A Girl Revolt - Tome 3

9.TROIS MOIS PLUS TÔT (Saturn)

*En audio: The end of the world*

La mélodie d'une chanson douce danse autour de moi. « Est-ce la fin de notre monde ? » Une chanson qu'une artiste a composé après la seconde Fauche. C'est comme cela qu'on l'a nommé. Ce jour où la Grande Dominica a commis un génocide tuant des milliers de femmes et d'hommes dans toutes les grandes Cités d'Europa. Mais en faisant cela, les femmes se sont retournées contre elles. Notre révolte a pris du sens. Partout dans les autres États, les femmes se sont soulevées. Des manifestations ont éclatées pour qu'on destitue Helka. Elles sont allées dans les usines de dominationems, y sont entrées en force pour détruire les puces, elles ont lancés des assauts pour prendre le contrôle des bases Askaris et les Juges ont donnés l'ordre d'arrêter Helka De La Costa. J'ai aussitôt rejoint les bataillons, espérant retrouver Érine...

Je contemple la fleur séchée qu'elle m'a offert lors de notre troisième rencontre et, mes yeux se retrouvent bouffis de larmes. Elle me manque terriblement et je ne sais pas si elle est toujours en vie. Ça fait déjà 36 jours aujourd'hui. 36 jours depuis que nous sommes allés assiéger Grèce Land, la Maison d'Athènes : le lieu de résidence et de travail de toutes les Grandes Dominicas... Mais là-bas, la ville était infestée... Toute une population qui avait muté en Dévi. Il nous a fallu du temps pour atteindre la Maison d'Athènes et quand nous sommes arrivés, il n'y avait personne. Rien. Même pas âme qui vive ! Tout ce que nous avons trouvé c'était l'émetteur de localisation de Cécile et quelques traces de sang. Du sang qui appartenait à cette dernière.

J'ai eu l'impression que le sol s'effondrait sous mes pieds. Je pensais qu'on allait les retrouver – Érine, ma génitrice, Cécile - et en finir avec Helka De La Costa. Mais ça a été autrement. Aucune trace d'elles.

Le docteur Fenry Dona pense qu'elles sont vivantes, tout comme la directrice du Centre de Bienséance. Elles croient que la Grande Dominica ne ferait pas de mal à Érine à cause de son immunité. Mais elle serait capable de lui faire des expériences pour l'étudier ou peut-être la rendre à nouveau intolérante au virus.

Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration, essayant de me donner l'espoir qu'elle va bien. Elle, ainsi que ma génitrice. Nous n'avons aucune informations la concernant. Chaque jour, c'est une torture pour moi. Je ne pourrai avoir l'esprit tranquille tant que je ne les aurai pas retrouvées.

On frappe soudain à ma porte. Je me lève de mon lit et me frotte les yeux avant d'aller ouvrir.

Cael me regarde sévèrement.

— Elles m'ont dit que je rentrais au Centre ! Je croyais que je pouvais rester ici, avec toi !

Je me mords les lèvres et m'accroupis pour être au même niveau que Cael. Je pose mes mains sur ses bras.

— Pour l'instant, là-bas c'est le seul endroit où tu seras en sécurité. Tu sais, je dois partir à la recherche d'Érine et ici, ce n'est pas un endroit pour toi...

Ses épaules s'abaissent et il boude.

 — Je voulais rester avec toi, et je voulais aller chercher Érine avec toi.

Je lui fais un sourire et passe la main dans ses cheveux.

— Tu es courageux mais là où je vais, c'est vraiment dangereux. Cependant, je te promets que je ramènerai Érine.

Une larme roule sur sa joue. Il me regarde et hoche la tête. Je le serre ensuite dans mes bras, fermant les yeux. C'est grâce à Cael que je ne perds pas pieds et que je tiens le coup. Sans famille ou amis, je crois que je serai mort d'angoisse.

Le ventre de Cael grogne et je m'écarte de lui, esquissant un sourire.

— Allons prendre le petit-déjeuner, il est déjà tard.

Nous rejoignons mes compagnons dans le réfectoire. Nous sommes dans une ancienne base Askaris, à deux heures de Parisiorum, tout au sud. Un lieu qui sert également de refuge aux survivants. La plupart des bases le sont devenus, en attendant qu'on reconstruise les Cités qui sont tombés.

Ici, nous avons toute la technologie et tout ce dont nous avons besoin pour retrouver la Grande Dominica. Je suis redevenu un Askaris, mais cette fois de ma propre volonté et le gouvernement provisoire qui a été mis en place a autorisé la destruction des programmes des Masculins. Les bébés qui naissent ne reçoivent plus de dominationem. Pour l'instant, les Masculins des Cités sont « autonomes » mais ils dépendent encore de leur femme. La grande majorité des Askaris ne le sont pas encore, car c'est une guerre que nous menons contre Helka De La Costa. Il reste encore des Commandants et leur Askaris sous son joug et parfois, elles attaquent les bases pour tenter de reprendre le contrôle. Signe que Helka n'a pas abandonné et qu'elle se cache quelque part.

— J'ai des nouvelles de Renée ! S'exclame Palma en éteignant l'écran de sa montre. Elle est enfin sortie de l'hôpital et son état s'est vachement améliorée.

Je suis soulagé de l'apprendre. Après nous être rendu en Grèce, Dame De Capistran est allée au Centre de Bienséance d'Europa pour rencontrer Renée. Grâce à tout ce que lui avait confié Érine, et à l'aide du docteur Berg Adèle, la scientifique qui s'intéressait aux Dévihomulus, les médecins ont réussi à la soigner. Depuis, elles travaillent également sur un remède face au virus. Les échantillons de vaccins que Cécile avait laissés à Doc ont également été testés. Plusieurs blessés sont actuellement en soin intensif dans des hôpitaux. Le vaccin de Cécile semble fonctionné mais on ne sait pas quand ils se réveilleront.

 — Est-ce qu'on doit s'attendre à ce que Dame De Capistran et le docteur Berg rentrent à Paris ? s'enquiert Andy.

— Parisiorum, lui corrige Lucia.

— Oui, mais Paris c'est plus court, facile à prononcer et c'est plus joli !

Lucia roule des yeux et entame son repas.

— Elle va sûrement rentrer, annonce Palma, la gouvernante provisoire de Parisiorum.

— Alors, une fois qu'on aura mis la main sur cette femme, on va voter pour une nouvelle « Grande Dominica » ? Mais est-ce que nous, nous pourrons voter ? interroge Abdel.

Les filles haussent les épaules.

— Ce serait vraiment bien, mais on n'en sait rien, dit Freyja. Maintenant que les Délatrices ont leur parti politique, l'Union Démocrate des Délatrices, j'imagine qu'elles feront tous pour faire voter ces lois et les écrire dans la constitution.

Cette nouvelle m'aurait donné la joie au cœur si la situation était autrement. Pour l'instant j'ai du mal à sourire et à être content pour quoi que ce soit.

Nos montres se mettent soudainement à biper. Je l'éteins et me tourne vers Cael, à côté de moi.

— On nous appelle, il faut que j'y aille.

Il plisse les yeux.

— Est-ce que tu seras là quand je partirai ?

Mon cœur se serre et je secoue la tête.

— On nous envoie quelque part. Ça risque de durer longtemps. Dès que je reviendrai de mission, je t'appellerai comme je l'ai toujours fait.

Il opine du chef et je le serre dans mes bras.

Je me tourne vers Palma qui donne un baiser sur la joue d'Eric et lui demande de faire attention. Quelque fois, je ressens comme de la jalousie en les voyant. Ils vivent ce que j'ai perdu avec Érine.

— Ok, Saturn, dit-elle, tu peux partir l'esprit tranquille. Je veille sur lui !

Je la remercie et ébouriffe les cheveux de Cael.

— Salut tous les autres pour moi, d'accord ?

Cael me fait oui de la tête et je me lève.