3. MODE PARTIEL (Érine)

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Nous quittons le labo par une nouvelle porte et prenons un ascenseur qui descend. Nous atteignons un pont vitré menant vers un autre bâtiment. En observant autour de moi, il y a des collines enneigées à perte de vue. Et derrière l'une des collines, le ciel est violet. Je contemple le paysage, je me sens apaisée, mais en même temps, je suis triste, je me sens seule... Je veux voir Saturn.

La porte du second bâtiment s'ouvre dans un grincement à m'en faire sursauter. Je reporte mon attention devant moi. C'est un grand réfectoire sur deux niveaux. Au premier niveau, il y a des Askaris qui se servent, d'autres qui mangent sur des tables sans discuter avec leur voisin et j'aperçois bientôt Amine. 7714 est en face de lui. Il manque simplement Arisa à l'appelle.

C'est à cause d'eux que notre plan est tombé à l'eau. Je repense aux blessés dans les hôpitaux, les femmes tenant des bombes dans leur main... Le Brain Booster... Un nouveau dominationem qu'elles peuvent commander à distance. Je me mords les lèvres. Est-ce parce qu'Helka a mis la main sur mon père et donc les programmes de maman, qu'elle a pu inventer tout ça ? Fort probable.

— Érine, me souffle Helka en me montrant un buffet.

Il y a toutes sortes de repas... froid, chaud, cru... Le petit déjeuner typique des riches.

— Sers-toi, ma petite. Une bonne soupe te fera du bien.

Je la fusille du regard.

— Comment pourrais-je manger ? Vous dites que ça fait plus d'un mois que je suis là et je viens de découvrir que vous avez transformé mon père en Dévi ! Je ne sais même pas ce que vous comptez faire de moi !?

— Oh, mais je veux simplement te sauver la vie ! T'offrir une nouvelle vie, dans cette nouvelle famille, réplique-t-elle.

— Je n'ai pas besoin d'une nouvelle vie, ni d'une nouvelle famille ! J'ai une famille qui m'attend ! Et je la rejoindrai !

Elle me regarde comme si ce que je lui disais n'avais pas d'importance. J'ai l'impression de parler à un mur. Mais quoi qu'il en soit, où que je sois, je trouverai le moyen de partir d'ici. J'ai eu le temps de prévenir Flèche, j'ai eu le temps de prévenir Palma... Je suis certaine qu'il y a des survivants. En tout cas, je dois m'en persuader.

— Ma chère, qui est ta famille ? Ton Masculin ? Saturn De Blonay ? interroge-t-elle subitement. Oh, mais il y a longtemps que je l'ai éliminé !

Mon cœur semble s'arrêter de battre. Mes larmes me brûlent les yeux et j'ai l'impression que je manque d'air.

Helka s'approche de moi, tout sourire et pose la main sur mon visage.

— Parisorium. Oh non, que dis-je ? Toutes les grandes cités d'Europa, je les ai rayées de la carte, il y a plusieurs semaines. Ton Masculin, tes amies, toutes les personnes que tu as connues sont mortes.

Mes larmes se mettent à couler.

— Vous mentez, je bégaie.

Elle penche la tête sur le côté.

— En ai-je l'air ? dit-elle, menaçante, en se rapprochant de moi. Ma chère Érine. Je te l'ai dit, je suis l'Autorité Suprême. Les femmes du reste du monde ont eu peur de la mort, alors elles m'ont obéi !

Mon cœur se serre. Je n'arrive pas à y croire. C'est faux ! C'est complètement absurde ! Ils n'ont pas pu mourir. Non ! Cette fois, je suis hors de moi, la colère me noue les tripes, j'attrape un couteau de table à la lame pointue sur une étagère, je ne réfléchis plus à ce que je fais. Tout ce dont j'ai envie là, c'est lui planter le couteau dans la gorge !

Je me rue vers elle, levant mon arme de fortune. Elle reste indifférente, arquant simplement un sourcil et, m'observant avec pitié, elle proclame :

— Mode Partiel.

Aussitôt, mon corps s'arrête et je me sens partir. Quand je reprends conscience, je dépose une fourchette dans une assiette drapée de sauce. J'écarquille les yeux et regarde autour de moi. Je suis assise dans le réfectoire et Helka est en face de moi. Toute souriante.

Je commence à avoir des cotons dans les jambes.

— Alors ? As-tu bien mangé ? s'enquiert-elle.

J'avale ma salive avec difficulté et regarde le plateau devant moi. Tout à l'heure, j'étais sur le point de... Et maintenant... Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas vrai ! Non, me dites pas que... Elle l'a fait !?

Mes lèvres se mettent à trembler et je me retiens pour ne pas pleurer.

— Vous êtes un monstre, déclaré-je en la regardant droit dans les yeux.

Elle arque un sourcil.

— Un monstre, alors que tu as tenté de me tuer, il y a une trentaine de minutes de ça ?

Mes mains resserrent d'ailleurs le couteau de table. Pauvre de moi. C'est vrai, si je la tue, je deviendrai une criminelle, un monstre également. Mais c'est plus fort que moi. Je hais cette femme ! Elle a transformé mon père en Dévihomulus, elle a tué ma mère et tous mes amis... Comment pourrais-je rester calme et ne pas vouloir l'étriper !

— Ma chère Érine, je suis si désolée que tout se passe ainsi, mais si tu avais été une fille sage et que tu m'avais aidée depuis le début lorsque je cherchai les travaux de ta mère, rien de tout ceci ne serait arrivé. Aujourd'hui, tu es à ma merci. Mais ne t'inquiète pas, je ne veux pas te faire du mal. Je ne souhaite que ton bien. D'ailleurs, je ne veux pas que tu meures de faim...

— Combien de temps, pesté-je furieuse, depuis combien de temps vous m'utilisez !?

— Oh, mais simplement aujourd'hui... Je t'ai implanté le prototype numéro 2 du Brain Booster... Tu es restée trois semaines en réanimation et j'attendais seulement ton réveil.

Elle me fait un large sourire. Impossible pour moi de la croire. Je n'ai aucune confiance en ses propos. Elle m'a implanté cette chose et je n'ai même pas conscience de ce que je fais. Peut-être qu'elle m'a fait faire des choses sans que je le sache depuis... Elle peut même me mentir au sujet du temps... Mes mains tremblent. Que m'a-t-elle fait faire ? J'espère qu'elle ne m'a pas ordonné de tuer ! La peur me terrasse brusquement. Elle m'a dit avoir éliminé mes amis... et si... Si elle m'en avait donné l'ordre !?

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant