le contagieux partie 2

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Saturn dort paisiblement, la tête posée sur mes genoux. Tout le monde a fini par s'endormir. Moi, je ne trouve plus le sommeil, la voiture ne cesse de nous secouer. Parfois, j'ai l'impression que ce n'est pas le chemin qui est cabossé, mais plutôt que l'on roule sur des Dévihomulus qui essaient de nous barrer la route.

Je regarde ma main bandée. Je repense à ce qu'il s'est passé avec le Revenant. Est-il simplement mort, comme 85 l'a dit : revenu uniquement pour vivre quelques minutes ? Ou alors... Peut-être est-il mort parce qu'il a ingurgité mon sang...

Je serre les poings et n'arrête pas de me demander si je ne suis pas en train de me transformer en un Dévihomulus, comme dans mon cauchemar. Ma poitrine se serre en pensant aux Antonymes. J'ai peur qu'elles m'en veuillent pour mon départ précipité. Pourtant, je ne le devrais pas. Ce sont mes amies. Elles comprendront pourquoi je les ai laissées dans l'ignorance.

La voiture s'arrête brusquement. Quelques minutes plus tard, Réto ouvre la porte. Des rayons de soleil m'éblouissent les yeux.

— Debout ! Pause déjeuner ! informe-t-il.

Les garçons se réveillent, le visage ravagé par la fatigue.

— Je vais voir Cael, annoncé-je à Saturn.

Il acquiesce tout en se frottant les yeux.

Je me lève et saute du véhicule. Les autres automobiles sont garées anarchiquement autour d'un étang. Des herbes séchées et des arbustes biscornus composent l'essentiel de la végétation. Je referme ma veste tellement il fait un froid glacial, puis tourne les talons pour me diriger vers le camion devant nous. Eric aide mon petit frère à descendre. Dès qu'il me voit, il se précipite vers moi et saute dans mes bras. Je le serre fermement contre moi, contente qu'il n'ait rien.

— Ça va ? me demande Palma.

— C'était un voyage secouant, je réponds.

Elle pouffe de rire.

— Oui, c'est vrai, bien plus secouant que si nous étions à pieds, assure-t-elle.

— Érine, s'écrie brusquement Cécile en s'approchant de moi. (Elle me regarde de la tête aux pieds.) Comment te sens-tu ?

— Bien.

Elle semble ne pas en croire ses yeux.

— Viens avec moi, je vais t'examiner.

— Pourquoi ? Je me sens bien !

Elle secoue la tête.

— Cael, va chercher ton déjeuner avec Palma et Eric, je dois faire un examen à ta sœur.

Cael fronce les sourcils et s'accroche à ma veste. Je soupire et fixe Palma qui hoche la tête.

— Cael, va avec Palma. Je vous rejoindrai.

Palma lui prend la main et ils s'éloignent.

Cécile me fait entrer dans le camion où Renée est allongée sur une civière avec une perfusion.

— Vous devriez plutôt vous inquiéter de l'état de Renée.

— Justement, j'ai besoin de comprendre ce qu'il se passe dans ton sang pour sauver Renée. D'autant plus que tu as été mordu par un Gigantal.

— Un Gigantal ?

Elle remonte la manche de ma veste et commence à retirer mon bandage.

— Ces Dévihomulus géants... Ce sont tous d'anciens Askaris Grade 3. Plus forts, plus puissants, plus rapides. Je ne sais pas ce que Helka leur fait pour qu'ils mutent ainsi, mais leur poison est différent... Surtout ceux qui se trouvaient dans cette ville. Dini a été mordu, sa peau est devenue presque marron et on aurait dit une momie. C'était la première fois que j'assistais à ça.

Mes yeux s'arrondissent en l'apprenant. Maintenant, je comprends mieux pourquoi il y avait autant de momies dans cette ville interdite d'accès.

Elle fixe les quelques traces de morsure sur mon bras. J'en suis moi-même étonnée, j'ai cru que ce monstre, Gigantal comme elle l'appelle, m'avait arraché la chaire.

— Ça s'est cicatrisé, murmure-t-elle en touchant mon poignet. Tu as mal ?

Je secoue la tête. Elle me regarde un long moment, comme si elle hésitait à me questionner. Je prends alors les devants et lui annonce :

— Il m'a mordue et a suffoqué sur place.

Ses yeux s'arrondissent. Pendant quelques secondes, elle reste ébahie avant de se tourner vers une boîte médicale pour l'ouvrir et y prendre un stylo seringue. Elle la plante dans mon bras, au niveau de ma blessure et me prélève un peu de sang.

— Ta mère a peut-être inventé bien plus qu'un antidote, déclare-t-elle en rangeant le stylo.

— Ah oui, et quoi donc ?

Elle se lève et se dirige vers une caisse. Elle s'empare d'une longue cartouche contenant un liquide.

— Vois-tu, ceci est un Contagieux, un poison que ta mère a mis au point, il y a trois ans, pour éliminer les Gigantaux... Et qui sais si ta mère n'a pas inventé ce poison à partir de ton sang...

Je hausse les sourcils, ce qu'elle dit est peu probable.

— C'est ce qui expliquerait aussi pourquoi Renée est malade...

— Que voulez-vous dire ?

Elle secoue la tête.

— Ce n'est qu'une supposition, mais j'en saurai plus lorsque j'aurai analysé cet échantillon. Va prendre des forces. La nuit a été longue et il nous reste encore du chemin à faire.

J'acquiesce, mais je suis bien curieuse de savoir ce qu'elle voulait dire par là.

Je sors du camion et rejoins mes amis près du lac. Saturn me donne un sachet de nourriture, c'est une soupe de je ne sais quel légume, c'est froid et très amer.

— Carotte et petit pois, lâche Flèche en voyant certainement la grimace que je fais en avalant la soupe. J'imagine qu'elle doit avoir meilleur goût, là-haut.

— Bien évidemment ! s'écrie son amie Rock qui ouvre un sachet contenant du fromage de hyenas. En plus là-haut, il n'y a pas seulement du hyenas, mais de la vraie viande !

— Le hyenas, c'est de la viande, rétorque Darwin en levant les yeux au ciel.

— Oui, je sais, mais je parle des autres viandes : le veau, le bœuf, le porc, le poulet, l'agneau... Hum, bon sang, j'en ai déjà l'eau à la bouche en y pensant.

— Ça remonte à quand la dernière fois qu'on a mangé du poulet ou du porc ? s'enquiert 85 en s'adressant à ses compagnons.

450 hausse les épaules.

— J'ai l'impression que ça fait une éternité que nous étions avec Dimitri à nous nourrir de souris, de lièvres, de serpents ou d'insectes.

— Plus de trois ans, répond alors Saturn. Nous étions restés une année à l'extérieur... Il n'y avait que maîtresse Darssy qui pouvait se nourrir convenablement... Nous, nous devions le faire par nos propres moyens. Et puis, il y a eu le test...

Les compagnons de Saturn penchent aussitôt la tête et fixent le sol, comme pour se remémorer leur vie.

— Et je vous ai sauvé la vie, s'écrie soudainement Dimitri, derrière nous.

Je tourne la tête. Un Défenseur le fait s'asseoir sur l'herbe et lui rapporte un sachet.

— Hey, mais comment je dois faire pour me nourrir ? s'enquiert-il.

Le Défenseur pousse une sorte de grognement en considérant sa camisole. Saturn se lève alors, attrape le sachet, l'ouvre et le porte à la bouche de Dimitri.

— Oh, merci, 400. Tu as toujours été mon préféré !

Saturn fronce les sourcils.

— C'est uniquement parce que nous avons passé un accord, Doc.

— Je sais, je sais, mais il y a un petit problème, annonce-t-il en se tournant vers moi, il se trouve que ta petite maîtresse a un peu bousillé ma tablette. Certains programmes ne s'affichent plus. Notamment celui du brouilleur. 

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant