32. DÎNER DANS LE JARDIN (Saturn)

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Je retire les menottes de Dame Helmet.

— Nous allons dîner, annoncé-je, c'est pour que vous puissiez manger. Et puis, vous n'allez pas dormir menottée.

Elle masse ses poignets puis me regarde.

— Tu vas me faire confiance ?

Je hoche la tête.

— De toute façon, s'il se passe quelque chose, vous ne pourrez pas voir Luca, demain.

Elle esquisse un léger sourire.

— Il y a une chose à laquelle je commence à réfléchir, annonce-t-elle.

— Quoi donc ?

— Mère disait que c'était vous qui avez créé les Dévihomulus, et pourtant, vous les considérez comme vos ennemis et non des alliés.

— Parce qu'ils le sont, et c'est la Grande Dominica qui les a conçus. Pas nous.

Elle prend un air circonspect et Adèle nous interpelle pour qu'on aille dîner. Nous rejoignons ainsi la maison d'en face. Une grande table a été mise dans le jardin. Nina et un homme, très musclé, déposent des plats sur la table.

— Bonsoir, dit ce dernier, ravi de vous rencontrer les enfants. Je suis Artur.

Nous le saluons.

— J'espère que vous n'êtes pas trop dépaysés, ça change des Cités de Nouvelle Europa !

— Ça change surtout du camp de Thoune, répond Éva.

— D'après ce que m'a raconté Adèle, s'exclame Lilly en arrivant avec une cuillère, vous êtes les enfants de purs rebelles. La vie n'a pas dû être simple pour vous.

Elle met la cuillère dans le saladier et nous invite à nous servir.

— Non, elle était simple, on vivait normalement au camp, assure Flèche. Le problème c'est qu'on ne pouvait pas sortir et rester cachés. Nous sommes les premiers garçons à ne pas être dominationisés !

— Et il en sera ainsi dès à présent, affirme Adèle en se servant de salade.

— Et c'est pour cela que mon business va s'effondrer ! ajoute Lilly. J'aurai moins d'argent pour faire rouler le sanctuaire.

— Allons, dit Artur en lui frictionnant le dos, le village-hôtel te rapporte encore plus que ton marché noir !

— Je pensais à agrandir la réserve ! Accueillir un peu plus de monde mais...

— Les Dévihomulus, dis-je. On les a sentis, ils sont proches.

— Vous les avez sentis ? s'étonnent Artur et Adèle.

Nous hochons la tête.

— On ne sait pas à quelle distance ils sont, peut-être près des barrières électriques... Mais on dirait qu'ils cherchent un moyen d'entrer ici.

Artur arque un sourcil.

— Mais comment pouvez-vous les sentir ?

— Ces enfants sont immunisés, répond Adèle, et ils développent des capacités que j'étudie en ce moment. C'est pour cela que je suis venue ici. Car là où nous étions, leur vie était peut-être en danger. Si la Grande Dominica l'apprend, elle pourrait soit vouloir leur ôter la vie, soit les utiliser à des fins expérimentales.

Artur hoche la tête.

— Alors la rumeur selon laquelle un médecin aurait trouvé un remède qui nous permettrait d'être immunisés n'en était pas une ? interroge Nina. Ils en ont parlé aux infos, il y a de ça une quinzaine de jours.

— Oui, le vaccin a été mis en place par Hannah De Blonay. Grâce à elle, les générations futures seront immunisées.

Lilly plisse les yeux.

— Les générations futures ? Nina ne peut-elle pas avoir ce vaccin ?

Adèle remue la tête.

— Le vaccin n'est efficace que s'il est administré avant l'âge de cinq ans. Ces enfants ont reçu le vaccin il y a longtemps.

Lilly soupire et regarde sa fille.

— Comme c'est dommage...

— Mais nous savons maintenant comment soigner les blessés, commente 233. Ceux qui ont été blessés lors de la seconde Fauche sont guéris.

Je bats des paupières. Les blessés ont été guéris ? C'est vrai que lorsque j'ai quitté le camp, les blessés étaient encore dans le coma. Ce qui signifie que...

Je me tourne vers Palma.

— Palma, as-tu des nouvelles de Sissi et Sophiane ?

Elle termine d'avaler ce qu'il y a dans sa bouche.

— Ah, oui j'avais complètement oublié de te le dire ! J'ai pris contact avec Sissi à mon réveil. Sophiane s'en est tiré ! Leurs Masculins aussi !

Je souris. Lors de notre dernière rencontre à Parisorium, Sissi avait l'air complètement anéantie. Je lui ai dit qu'il fallait qu'elle garde espoir. Elle m'a ensuite demandé de ramener Érine. Je grimace. Ça fait déjà trois mois et je n'ai toujours rien.

— Et est-ce qu'on est immunisé, une fois qu'on a guéri ? questionne Lilly.

Adèle hausse les épaules.

— Les médecins sont en train de se pencher sur la question, on ne sait pas s'ils ont développé une immunité sur la durée. C'est pour cela que je préfère me référer au vaccin d'Hannah De Blonay. La vaccination va être rendue obligatoire pour les prochaines naissances. Jusqu'à présent, les Délatrices le faisaient au noir. D'ailleurs, je t'ai ramené des vaccins ainsi que l'antidote. Je me suis dit que dans ton coin perdu, ça devait te prendre un mois avant d'en recevoir !

— Ouah, eh bien merci ! Tu ne peux pas savoir combien je suis contente ! J'espère juste ne pas avoir à administrer l'antidote à mes employés ou vacanciers.

Et je l'espère aussi. Je tourne la tête vers les remparts. J'entends les criquets qui stridulent, les cris des chauves-souris et autres animaux nocturnes. Eux, ils n'émettent pas de bruits, mais je sens leur présence. 

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant