A Girl Revolt - Tome 3

ET BIEN PLUS TARD...

ÉRINE

Je marche au beau milieu du Pont Transparent tout en contemplant ce qu'il y a en dessous. Ils ont tout réaménagé : les vestiges, les maisons en ruines, les véhicules rouillées, ont laissé place à un beau jardin botanique où les gens se promènent et où les enfants prennent plaisir à jouer. On y a même rempli le long canal d'eau pour y faire un fleuve artificiel, très apprécié des jeunes couples avec les balade en barque.

— Venez nombreux à la Marche pour l'égalité et les libertés, dimanche prochain ! Nous fêterons les quinze ans de la Constitution du Printemps !

Je regarde mon petit frère qui distribue des tracts avec enthousiasme. Je souris. Ce n'est plus un enfant, les années qui ont passé l'ont transformé en un bel homme et de profil, il ressemble de plus en plus à notre père.

Les personnes aux alentours attrapent les tracts puis me saluent d'un hochement de tête courtois. Les petites filles et les petits garçons me font des signes de la main auxquels je rends. Dire qu'il y a quinze ans, lorsque j'ai eu l'idée de manifester dans les rues de Parisiorum, les femmes me contemplaient comme si j'étais folle. Mais avec persévérance et avec l'aide des autres, chaque année ça a pris de l'ampleur. Aujourd'hui, j'ai même l'impression que les tracts ne servent plus à rien... La manifestation est très médiatisée et elle fait même partie du calendrier depuis cinq ans.

Je m'arrête d'ailleurs devant un spot publicitaire, la chanteuse Dina B et le tout jeune chanteur Boby Park sont nos Portes-Paroles cette année. Ils font donc passer un message depuis quelques jours :

« La Grande Terreur a éclaté parce que le monde n'était pas juste, parce que certains humains exerçaient de la domination sur d'autres. DLC a créé un tout autre monde de terreur, et elle a voulu nous priver de liberté à tous ! Nous ne voulons plus de cela. Nous voulons un monde équitable, un monde impartial, sans violence ni corruption. Un monde où règne la paix ! C'est pourquoi, pour éviter les erreurs du passé, nous devons marcher dans les rues de nos Cités, femmes et hommes, main dans la main, ensemble, pour changer le monde ! »

S'ensuit une chanson qu'ils ont écrite ensemble en l'honneur de la manifestation et qui affole les charts en ce moment : Equality en héritage.

— Prenez aussi ce tract ! s'écrie soudain Cael.

Je soupire et le suis. Selon lui, distribuer des tracts est une tradition qui doit perdurer. Alors avec ses amis, ils continuent de le faire. Au moins, il est toujours autant motivé que la première fois que nous l'avons fait.

Je finis par atteindre l'intersection qui mène au Département International de la Cohésion Sociale et des Relations Humaines, le tout nouveau Département qui a vu le jour après quatre ans de longs combats. Quatre ans pour que le terme « Masculins » ne soit plus employé et qu'ils retrouvent le statut d'homme et qu'ils aient leur propre texte juridique.

— Cael, appelé-je, je te quitte ici !

Il se tourne vers moi et m'adresse un signe de la main :

— Je dîne chez Victoria ce soir. Pas la peine de m'envoyer un repas ! m'informe-t-il.

— Je ne compte plus le faire, répliqué-je, tu es un jeune homme indépendant de 24 ans maintenant, il faut que tu te débrouilles tout seul !

Il me regarde l'air ahuri.

— Ah ouais ? Mais c'est qui, qui continue de me traiter comme un enfant !?

Je lève les yeux au ciel et tourne les talons. Ce n'est pas que je le traître comme un enfant, mais c'est lui qui ne fait pas les courses. Alors je m'inquiète un peu pour sa santé...