Les Chroniques de Livaï ~ Tome 1 [+13]

LES MARCHANDS D'HOMMES(octobre 836)Reto Seppel, homme de main

Tiedmann pense réellement me contenter avec sa dernière acquisition. Et puis, il est pas si mal, ce gaillard. Faudrait le faire combattre un peu pour voir ce qu'il vaut.

Au moment où je lui propose d'emmener le type en bas pour qu'on voit ça, une des sentinelles qui patrouillent dans les environs lance un appel. Je me retourne et je vois arriver lentement vers nous un jeune homme, les mains au-dessus de la tête. Tiedmann met la main sur son couteau mais se calme vite quand il voit que l'un de ses gars le tient en respect. De toute façon, on peut pas dire qu'il ait l'air dangereux. Un ado qui a dû s'égarer ou s'imaginer qu'il pouvait passer du bon temps ici.

Je remarque qu'il me fixe avec intensité ; son regard est particulièrement intense... Pourquoi il me regarde comme ça ? Je ne pense pas le connaître pourtant... Tiedmann s'approche de lui et demande ce qu'il fait ici. L'intrus ne répond pas tout de suite, et le patron répète sa question tandis que le canon du fusil lui presse les côtes. Le gamin répond qu'il était venu chercher quelqu'un mais apparemment il s'est trompé. Il ment mal... Pas très bon acteur. Ca sent pas bon. Tiedmann lui demande le nom de la personne, et il hésite trop pour que ce soit naturel. Kenny l'Egorgeur. Y a pas de Kenny l'Egorgeur ici, mon petit.

La sentinelle qui le tient en joue nous informe qu'il avait l'air d'espionner, qu'il a tout à fait pu voir la cargaison, et que ce serait pas prudent de le laisser repartir sur sa seule bonne foi. Bah, Tiedmann peut régler le problème, non ? Ce gamin a plus l'air d'un chat errant que d'autre chose. Il peut aller le cuisiner en bas, pour voir si on peut en tirer quelque chose. C'est peut-être un espion des autorités après tout. Je suis connu là-haut moi, si on rapporte ce que messire trafique ici...

Au pire, il servira d'exutoire à notre captif. Ce sera un bon divertissement.

La sentinelle fait avancer son prisonnier jusque devant la porte en le faisant passer entre nous. Je note qu'il ne semble ressentir aucune peur. Son visage est impassible, ses membres détendus, son pas souple et sûr. Tout au plus ai-je remarqué au moment où il passait devant moi une étrange lueur écarlate dans ses yeux gris... Bah, sans doute la lumière qui me joue des tours.

Tiedmann ordonne qu'on lui attache les mains. Un de ses hommes exhibe une corde, et le prisonnier semble vouloir se comporter docilement. Il baisse les mains devant lui, les tends bien sagement...

Et après tout va très vite.

Le gamin se dérobe, ses mains se portent sur la taille du type et saisissent son couteau. Rapide comme l'éclair, il se retourne vers nous. Le rouge dans ses yeux est devenu encore plus anormal... Il lance le couteau vers nous et il vient se ficher directement dans la poitrine de la sentinelle armée du fusil qui était restée en retrait derrière lui. Elle s'écroule et le gamin se jette sur son arme. Il fait feu dans notre direction et atteint Tiedmann à l'épaule. Je me mets à couvert avec lui, mais de toute façon, il peut pas recharger. Il s'en rend compte et, aussi incroyable que ça puisse paraître, plie le fusil sur son genoux avant de le jeter au loin, inutilisable.

J'en crois réellement pas mes yeux. Ce type est pas du tout un gamin ! C'est un vrai guerrier, un champion ! Pour tordre un fusil de ce calibre comme ça, il doit en avoir dans les bras !

Le type qui a voulu l'entraver le saisit par les épaules pour tenter de l'immobiliser, tandis que le second de Tiedmann se met à le rouer de coups. Ils s'en donnent à coeur joie ! De là, où je suis je rate rien de la scène. Il encaisse tout avec panache mais finit par en avoir marre. Il envoie son genou dans les couilles du gars qui le rosse, et pendant qu'il est plié en deux, il attrape l'autre par le col et le fait passer par dessus son épaule. Il lui tord le bras dans le dos et le type hurle de douleur.

Pas de doute, il sait se battre celui-là, ses techniques sont au point. Il a envoyé un type deux fois plus grand que lui au tapis sans problème. J'en salive d'avance. Tiedmann me hurle dans les oreilles qu'il sait qui c'est. Un caïd du quartier est nommé Livaï, que tout le monde craint là-bas. Il en est sûr ? Ouais, qu'il répond, ça peut être que lui, et il correspond aux descriptions qu'on lui en a fait.

Tiedmann me crie qu'il faut l'empêcher de tuer ses hommes. Oh la ferme, des larbins, tu en trouveras d'autres à la pelle, que je lui dis. Alors que les spécimens comme celui-ci sont des articles rares !

Ok, Livaï. Et bien, cher Livaï, y a les autres qui rappliquent. On va voir si tu vaux vraiment le coup.

Non, quoi qu'il arrive, c'est bien toi que je veux.