64. TÊTE À TÊTE AVEC HELKA (Érine)

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 Partie 1

— Dîner dans le laboratoire 4 ? s'enquiert la Grande Dominica avec étonnement.

Je hoche la tête.

— C'est le lieu où je me sens le plus à l'aise... Au réfectoire, il y a un peu trop de monde. Pour une raison que j'ignore, j'aime bien le calme qui règne dans ce laboratoire, et surtout son décor, expliqué-je.

— Eh bien, j'accepte. Après tout, demain une toute nouvelle mission t'attend, alors profitons de ce moment ensemble.

— Venez donc dans une heure. Je vais préparer la table !

J'incline la tête et tourne les talons. Helka De La Costa est dans le laboratoire 8, le laboratoire de test de médicament, ou peut-être de test pour créer un nouveau virus. Lorsque je suis arrivée, elle a tout de suite éteint son écran et a fermé un carnet de rapport. Je me demande d'ailleurs sur quoi elle travaille. Peut-être quelque chose pour ses Parcaes... Quoi qu'il en soit, ce projet ne verra pas le jour !

Je rejoins le laboratoire 4 où mon père est toujours en train de faire ses recherches sur l'ordinateur. Nous avons un peu discuté de Cael et de ma mère tout à l'heure. Dire que je n'avais même plus conscience de nos origines. J'avais un frère, c'est tout ce qui comptait, peu importe qui était nos parents. D'autant plus que je nommais la Grande Dominica : Mère. C'est comme si elle l'avait été, elle voulait prendre la place de ma mère. Non, même en ce moment, je crois qu'elle veut être la Mère de tout le monde.

— Elle va arriver dans une heure, annoncé-je à mon père, je vais aller au réfectoire récupérer de quoi préparer une table pour un dîner.

Il opine du chef et me montre l'écran. Celui-ci affiche la grande porte rouge que la Grande Dominica ne m'a jamais fait visiter.

« La Grande Dominica doit y cacher des choses importantes, là-dedans. Avant de quitter cet endroit, il faudra y jeter un œil. » écrit mon père

J'acquiesce. Je n'ai jamais cherché à le savoir, parce que j'étais programmée pour, mais maintenant que je retiens la Machine, je suis curieuse de savoir ce qui s'y trouve.

Je laisse mon père et vais au réfectoire. Je m'introduis dans la cuisine et les deux Askaris cuisiniers sursautent en me voyant, l'un d'eux est en train de traîner par le pied, un cuisinier dans les pommes.

Il rit alors nerveusement.

— Bon sang, Érine, tu nous as fait peur ! s'exclame l'autre. (Il s'approche de moi.) Mais frappe la prochaine fois avant d'entrer !

C'est l'un des amis de Saturn, avec son déguisement et sa voix modifiée, impossible de savoir lequel c'est. En tout cas, ils auraient été dans de sale drap si ce n'était pas moi qui était entrée.

— Vous devriez faire plus attention ! suggéré-je.

— Oh, c'est juste que là, on a eu un souci avec ce cuisto ! Il a compris que nous n'étions pas ces camarades ! Je ne savais pas ce que c'était que le b...Blod... Blodpaytar

— Le blodplättar, je corrige, c'est une sorte de pancake à base de sang.

L'ami de Saturn grimace.

— Du sang ?

— De porc en général. Je suis venue chercher des assiettes, je dîne avec la Grande Dominica. Saturn m'a dit que vous étiez en train d'intoxiquer la nourriture d'anesthésiant.

— Oui, fait-il en balançant la louche qu'il tient pour me montrer les marmites au feu, on en a déjà mis dans celles-ci. Je vais te préparer de quoi faire dormir la Grande Dominica jusqu'à demain matin ! Reviens juste dans une trentaine de minutes.

— OK, mais il me faut de quoi préparer la table.

Il se tourne et ouvre un placard. Il me tend des couverts et des verres.

— Tout à l'heure, tu auras des plats tout préparés. J'en ferai un spécialement pour toi sans anesthésiant.

Je le remercie puis sors de la cuisine, récupérant au passage des bananes pour mon père.

De retour au labo, je prends une table, la recouvre d'une nappe et place les couverts. Je rejoins ensuite mon père et l'aide a déniché le mot de passe de ces fichus dossiers. J'ai pourtant pris un décrypteur de mot de passe, mais ça prend énormément de temps. J'ai même le temps d'aller chercher le dîner. En revenant, mon père n'a toujours rien. Je serre les dents. J'ai tellement hâte de savoir ce qu'on a fait à ces Dévihomulus, ne pas trouver le mot de passe me donne des frissons. Je me demande même si j'étais impatiente avant.

Pourtant, c'est au moment où je sens l'odeur de la Grande Dominica dans la pièce, que le décrypteur affiche : « Mot de passe correcte ». Bon sang ! Pourquoi a-t-il fallu que ce soit à ce moment là ?

J'inspire calmement. De toute façon, rien n'est perdu ! Papa pourra m'expliquer une fois que la Grande Dominica fera un long somme.

Je m'éloigne du bureau et vais jusqu'à la table, un peu plus bas, à côté du petit pont surplombant le bassin.

La Grande Dominica s'approche et observe la table.

— Venez vous asseoir ici, dis-je en poussant la chaise. Vous devez avoir faim, Mère.

— En effet, répond-elle en s'asseyant. En plus, je n'ai rien avalé depuis hier soir.

Je soulève les cloches et les dépose sur le chariot.

Elle hausse légèrement les sourcils en remarquant que nous n'avons pas le même repas. Un peu normal, l'ami de Saturn m'a préparé un plat sans drogue.

— Le restaurant a prévu trois sortes de repas pour ce soir. Comme vous le voyiez, le cuisinier vous en a mis un peu des trois, je ne savais pas quoi choisir pour vous alors je lui ai dit de mettre les trois... Moi j'ai préféré prendre le veau au champignon uniquement... Peut-être aurais-je dû vous demander ce que vous désiriez.

— Oh, ce n'est pas grave... C'est simplement que je ne vais pas terminer tout ça.

Elle se tourne subitement vers mon père.

— Docteur Fullher, peut-être aimeriez-vous nous rejoindre et goûter à l'un de mes plats.

Mon père secoue la tête, faisant signe de « non » avant de replonger la tête, le regard sérieux, sur son écran.

Elle plisse les yeux, un très bref instant, avant de se tourner vers moi et afficher un sourire.

C'est alors que je ressens cette drôle d'odeur qui s'échappe d'elle. Étrange, parce que, ce n'est pas tout le temps que je la ressens. Et cette fois, elle perdure.

Nous restons un moment à nous dévisager, comme des femmes qui essaient de trouver ce que l'autre pense. Bizarre comme situation. Quelque chose commence à m'angoisser. En se tournant vers mon père, son bref plissement des yeux, aurait-elle compris quelque chose ?

— Ne mangez-vous pas ? Finis-je par lui proposer pour briser la gêne anormale qui s'est installé.

— Bien sûr, dit-elle en prenant ses couverts.

J'en fais de même et me mets à couper ma viande. Elle m'imite, prenant le temps de découper tout ce qu'il se trouve dans son assiette.

J'ai le temps d'avaler quelques bouchées qu'elle est toujours en train de couper. Je mâche alors lentement, à ce rythme j'aurais terminé et elle sera toujours en train de couper sa viande.

— Raconte-moi un peu, prononce-t-elle, comment s'est passé la libération ?

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant