas trop ; la concurrence, ça fait partie du jeu.

Et puis, il y a... ouais, il est là aussi. Dans son coin à lui. Il se tient loin de la fumée mais il a sa propre cibiche au bec. Avec son éternel thé, dans une tasse devant lui. On dirait qu'il lit. Comment il peut lire ici ? Enfin, il a pas grand chose à craindre, personne ira se foutre de sa gueule. On est tous parfaitement au courant de qui il est.

Livaï, c'est un type sur lequel on serait tenté de marcher, et il est souvent trop tard quand on se rend compte qu'il aurait mieux valu se casser une patte plutôt que d'y penser. Il démarre jamais les bagarres mais il les finit souvent ; il déteste quand ça s'agite trop autour de lui, il aime le calme en général. Mais je sais bien qu'il est capable de faire des trucs totalement fous quand ça le prend... Il est pas si vieux que ça, mais il a grandt à la dure toute sa vie. Comment je le sais ? On s'en est dit, des trucs sur l'oreiller. Les couilles vides, ça rend bavard, voyez ? Cette histoire a fait le tour du quartier est ; j'ai même craint que ça remette en question mon autorité, mais non. Y a pas tellement de honte à se faire rembarrer par Livaï. Je suis pas le seul dans ce cas.

J'y ai été un peu fort. J'ai peut-être pas eu la bonne méthode. Livaï, c'est pas quelqu'un qu'on supplie, il faut le laisser venir de lui-même s'il en a envie. Il peut vous accorder ce que vous voulez s'il est d'humeur ou vous envoyer bouler sans ménagement si vous le faites chier. Vivre avec lui au quotidien doit être un vrai défi, j'ai moi-même renoncé à essayer... Il changera peut-être d'avis avec le temps. Il a sans doute pensé que je l'invitais dans la bande pour l'avoir sous la main pour mes besoins personnels. Mais hé ! je sais reconnaître la valeur d'une personne, moi ! Ca me fait presque mal qu'il ait pu penser que je gâcherais ainsi ses talents de voleur pour... Bah, peu importe.

Je lui fais un signe de la main, juste comme ça. Il relève juste un peu les yeux, note ma présence, tire sur sa clope et fait un rond de fumée, mais me répond pas. Je suppose que c'est bon signe. Essayons de pas l'énerver et tout ira bien.

Ce bon Furlan me remarque enfin et laisse Hagen se pinter en solo pour venir me voir. Tout sourire, comme d'habitude, il se glisse à côté de moi sur la banquette et me répète une blague qu'on vient de lui raconter. Je sais pas trop quel âge il a, mais c'est le plus jeune de la bande. Quatorze ou quinze ans peut-être. Il a le don pour calmer les tensions et négocier quand ça tourne mal. Il a un côté très rassurant. J'en ferais bien mon bras droit ! Un type comme lui, c'est indispensable dans un gang.

Tout le monde se tait tout d'un coup. Je comprends pourquoi. Livaï s'est levé et se dirige vers la porte, son livre sous le bras. On aurait pu entendre une mouche crever... Il a pourtant pas l'air de mauvaise humeur. Quoique... c'est assez difficile à dire. A tout hasard, autant la boucler. Mais je peux pas m'empêcher de le bouffer des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dehors et que le bruit revienne... Il me fait toujours cet effet-là, j'y peux rien. C'est pas juste un coup d'un soir qu'on peut oublier comme ça...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant