24. NOUVEAU SENS (Érine)

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— Voilà ! dis-je à Renée en lui rendant sa tablette.

Je ne suis pas venue lui rendre visite depuis l'arrivée des filles et je lui avais emprunté la tablette que lui avait donnée Cécile pour y installer des petits jeux.

— Qu'as-tu fait pendant tout ce temps avec elle ? s'enquiert-elle en l'allumant.

— J'ai mis de quoi occuper tes journées.

Elle me fait un sourire et me remercie.

— La seule chose que je regrette est de ne pas pouvoir me joindre à vous ! J'ai vu Palma après votre course d'obstacles, elle m'a tout raconté, ça avait l'air marrant.

— Lorsque tu seras guérie, nous pourrons le refaire.

Son regard s'attriste et elle fixe la tablette.

— Tu crois qu'elle va accepter ? interroge-t-elle. On a dû faire à cette femme un lavage de cerveau... Elle ne sait même pas que j'existe. Et Cécile m'a dit que c'était une femme importante. (Renée se met à rire nerveusement et ses yeux deviennent humides.) J'ai encore du mal à croire que j'ai une mère, encore vivante. Depuis que Cécile me l'a annoncé, j'ai envie de la rencontrer. Mais je ne sais même pas si elle va vous croire, si elle viendra m'aider.

— Je la forcerai à venir, même si elle ne le croit pas. Je t'en fais la promesse.

Elle me fait un sourire et sèche ses larmes.

— Merci, Érine, je te fais confiance. Parlons plutôt d'autres choses, que font les garçons et les filles en ce moment ?

— Ils ont prévu de montrer aux filles des Cités ce qu'ils aiment faire. Et les filles veulent leur apprendre à danser pour la fête de Noël. C'est une journée libre aujourd'hui. Plus ils passent du temps ensemble pour se connaître, mieux c'est. Il y a malheureusement une dizaine de filles qui ne sont pas encore convaincues. Les garçons et les filles du camp sont en train d'essayer de les convaincre en ce moment. J'espère qu'ils y parviendront.

— Ils y parviendront, je les connais, mais c'est vraiment dommage que je ne puisse pas parler à ces idiotes !

J'opine du chef. Renée aussi aurait trouvé les mots justes. Mais ce n'est pas grave. Nous avons un plan B si elles refusent et puis je suis satisfaite. Seulement dix filles qui refusent encore de se joindre à nous c'est peu. Le plus grand challenge sera de convaincre la population.

Je reste encore un moment à discuter avec Renée avant de rejoindre la Tour Infant et de déjeuner avec mon petit frère et les autres enfants. Victoria, la petite fille qui a perdu sa maman au camp, va beaucoup mieux, même si elle n'a pas encore retrouvé la voix. Le Docteur Donna Fenry lui a même appris le langage des signes. Les autres garçons l'apprennent également pour pouvoir communiquer avec elle.

J'écoute mon petit frère me raconter ce qu'il fait de ses journées quand soudain, beaucoup de bruit résonne dans ma tête en cacophonie. Les murmures, les chuchotements des autres même de très loin parviennent jusqu'à moi. Je lâche mes couverts et pose mes mains sur mes oreilles, j'ai l'impression qu'elles vont exploser.

— Érine ! s'inquiète Cael à côté de moi.

Je reste un long moment à me tenir les oreilles, jusqu'à ce que tout redevienne normal.

— Érine ? s'enquiert Cael.

— Ça va, ne t'inquiète pas, c'était juste un mal de tête passager.

J'ébouriffe ses cheveux, lui faisant un sourire avant de reprendre mes couverts et de finir mon repas.

Intriguée par ce qu'il m'est arrivé, je repars à l'hôpital, dans le laboratoire où Cécile a élu domicile. Elle n'y est pas, mais Arasu, Brandt, Liv et Ludwig s'y trouvent. Darwin est également présent. Depuis que nous sommes arrivés, il a passé son temps dans les salles de sciences. Il a décidé de ne pas participer à la Cueillette pour étudier la biologie moléculaire et aider les scientifiques à trouver un vaccin. 

— Bonjour ! m'exclamé-je.

Je fais sursauter Darwin, qui retire ses yeux de son microscope et se tourne vers moi. 

— Oh ! Bonjour, Érine, comment vas-tu ?

Je lui fais un sourire sans trop savoir quoi lui répondre. Mon ADN est en pleine mutation, et je ne sais pas si je vais changer ou pas.

— Sur quoi travaillez-vous ?

— Des Contagieux, répond Arasu, à partir de ton sang, nous avons pu en refaire. Nous en avions laissé une bonne partie à Thoune et ici, nous pouvons en faire à nouveau. Vous en aurez besoin lorsque vous irez prendre le contrôle des Vorks.

Je plisse les yeux. Des Contagieux à partir de mon sang... Alors je suis néfaste pour les Dévihomulus ?

— Est-ce que je pourrais avoir les résultats d'analyse de mon sang, s'il vous plaît ?

Arasu secoue la tête.

— C'est Cécile qui les a, on ne peut pas entrer dans son ordinateur. As-tu constaté des changements chez toi, ces derniers temps ?

Mon regard voyage entre Arasu et tous les échantillons qui se trouvent derrière lui. J'aimerais plutôt garder ce que je ressens pour moi, et examiner mon sang moi-même pour comprendre ce qu'il m'arrive.

— Érine, si tu ressens des choses pas normales, en ce qui concerne ton odorat, ta vision, ton ouïe, tu dois nous en parler, déclare soudainement Liv.

— Mon odorat, ma vision, mon ouïe ? m'enquiers-je.

Liv acquiesce.

— Selon Cécile, il se pourrait que tes sens se décuplent... Un peu comme les Gigantals, leur ouïe, leur odorat, leur vue sont bien plus développés que les Dévihomulus.

J'arque un sourcil, tout en repensant aux bruits qui m'ont assaillie tout à l'heure, à ma vision nocturne, et puis à tous les obstacles que j'ai franchis avec facilité lors de la course. Alors c'est ça.

— Pour l'instant, pas grand-chose, mens-je, mais si je fais de grands efforts, je ne me sens pas fatiguée.

— Tu devrais en parler avec Cécile, annonce Brandt en s'approchant de nous. Ta mère n'a pas seulement trouvé un remède pour nous soigner, mais un remède servant également à les tuer ! Le sort de l'humanité repose sur toi !

Liv lui donne un coup de coude.

— Arrête, tu vas lui mettre davantage la pression ! Érine, fais ce que tu peux, c'est tout ! Le reste, nous on s'en occupe.

Je hoche la tête et lui fais un sourire.

— Nous nous reverrons pour la fête du réveillon ce soir. Je vous laisse travailler, dis-je en souriant.

Je quitte le laboratoire pour rejoindre la Tour Arbre. Au moins, j'ai quelques réponses, même si je n'ai pas pu voir mes analyses. À nouveau, des bruits lointains résonnent dans mes oreilles et je me les bouche. Bon sang, ce changement, je ne vais pas pouvoir le cacher longtemps...

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant