FAIS CONFIANCE A PERSONNE ! (juin 827) Kenny Ackerman

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Bordel de merde ! Je l'ai échappé belle, ce coup-ci ! Une épaule en sang, c'est le moindre mal ! Qu'est-ce que les gars des brigades spéciales faisaient dans le coin ?! Qui les a rencardés sur mon dernier coup !? Ils étaient pas là par hasard, non ?

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Bordel de merde ! Je l'ai échappé belle, ce coup-ci ! Une épaule en sang, c'est le moindre mal ! Qu'est-ce que les gars des brigades spéciales faisaient dans le coin ?! Qui les a rencardés sur mon dernier coup !? Ils étaient pas là par hasard, non ?

Je me traîne sur quelques mètres et je me planque sous une porte cochère. J'entends leurs bottes claquer dans la rue à côté. Le quartier est sans-dessus dessous. Ils me sont tombés dessus au moment où je planquais le corps... J'ai dû me tirer en vitesse ; en en zigouillant deux au passage. Je connais les bas-fonds bien mieux qu'eux, ça va me servir. Ken, rase les murs. Il faut pas les mener jusqu'à la planque.

Je me remets en marche, d'une bonne allure et je lâche mon épaule, faudrait pas qu'on comprenne que je suis blessé. Je me redresse, tout en cherchant les coins sombres. Me fondre dans la foule serait une bonne idée mais tout le monde court un peu dans tous les sens, sauf celui dans lequel je vais. Je met les mains dans mes poches, nonchalamment... Je reste calme, je respire un bon coup. Mais je bout à l'intérieur.

Qui m'a balancé ? Qu savait où j'allais ce soir ? J'en vois qu'un. On s'est bourré la gueule hier, j'ai peut-être lâché des trucs sans le savoir. Ce putain de Hanke ! Ces saletés de brigadiers sont venus pour moi, ça fait pas un pli. Pourquoi ce connard m'a balancé ?! S'il m'a balancé... Ouais, c'est forcé ! Il voulait se faire du fric peut-être ! Sa petite affaire de trafic d'armes a dû mal tourner ; je me souviens d'un gros coup de filet... Qu'est-ce que t'as fait, Hanke !? Tu vends tes potes pour être dans les petits papiers de ces salauds ? Pote, c'est ça, ouais ! Si jamais je revoie ta sale gueule, je la refais totalement !

Pas le temps, là. Il faut tracer jusqu'à la planque et se faire la malle. Livaï doit pas dormir de toute façon. Je vais le secouer et on se tirera d'ici vite fait ! Parce que si Hanke leur a tout dit, ils vont sûrement débarquer à domicile dans peu de temps ; en admettant qu'ils trouvent, les rues sont compliquées dans le quartier... Ca nous laisse du temps. Oh... et puis merde ! je pourrais juste me tirer et le laisser là... Ken, arrête avec tes conneries, tu vas pas abandonner le microbe aux mains de ces sales types !

Fallait s'y attendre, aussi ! Ca fait des années que j'officie plus que dans les bas-fonds, ça a fini par se voir. Là-haut, y a plus d'espace, plus de possibilités de cachettes pour les corps... plus de surveillance aussi, enfin dans mes souvenirs. Mais je me débrouillais mieux ; ici, les cadavres s'entassent plus vite. Ils peuvent pas retourner là-haut veiller sur les fesses des bonnes gens, et me laisser faire mon business tranquille ?!

Faut changer de quartier. Le quartier est, ouais, c'est un bon choix. Du temps de Kuchel, y avait pas encore trop de criminalité et peu de patrouilles. Peu de clients potentiels aussi, je parie. Bah, l'essentiel, c'est de se mettre au vert pendant un moment. Devenir invisible, faire en sorte qu'ils m'oublient ou me croient morts.

J'arrive à la planque. Pas de brigade en vue. J'ai dû les semer. Je rentre discrètement, contrairement à d'habitude. Livaï est en train de passer le balai. Lâche-ça, le nain ; on s'arrache ! Il me regarde avec ses grands yeux interrogateurs, mais j'ai pas le temps de lui expliquer. Je commence à emballer les quelques affaires que je possède et je lui dis d'en faire autant. C'est un ordre, gamin, obéis ! Il laisse tomber le balai et obtempère sans poser de question. Il doit sentir qu'il y a urgence, que je suis pas dans mon état normal. Et puis je suis salement blessé, ce qui a pas dû lui échapper. Il a l'esprit vif, il comprend vite les situations.

J'oublie pas de ramasser tout le fric que j'ai gagné - ainsi que la boîte de Kuchel - et je fourre tout ça dans ma besace. J'ai pas grand chose à embarquer, faut dire ; le gamin a plus de choses que moi... Laisse ça ici, Livaï, on prend que le nécessaire ! Prends ton fric, ton thé, si tu veux, tes bouquins, tes fringues ; laisse le reste ! Non, tu laisses le balai, on va pas s'encombrer de ça ! Je sais même pas où on va crécher en plus...

On est fins prêts tous les deux. Mais je reste encore un peu sur place, à me poser des questions. Ils doivent avoir mon signalement ; et si ça se trouve ils ont investi le quartier déjà... Il faut passer inaperçu. J'enlève mon imper et je fourre mon chapeau dans ma besace. Je me garrote vite fait le bras, histoire que ça pisse pas trop. Livaï me donne un coup de main. Puis je glisse mon imper roulé en boule sous ma chemise. Voilà, ça me fait une belle bedaine, pas vrai ! Puis je frotte la saleté du bord de la cuisinière et je m'en enduis le visage. Quand j'approche ma main de la gueule de Livaï, il fait la grimace et tente de m'échapper. Viens là, le nain ! Si je suis seul à avoir cette tronche, ils vont trouver ça bizarre ! C'est un ordre, tu piges ?! Voilà, on est aussi noir l'un que l'autre ; non, le petit l'est bien plus que moi. C'est pour la bonne cause, arrête de râler ou je te laisse là, morveux !

On se saisit de nos besaces et j'entrouvre la porte très doucement, prêt à me trouver nez à nez avec ces joyeux drilles. Personne. On se glisse vite à l'extérieur, et on prend la tangente. Le but c'est de s'éloigner au plus vite de ce coin. Et pour ça il va falloir emprunter la grande rue, trop découverte à mon goût... Cependant, faut pas se leurrer ; ils doivent se douter qu'un criminel comme moi va prendre les ruelles isolées ; mauvaises idée de les utiliser. Non, on va remonter cette grande rue aux yeux de tous, comme des gentils citadins sans histoire.

Je m'assure que ma bedaine postiche risque pas de se faire la malle et je m'avance en pleine lumière, Livaï collé à ma cuisse. On nous regarde pas, on nous ignore totalement, très bien. Mais faut pas trop tenter la chance. Je marche d'un bon pas, comme si moi aussi j'étais effrayé et voulait me tirer du chemin des brigades ; mince, y'en a une qui vient vers nous ! Gamin, donne-moi la main ! Donne-la ! Faites pas attention, messieurs, on est juste une petite famille heureuse ! J'ai pas l'air d'un père idéal avec mon énorme ventre et mon gamin cradingue ? Si, n'est-ce pas ! C'est ça, passez votre chemin... on a à faire ailleurs...

Un chuintement caractéristique se fait entendre au-dessus de nos têtes. Voilà qu'ils ont sorti l'équipement tridimensionnel. Ils devaient pas trouver la planque en allant à pattes. Pas grave, on est déjà loin, et méconnaissables. J'ai rien laissé en arrière qui pourrait leur donner des infos. Je sais même pas moi-même où on va, en réalité... L'ancienne baraque de Kuchel ? Non, ça rappellera sans doute de mauvais souvenirs au petit - et à moi aussi ; et puis il nous fait un coin plus isolé, mais trop loin d'un point d'eau. On verra sur place, l'important c'est de pas se faire remarquer pour le moment.

Livaï a l'air fasciné par les acrobaties aériennes des brigadiers. Il reste le nez en l'air, la bouche ouverte, il cligne même plus des yeux pour pas en perdre une miette. Arrête de mater ces oiseaux de malheur, gamin, on s'arrache ! Et à l'avenir, fais confiance à personne, ça te retombera toujours dessus un jour ou l'autre !

On arrive au quartier est. Personne panique ici, la vie suit son cours. Tant mieux. Par ici, il y a un pont de pierre qui enjambe ce qui aurait dû être le lit d'une rivière artificielle. Mais y a jamais eu de rivière ici. Du coup, on s'y installe. Et j'en profite pour faire le point. Va falloir vivre sur nos réserves de fric pendant un moment ; Livaï peut continuer à mendier, et il connaît mieux le quartier que moi. Je vais laisser tomber le manteau et le chapeau, et m'intégrer un peu plus dans la population du quartier, quitte à me trouver un boulot temporaire comme couverture...

Le môme s'est endormi sur mon faux bidon ; il a eu son compte pour la journée. Moi, j'ai pas sommeil. Je monte la garde. Faudrait pas qu'on vienne nous tirer nos affaires. Le vieux pote peut encore frapper...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant