A Girl Revolt - Tome 3

3 partie 2

— Allons, reprends-toi, soupire-t-elle, la vie continue pour toi... Des amis, tu pourras en avoir d'autres et des Masculins... Il y a tout un tas d'Askaris ici.

— Ça ne m'intéresse pas ! répliqué-je. Vous n'avez vraiment aucune morale !

Elle lève les yeux au ciel.

— Si je n'en avais aucune, je t'aurais reconditionnée depuis le début ! Tu aurais tout oublié, ça aurait été plus simple, n'est-ce pas ?

Je fronce les sourcils. C'est vrai ça, pourquoi...

— Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

Elle prend le broc d'eau et m'en sert.

— Parce que j'ai remarqué que les femmes qui survivaient avaient un but dans la vie. Quelque chose qui leur tenait à cœur. Quelque chose qui les poussait à résister à la mort... Alors elles pouvaient facilement intégrer les programmes. Alors si j'effaçais tes souvenirs, tu ne comprendrais même pas pourquoi tu dois vivre et la programmation serait un désastre.

Je suis un peu perdue par ce qu'elle me raconte.

— Vois-tu, tu es en mode Partiel, poursuit-elle. Pour l'instant, tu fais ce qu'on t'ordonne à la lettre... Et tu n'es même pas capable de prononcer un mot.

— N'est-ce pas le but du dominationem ?

Elle secoue la tête.

— Tu dois obéir aux ordres, certes, mais il faut que tu aies un minimum conscience de tes actes, bien entendu sans te poser de question sur ce qui est bien de faire ou non ! Ta mère était programmatrice et tu as dû en apprendre beaucoup sur les divers modes Askaris lors de ton voyage.

Elle pousse le verre d'eau vers moi.

— Un Askaris réfléchit toujours aux différentes manières de tuer ses ennemis. Il analyse les différentes possibilités pour atteindre un objectif. Pour l'instant, toi, tu n'es pas encore à ce stade. Tu fais ce qu'on te demande sans réfléchir. Tu as un Brain Booster, mais il est vide alors tu ne me sers à rien.

Je lui fais un sourire atrabilaire.

— Désolée si je ne vous sers à rien. Je préfère encore mourir et rejoindre toutes les personnes que j'ai perdues dans l'au-delà.

— Eh bien, moi qui pensais que tu considérais encore ton père comme un être vivant... Donc pour toi, il est déjà mort ?

Mes larmes humidifient mes yeux. Je repense à mon père sur le fauteuil tout à l'heure. Il est devenu un Dévihomulus et pourtant, c'est toujours mon père.

— Et puis, je sais que tu as un petit frère...

Cette fois, je m'immobilise.

— Cael s'appelle-t-il... Je ne sais pas où tu l'as caché, mais... Il semble que lorsque j'ai repris le contrôle du Centre de Bienséance d'Europa... Certains Masculins étaient hors de mon emprise... Et nous avons recensé des habitants sans... Sans puce d'identité. Se pourrait-il que ton petit frère s'y cache ? Allons, si tu veux, nous pouvons négocier, sourit-elle.

— Négocier ?

— Oui, je n'ai touché à aucun centre de Bienséance. Mais je détruirai celui d'Europa si tu ne veux pas... je dirais... m'aider.

— Vous aider ? Grondé-je.

Elle reste calme et ses lèvres s'étirent jusqu'à ses oreilles.

— Tu es un être exceptionnel, Érine. Ton génome est unique et grâce à ton immunité, tu accompliras de grandes choses pour moi.

— Je refuse de...

— Si tu refuses, ton frère mourra ! Voyons, il est tout ce qu'il te reste maintenant...

Je me tais et la regarde avec rancœur. Elle me fait du chantage et en plus, c'est de la vie de Cael dont il s'agit.

— Si tu acceptes et que tu survis à la programmation alors ton frère vivra.

— Si j'accepte et que je survis ?! m'écrié-je, abasourdie.

— Oui, si tu ne survis pas, cela n'aura plus d'intérêt et je n'aurai pas à tenir ma promesse !

— Ah ! Et qu'est-ce qui me prouve que vous ne tuerez pas mon frère une fois que vous m'aurez complètement sous votre joug ?

— Je te promets que tu te souviendras de lui et tu pourras l'amener ici, si tu le souhaites. Il pourra vivre avec nous.

Mon cœur bat la chamade. Je vois la détermination dans ses yeux pour me soumettre à ses ordres. Je veux me rebiffer. Mais il s'agit de mon petit frère. Si je peux encore lui sauver la vie, je serai prête à faire n'importe quoi. Seulement, est-ce que je peux vraiment lui faire confiance ?

— Érine, une femme telle que moi tient toujours parole, dit-elle comme si elle avait lu en moi.

Je secoue la tête.

— Vous avez détruit des cités, vous avez tué ma mère, tué votre propre fille ! Vous êtes sans cœur, vous n'avez pas d'âme ! grommelé-je. Comment puis-je vous faire confiance ?

Elle appuie sur sa montre et un écran holographique apparaît. Elle lance une fenêtre vers moi.

— Voici le programme que je veux te donner. Je te programmerai comme un soldat... (elle clique sur un dossier.) Ici, l'encodage de la mémoire. Nous ne te ferons pas oublier ton frère, comme tu peux le voir. Le programme se matérialisera d'ailleurs en lui. Et, si tu veux, nous n'avons qu'à établir un contrat... Je ne toucherai jamais à un seul cheveu de ton frère en échange de tes services auprès de moi.

Je la fixe longuement. Je n'ai pas envie d'être à son service, mais que faire ? Si j'essaie de lui faire le moindre mal, elle activera le Mode Partiel et je ne pourrais rien faire. Et si je ne fais pas ce qu'elle veut, c'est Cael que je perdrai. Je ne veux pas qu'on le tue. Je veux qu'il grandisse... qu'il ait une vie normale...

Je serre mes poings sous la table. Je suis prise au piège. Les mots de Dame Andromède résonnent dans ma tête : « Dans la vie, les choix sont toujours rois. À condition d'avoir la foi. Bons ou mauvais, ils peuvent te faire toucher le fond ». Je n'ai plus la foi et peu importe ma décision, je vais toucher le fond ! Et je me demande même si ces mots ne proviennent pas d'Helka elle-même. Elle est vraiment ignoble. Pourtant, je n'ai pas à réfléchir, ce qui compte, c'est Cael.

— Je ne veux pas que mon frère soit sous votre contrôle, je veux qu'il ait pleinement conscience de tout ce qu'il fait... et je veux avoir le droit de vous tuer si jamais vous lui faites du mal.

Elle arque un sourcil puis me sourit.

— Très bien, tu auras le droit de me tuer si, un jour, je touche à ton petit frère.

Mes larmes coulent. C'est fait. Je ne pourrai pas faire autrement.

— Le contrat, faites-le immédiatement devant mes yeux et rajoutez-le au programme, lui intimé-je.

Erine a-t-elle eu raison d'accepter ? 

Helka a-t-elle dit la vérité ?

Qu'auriez-vous fait à sa place?