36. LES DERNIÈRES LIGNES (Érine)

168 34 0
                                    


Partie 1

Je longe un long couloir, vide, obstrué par l'obscurité. Seule une porte laisse échapper de la lumière et je m'y dirige, c'est mon unique échappatoire.

Je m'apprête à franchir le seuil lorsqu'un mouvement attire mon attention. Je regarde par-dessus mon épaule. Je ne perçois rien. Même avec ma visibilité nocturne. Tout reste noir. J'avale ma salive et passe de l'autre côté. Une pièce infinie où tout est blanc. Et soudain, je sens le vide sous mes pieds et je tombe. Je crie. J'ai l'impression que mon corps fait une chute de plusieurs pieds. Je cogne soudain contre quelque chose. Je me redresse, la sueur dégoulinant sur mon front. J'analyse où je suis. Il y a tout plein de petites cellules en vitres autour de moi, inondées de sang. J'entends les hurlements des Dévihomulus tout autour. Ma bouche s'assèche. Je ne sais pas pourquoi, d'un coup, j'ai horriblement chaud. Et soudain, quelque chose cogne contre la vitre derrière moi. Je me retourne.

Sissi me lance un grand sourire, mais elle n'est pas normale. Son visage est blême, ses yeux écarlates, ses dents acérées et ses mains sont recouvertes de sang. Subitement, d'autres personnes apparaissent. Sophiane, Dame Helmet, Tyara, Lunetta, Kéba... Et même Saturn. Ils m'encerclent, frappant sur les vitres en hurlant qu'ils ont faim. Les vitres se brisent soudainement et ils se jettent sur moi.

J'ouvre les yeux, sentant une pression contre mon ventre. Une goutte de sueur perle le long de mon front. J'avale ma salive alors que ma gorge est sèche. Un souffle caresse soudainement ma joue, me faisant frissonner. Je pivote la tête. Saturn dort paisiblement, son visage proche du mien, sa main enroulée autour de ma taille.

Je pousse un soupir de soulagement. Ce n'était qu'un rêve... non plutôt un cauchemar. La nuit a été tellement mouvementée. Les Dévihomulus ont réussi à s'introduire. Le visage de Sissi et Sophiane, complètement dévihomifié, traverse brusquement mon esprit et je me redresse sur le lit. Est-ce qu'elles vont bien ?

J'entends soudain un grincement et tourne la tête vers la source de bruit. Dame De Capistran apparaît à la porte. Elle pénètre dans, il me semble, une chambre, et dépose un sac sur une table.

— Contente de ne pas avoir à te réveiller. Prends une douche, change-toi et rejoins-moi au hall. Le Conseil d'Europa s'est réuni et on t'attend. Tu vas témoigner.

Elle tourne les talons puis s'arrête et sans me regarder annonce :

— J'ai regardé ce que contenait la puce que tu m'a donnée. Pour l'instant, je vous aiderai à destituer Helka De La Costa. En ce qui concerne l'abolition du dominationem, je vais y réfléchir.

J'écarquille les yeux à la fois surprise et émue. Je ne sais pas ce qu'a dit Renée dans son message, mais la voilà qui vient de changer d'avis... Enfin pas totalement, mais on a son soutient maintenant. Renée sera toute contente lorsqu'elle va l'apprendre !

Saturn marmonne sur le lit, tandis que Dame De Capistran quitte la chambre.

Toute heureuse, je me lève et vais prendre le sac. Il y a des vêtements propres et une paire de chaussures.

Je file dans la salle de bain attenante. Je me lave, frottant ardemment ma peau pour retirer le sang qui s'y colle, surtout au niveau du cou. Je me souviens aussitôt qu'un Dévihomulus m'a mordue, mais ça l'a tué. Je suis donc devenue un poison pour eux. J'en suis à la fois fière et perturbée. Dame De Capistran me l'a fait remarquer ce matin en constatant que j'étais toujours debout et que le Dévihomulus en était mort...

« Les recherches de ta mère qu'Helka quémandait c'était toi ! » a-t-elle dit avant de prendre un air songeur.

Je passe ma main sur le miroir pour chasser la buée et observe mon cou. Aucune trace de morsure.

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant