Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]

UNE FLEUR DANS LES BAS-FONDS(février 842)Livaï

L'odeur de ce type me donne la gerbe. Il ose poser sa sale patte sur moi ?! J'y crois pas.

Mon sang ne fait qu'un tour et ma lame se lève, presque malgré moi. Pousse-toi de là, gros tas. Me touche pas. Et recule avant d'en mettre partout, bordel ! Ok, tu comprends pas, on dirait. T'as sans doute besoin que je t'explique mieux que ça.

Il tient sa main en sang et je le saisis par le col. Je lui administre deux beignes, histoire qu'il comprenne bien qui est le patron ici. Ton Rovoff, tu peux te le foutre au cul, s'il a un problème avec moi, qu'il vienne me le dire. Pigé ?

Je le repousse à bas de l'escalier dans les bras de ses potes qui ont pas bougé. Charmants amis que tu as là. Furlan en rajoute une couche en leur conseillant d'aller se laver des pieds à la tête avant de revenir ici. Bonne idée, vieux. Mais toute l'eau des bas-fonds suffirait pas à récurer ces ordures. Oui, c'est ça, on est dangereux, cassez-vous.

Bon, c'est pas tout ça, mais voyons ce qu'on a ramassé. La fille se tient toujours le ventre, les yeux dans le vague. Allez, sors-le, ton piaf, il va étouffer. Qu'est-ce que tu fais avec un oiseau ? Elle me répond qu'elle voulait le ramener à la surface, car il a dû se perdre dans les bas-fonds. Ouais, il est pas le seul apparemment. Risquer sa vie juste pour ça, c'est pas un peu exagéré ?

Furlan, toujours si serviable, se penche vers elle et lui prend l'oiseau des mains. Il a l'air blessé, ton petit protégé. Il l'amène sur la table - l'animal ne bouge même pas - et sort un petit sachet de pansements et de bandages. Je me demande s'il fait ça juste pour la draguer ou bien parce qu'il croit réellement que ça va changer quelque chose...

En un rien de temps, le volatile est emmailloté bien proprement, et la fille a retrouvé le sourire. Je suis resté à l'écart, en faisant semblant de pas m'intéresser à leur petit manège, mais j'entends tout. Elle dit s'appeler Isabel et nous demande nos noms. Furlan, sociable comme d'habitude, lui répond, et les yeux de la gamine semblent s'illuminer. Merde, qu'est-ce qui lui passe par la tête ?

Elle s'écrie qu'elle connaît nos noms et qu'elle sait qu'on est les voleurs volants. Hm, ouais, et ? Putain, Furlan, la laisse pas continuer à m'appeler "frangin" sinon je réponds plus de rien ! Elle trépigne d'excitation à l'idée de rejoindre la bande. Parce que soi-disant elle nous aurait vus voler une fois, et que ça lui a paru vraiment génial. Hors de question, et en plus, on a que deux harnais. Tu espères quoi, jeune fille ? Et puis, tu es trop jeune, tu vas foutre le bordel dans le gang ; je sais trop ce qui se passe quand une fille s'incruste dans une bande...

Je me tourne vers Furlan. A son expression, je vois bien qu'il est pas contre. Va pas t'imaginer des trucs, hein ? Les histoires de fesses, c'est en dehors du gang, c'est clair ? Mais ce que j'aperçois dans ses yeux a rien à voir avec ça. Il semble vraiment concerné par le sort de cette fille. C'est vrai que si on la met dehors, les types de la milice lui tomberont dessus à la première occasion. Et c'est pas des tendres.

Ok, je vois. Il vaut mieux la garder avec nous, c'est ça ? Un peu de féminité, et tout le baratin qui va avec... Bon, ok, mais je veux pas l'avoir dans les pattes. C'est toi qui la gère, Furlan ; fais comme si c'était ta petite soeur.

Je me lève, j'ai envie de prendre l'air. Je balance à la dénommée Isabel, nouvelle recrue du gang des voleurs volants - puisque finalement c'est bien ce que nous sommes - que si elle veut apprendre à voler, elle devra d'abord me prouver qu'elle sait maîtriser un balai. Ouais, c'est le test d'entrée dans le gang, ma petite. Toujours partante ?

Elle me fait un grand sourire enchanté et je pense que ça veut dire qu'elle relève le défi. Très bien, je veux que ça brille quand je reviens. Et je veux plus entendre de "frangin" à mon sujet, c'est clair ?! Bordel !