J'ai déménagé chez Betti. Le tas d'ordures, j'en pouvais plus. Et puis comme ça, je suis plus proche du centre-ville. Et de Betti aussi.
J'ai bricolé quelques planches pour qu'on ait notre espace à nous chacun de notre côté, parce que c'est tout petit chez elle. Je veux pas que ma présence la gêne... et moi aussi, je veux un coin à moi. Elle se sent plus en sécurité, et moi je suis plus tout seul. Betti est pas contre le ménage, mais j'ai dû quand même nettoyer la planque à fond avant d'y emménager. Et elle aime aussi se sentir propre, même si elle se lavait pas tous les jours. La cohabitation va pas être trop difficile.
Je lui ai montré comment je fais, pour la toilette. Le matin, on descend dans le centre-ville avec nos seaux, et on les cache dans une rue isolée pour la journée. On fait nos petites affaires, et avant de remonter, on va chercher nos seaux et on fais un détour par la fontaine publique. On les remplit bien à ras-bord - je l'aide à porter le sien en plus du mien - en faisant attention d'en renverser le moins possible. On les garde dans la planque toute la nuit et on se sert de l'eau le matin pour se laver. On se partage notre savon - c'est pas très propre, je sais, mais on peut pas en avoir un chacun - et on s'essuie à tour de rôle avec une vieille toile trouée qu'on a trouvée.
Ca me dérange pas tant que ça de faire ma toilette avec elle, mais ce serait bien si je pouvais avoir un savon et une serviette à moi. Dès que j'aurai un peu de fric en trop, j'irais m'en acheter. Une belle serviette, toute douce et pas trouée... Je sais pas si j'en trouverai...
On continue aussi de se partager le tricot à tour de rôle. J'ai pas réussi à dénicher quelque chose de suffisamment chaud, même abîmé, pour éviter d'avoir froid la nuit. Betti veut pas laisser le feu pendant qu'on dort parce qu'elle a peur que ça crame la planque. L'incendie du refuge a dû la marquer. Je suis d'accord avec elle, alors les nuits où il fait vraiment froid, je reste à veiller près du feu. Comme ça, je suis sûr que tout va bien. Il m'arrive de m'assoupir des fois, mais mes cauchemars me réveillent à chaque fois. Je dormais mieux les fois où maman venait dans mon lit et me serrait dans ses bras. Ses bras étaient magiques. ; ils chassaient les mauvais rêves. Cette sensation me manque...
Des fois, on grimpe tout en haut du quartier ouest et on reste un moment à regarder les gens passer dans les rues en bas. On a l'impression de plus être parmi eux, d'être ailleurs, loin des bas-fonds. Et de temps en temps, un oiseau vient voler devant notre nez. Betti m'a dit qu'elle aimerait bien être un oiseau elle aussi, pour s'envoler d'ici. Elle pense que c'est comment, là-haut, que je lui demande. Ca peut pas être pire, elle répond, et elle a sans doute raison. Quitte à vivre dans la misère, autant que ce soit au soleil, non ? Maman aurait voulu vivre là-haut aussi, voir le ciel, les arbres, les fleurs... Est-ce que toutes les filles d'ici ont ce genre de rêve ? Est-ce que je l'ai aussi, moi ? Parfois j'ai furieusement envie de me casser de ce merdier ; mais aller là-haut me fait un peu peur aussi. Les bas-fonds, je connais, je me débrouille pour y vivre le mieux possible, mais rien ne me dis que ce sera plus facile à la surface. Les gens y sont peut-être pas plus gentils...
Mais les bas-fonds, c'est une prison dans une prison. On est deux fois plus prisonniers qu'eux, si j'ai bien compris cette histoire de murs. Ils ont pas de mur au-dessus de la tête, eux.
Une fois, Betti s'est penchée vers moi et a posé sa tête sur mon épaule. C'était un peu bizarre parce qu'elle est plus grande... Mais je me suis pas défilé, je l'ai laissée faire et j'ai même glissé ma main sur sa taille... Elle a pas eu l'air de le remarquer... C'est dingue ce que ça tient chaud, de se coller à quelqu'un, c'est agréable.
Et je me suis senti tout à coup beaucoup plus grand...
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Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]
Fiksi PenggemarL'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me su...