10. LE CONTAGIEUX (Érine)

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Partie 1


Je suis dans un univers tout blanc. Tellement blanc que j'en ai mal aux yeux. Il n'y a rien : pas de dôme, pas de cité, pas de ruine, pas de Dévihomulus... Aucune personne. C'est comme si j'étais seule dans ce monde.

J'avance, jetant des coups d'œil autour de moi, sans savoir où je vais. Mais soudain, on m'interpelle. Je me retourne. Mon cœur palpite, les larmes me montent aux yeux en voyant mes amies. Mes chères Antonymes. Sissi et Sophiane. Je me précipite vers elles, envahie par la joie immense de les revoir quand brusquement, je me cogne contre quelque chose. Je titube en arrière à cause du choc et manque de tomber. Je reprends mon équilibre et observe les jumelles qui sont derrière un mur de verre. Elles me lancent un regard atrabilaire.

— Sissi, Sophiane ?

— Comment oses-tu encore t'adresser à nous ? grogne Sissi.

— Mais nous sommes amies.

— Amies ? s'esclaffe Sophiane. Non ! Tu ne nous as rien dit au sujet de ta mère, au sujet de Saturn !

— Tu as quitté la Cité, poursuit Sissi en s'avançant, faisant le tour du mur.

C'est alors que je me rends compte que je suis dans une prison de verre.

— Tu es devenue une rebelle ! s'écrie Sophiane.

— Parce qu'on ne peut plus tolérer ce qui arrive aux Masculins ! Vous ne savez pas ce que Miss Méduse fait d'eux. Elle fait d'ignobles expériences et ils se transforment en Dévihomulus !

— Un Dévihomulus ? questionnent les Antonymes en cœur. Parles-tu de toi ?

Je fronce les sourcils puis regarde ma main. Ma peau est blanche et j'ai plein de veines noires saillantes. Je me touche alors la tête, le visage, le corps et je hurle alors que les jumelles éclatent de rire.

Je me relève soudainement à bout de souffle, des perles de sueur courant sur mon visage, le cœur palpitant furieusement.

— Érine !

Je tourne légèrement la tête vers Saturn. Son visage pâle, son regard soucieux et ses yeux creux m'en disent long sur son état actuel. Aussitôt, je saute dans ses bras et le serre péniblement contre moi. Mes mains tremblent, mon cœur fait des bonds vertigineux et j'ai l'impression que tout est embrouillé dans ma tête.

— Ça va allez, dit-il tout en me frictionnant le dos.

Je me laisse bercer par son odeur et commence à me détendre.

J'ouvre les yeux et hausse les sourcils en voyant que les compagnons de Saturn, 450, 85, 2829, 566 et 841 nous regardent stupéfiés. Nous sommes au milieu d'eux, moi, assise sur une couverture de laine.

Je m'éloigne rapidement de Saturn et observe l'endroit où nous sommes. Les petits faisceaux de lumière, les deux petits bancs sur les côtés et le cahotement sous mes fesses, je ne peux que conclure que nous sommes dans un véhicule.

— Que s'est-il passé ? demandé-je alors.

— Nous avons quitté Czechia. Tu as réussi à ouvrir les portes et...

J'écarquille les yeux et l'image d'un Dévihomulus géant me revient en mémoire.

— J'ai été attaqué par un Revenant, un Dévihomulus géant qui était revenu à la vie, je poursuis.

Immédiatement, je regarde mon bras droit. J'ai un bandage. Tout me revient alors. Il m'a trouvé dans le conduit. J'étais encore bien trop proche de l'encadrement alors il m'a attrapé le pied et m'a sortie de ma cachette. Je suis tombée par terre, me suis relevée en pointant mon arme sur lui et j'ai tiré. Même touché en pleine tête, il ne s'est pas écroulé. Il m'a alors attrapé par le col. J'ai cru que j'allais mourir. Je me suis débattue, je lui ai donné des coups de pieds, je l'ai griffé, j'ai protégé mon visage en passant mon bras devant moi et...

— Il m'a mordu la main et... (Je fixe Saturn droit dans les yeux.) Il est mort.

Saturn écarquille les yeux.

— Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé si ce n'est qu'après m'avoir mordu, il s'est comme étranglé et puis il est tombé à la renverse. Il ne respirait plus.

— Peut-être qu'il était revenu à la vie simplement pour un certain temps, annonce 85.

Tous ses camarades se tournent vers lui.

— Sérieusement ? Un Dévihomulus qui revient à la vie, 85 ! s'écrie 2829.

85 riposte :

— Hey ! N'oubliez pas que tout est possible avec eux ! D'ailleurs, l'autre Dévihomulus géant avec la mâchoire dégueulasse, on ne pouvait pas le tuer avec des balles comme tous les autres !

— Oui, mais la femme commandant a quand même réussi à le tuer avec cette arme étrange, remarque 450.

Je frissonne en repensant à l'autre créature en putréfaction.

— Il est venu s'attaquer à vous ?

Ils opinent du chef. Mon cœur se serre et je commence à paniquer.

— Cael, Palma et tous les autres ?

— Ils n'ont rien, répond Saturn. Ils sont dans la voiture devant nous avec Cécile.

Je pousse un soupir de soulagement. Lorsque j'ai vu ces monstres, j'ai cru qu'ils allaient se rendre au mur...

— Un Défenseur est quand même mort, annonce 566.

Je hausse les sourcils et fixe Saturn.

— Dini, déclare-t-il.

Je me fige. Ce n'est pas possible ! J'ai l'impression de ne pas être dans la réalité et de poursuivre mon cauchemar. Mais en voyant le regard triste de Saturn... ça ne peut être que vrai.

— Ciel, je murmure avant de poser la main sur le visage de Saturn dont je décèle le chagrin dans le regard.

— Ça ira, me confie-t-il. Mais j'ai davantage envie de tuer Helka et d'arrêter toutes ces expériences sur les Masculins.

Je caresse son visage du pouce.

— Moi aussi. Et on y arrivera.

Je penche la tête de Saturn sur mon épaule et fixe le sol. J'en ai les larmes aux yeux. Pauvre Dini. Il était autoritaire, un peu trop exigeant, mais c'était quelqu'un de bien. Il n'aurait pas dû mourir. Une larme roule sur ma joue et je l'essuie avant de m'écarter de Saturn.

— Nous serons bientôt au Centre de Bienséance et nous pourrons mettre la première phase de notre plan en place. Nous allons réussir ce pour quoi Dini, Kéba, tous nos compagnons morts, se battaient. 

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant