TU VEUX BIEN ME GARDER ? (janvier 823) Kenny Ackerman

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Je rôde depuis peu dans le quartier ouest, suite à une info que Hanke m'a refilée. Paraîtrait qu'un établissement, un peu à l'écart de l'agitation de la ville, ramasse les gamins des rues ; ils y trouvent de quoi croûter, dormir et même un semblant d'éducation, et une petite patrouille passe régulièrement dans le coin pour maintenir le calme. Ce serait un riche philanthrope de la capitale qui a eu cette idée de génie. Je connais pas son nom mais il doit avoir un sacré problème pour penser que ça va changer quelque chose.

L'endroit m'a pas l'air mal. Tenu par des femmes, à l'air un peu sévère, ouais, mais elles doivent s'y connaître avec les mômes. J'en vois quelques-uns qui courent jusqu'à la porte. Une grosse dame leur nettoie la figure et leur ordonne de s'essuyer les pieds avant de rentrer. Les gamins s'exécutent.

C'est tout à fait ce qu'il lui faut. Ca m'a l'air clean.

Je m'approche un peu, en essayant d'avoir l'air le moins patibulaire possible. Je retire mon chapeau et je le coince sous mon bras. Je suis pas dans une gargote ici, il faut me montrer poli avec ces dames. Je me demande bien ce qui les motive à vivre ici pour s'occuper de toute cette marmaille. Elles doivent être bien payées, j'imagine. Je monte les quelques marches jusqu'à la porte d'entrée, et pour faire bonne impression, je m'essuie aussi les pieds. La grosse dame me jette un oeil de travers mais elle me chasse pas ; elle m'observe, en attendant que j'engage la conversation.

Je lui dis que j'ai un mouflet à leur refiler. Propre sur lui, pas malade, les dents saines, peut-être un peu sous-nourri, mais c'est tout. Elle hoche la tête. Je continue en la prévenant que c'est une vraie tête de mule mais que quand on sait s'y prendre, on peut presque tout obtenir de lui. Son visage s'éclaire un peu. Elle me pose des questions : est-ce que je suis son père ? Non, m'dame. Où est sa mère ? Morte dans son lit, d'une saloperie non-identifiée. Quand est-il né ? Je sais pas, sans doute fin 816, si je me rappelle bien l'état de la grossesse de soeurette. Elle fait un rapide calcul et me dis qu'il doit avoir six ans. Ouais, m'dame, sans doute. Je veux pas le garder ? Non, m'dame, ce loupiot me bouffe mon espace et il faut que je retourne bosser si je veux pas crever de faim. Et me demandez pas quel boulot je fais, m'dame, vaut mieux pas.

Elle me fait entrer à l'intérieur. Plutôt douillet, comme nid. C'est une grande baraque à deux étages, plus le rez-de-chaussée. Je distingue vaguement une grande salle à manger, avec des gamins en train de becqueter. D'autres descendent encore un escalier rutilant ; il doit y avoir des chambres là-haut. La grosse dame m'y emmène. Je jette un oeil ; des petites pièces, avec trois lits chacune ; tout ce qu'il faut pour se tenir propre, des bureaux avec des livres, des jouets qui traînent... Ca m'a vraiment pas l'air mal. Qu'on aille pas croire que je sois si attentionné, mais tant qu'à me défaire du petit, autant que ce soit dans un endroit pas trop glauque. Après tout, il en a assez vu.

La grosse dame me précise que quelques cours sont dispensés deux fois par semaine par un instit de là-haut, un certain Smith. La lecture, un peu d'histoire, de calcul et d'écriture, bref le minimum. Je lui demande innocemment à quoi ça va servir à tous ces mômes ; elle me répond, un peu pincée, que ça peut leur permettre d'avoir un travail honnête, et peut-être même de devenir des citoyens. Ouais, ma bonne dame, vous avez raison. Pas sûr de leur taux de réussite... Enfin, ça plaira peut-être au petit.

Je lui demande enfin quand je peux déposer le mouflet. Elle me réponds que dans deux jours l'instit sera présent, et que ce serait bien s'ils faisaient connaissance tout de suite. Tope-là, dans deux jours, m'dame, pas de problème. Il sera récuré, peigné, bien fringué, bref, le pensionnaire idéal ; et moi, je serai libre...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant