26. NOUVEAUX NOMS (Érine)

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Partie 1

Le sol est glacial.

Je suis allongée quelque part. Je sens une goutte d'eau tomber sur mon visage.

J'ouvre les yeux. Mon cœur bondit en voyant un cadavre éventré et dont le visage est dépiauté, suspendu à des fils au-dessus de moi.

— Tu vois, ça c'est de ta faute !

Je sursaute et pivote la tête sur ma droite. C'est Sissi. Elle me fait un sourire empli de méchanceté.

— Tu n'es même plus humaine !

— Oui, c'est vrai, ajoute Sophiane qui apparaît brusquement derrière elle, tu n'as même plus ta place parmi nous. Et ça, c'est ce qui va t'arriver ! Avertit-elle en désignant le cadavre.

Je pousse un cri en me réveillant en sursaut.

— Érine !

Saturn, assis sur un siège, se lève pour poser ses mains sur mon épaule. J'ai le souffle saccadé, j'entends de nombreuses personnes qui parlent, le bruit de talons qui martèlent le sol.

— Érine, continue Saturn, en passant la main dans mes cheveux et en croisant mon regard.

J'avale ma salive et me concentre sur les battements rapides de son cœur.

— Est-ce que... est-ce que je suis devenue un Dévihomulus ? bégayé-je.

Il secoue la tête.

— Ah moins que tu aies envie de me dévorer tout cru.

J'émets un petit rire nerveux et me cache le visage. Les souvenirs de mon saut me reviennent en mémoire. J'ai perdu connaissance à cause du choc et on m'a emmenée à l'hôpital. Pas la peine de regarder autour de moi, ça sent le médicament partout dans la chambre... Partout ? À moins que ce ne soit l'odeur dans tout le bâtiment à cause de mon odorat qui est certainement en train de s'amplifier.

Saturn m'attire soudain contre lui et me frictionne le dos.

— Tu n'as pas à t'inquiéter. J'ai fouillé dans les programmes de ta mère. Tes sens vont certainement se développer comme les Dévihomulus, mais tu seras toujours humaine.

Je serre sa chemise et me blottis contre lui.

— J'ai commencé à entendre plusieurs sons de très loin, mais hier soir, je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé, le saut... je ne pensais pas bondir aussi haut ! Et tout le monde l'a vu ! J'ai affreusement honte !

— Tu n'as pas à avoir honte... Je dirais qu'ils sont plutôt inquiets pour toi.

— Ils ont peur que je mute...

Il s'éloigne de moi et secoue la tête. Son regard s'assombrit légèrement.

— Ils sont inquiets parce qu'ils te considèrent comme leur arme. Moi, c'est ce qui m'embête.

Je penche la tête et repense à notre arrivée, il est vrai que la Directrice avait dit qu'elle avait une "arme" en me regardant. Je pensais qu'elle faisait allusion à toutes les preuves que Dame Andromède m'avait données. Mais c'est de moi qu'elle parlait. Je suis immunisée contre les Dévihomulus et je suis un virus pour eux.

— Je commence à me dire qu'il faudrait que je me fasse mordre. Tu ne serais alors plus la seule.

Je secoue la tête.

— Tu resterais trop longtemps dans le coma. Arme ou pas, j'ai choisi de mettre fin au règne d'Helka ! Et cela quels que soient les moyens. Et puis, te faire mordre serait un truc complètement idiot...

Il fait un sourire en coin et hoche la tête.

— De toute façon, on destituera Helka ensemble !

J'acquiesce et lui embrasse les lèvres avant de me blottir à nouveau contre lui et d'écouter les battements de son cœur qui sont toujours aussi rapides.

On frappe soudain à la porte. Je m'éloigne de Saturn. C'est Cécile.

— Bonjour, comment te sens-tu ?

— Je suis juste un peu dépassée par ce qu'il m'est arrivé hier.

Elle s'approche et attrape ma main pour sentir mon pouls.

— Mis à part ce saut, as-tu constaté autre chose ?

— J'entends de très loin, dis-je sans me poser de questions.

Après tout, je ne suis pas prête à la quitter maintenant, nous allons devoir aller ensemble à Parisiorum, tôt ou tard, elle s'apercevra de mes changements.

— Alors c'est bon, tu peux t'en aller maintenant.

Je hausse les sourcils, stupéfaite. C'est tout ?

— Qu'y a-t-il ? interroge-t-elle.

— Vous n'allez pas me faire une nouvelle prise de sang ? Me poser d'autres questions ?

— Non, pourquoi ? Ta délétion se poursuit comme je l'avais prévu... Il n'y a pas de changements déviants, alors je ne vois pas pourquoi je devrais te faire d'autres examens. D'autant plus que nous devons partir demain et il me reste encore bien à faire.

J'écarquille les yeux et fixe l'horloge numérique au-dessus de la porte. Il est déjà 11 heures ! Mince, moi aussi j'ai des choses à faire ! J'avais complètement oublié le montage vidéo !

Ce matin à 9 heures, nous aurions dû accompagner les garçons pour qu'ils donnent leur choix à la Directrice, ensuite, nous les aurions conduits voir les filles pour faire les paires avant d'aller à la gare à 11 heures. Les caméras doivent les filmer en train de dormir pour que je puisse bien pirater la vidéo de la Sécurité lors du voyage.

Je saute du lit.

— Il faut rejoindre les garçons ! Où sont-ils ?

— Tu n'as pas à t'en faire, répond Saturn en allumant l'écran de sa montre. Palma et Keisha se sont occupées de tout. Ils doivent être à la gare pour la prise vidéo.

— Mais le piratage de la vidéo ?

— Dimitri s'en occupe, annonce Cécile, je vous laisse, j'ai des Contagieux à préparer.

Elle quitte la chambre.

— Vous avez laissé Dimitri tout seul ? m'écrié-je étonnée.

— Réto et Eric le surveillent. Et puis il est le seul à pouvoir faire fonctionner le brouillage électromagnétique. (Saturn agrandit son écran holographique. Une carte s'affiche.) Nous avons débloqué les trappes de secours hier. Lorsque le train s'arrêtera, nous utiliserons la dernière trappe pour descendre du train. Il y aura une bouche d'égout à un mètre du dernier wagon sous le tunnel. Nous traverserons tout le réseau d'égout ainsi pour nous rendre à Small Asia.

J'écarquille les yeux. Saturn me sourit.

— C'est le quartier le moins surveillé, ajoute-t-il. Et puis, en cas de problème, Doc lancera un brouillage électromagnétique aux Trakars. Tu n'as pas à t'inquiéter. Allons plutôt déjeuner. Tu dois prendre des forces.

J'opine du chef, mais maintenant, me voilà à la fois impatiente et anxieuse d'être à Parisiorum. Nous avons élaboré un plan... il est peut-être un peu vaseux. Mais peu importe. Dorénavant, il faut foncer, ne plus avoir de doutes, suivre notre objectif.

*** 

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant