préparation cueillette partie 2

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Partie 2

***

— 319 a vraiment changé ! s'écrie 566 alors que nous nous rendons à la Tour Arbre.

Il fait maintenant nuit et les lampadaires éclairent nos pas.

— C'est à cause du reconditionnement et il est en mode Semi-Indépendant, explique Eric. Selon Laurent, on va leur mettre progressivement des programmes pour qu'ils comprennent qu'ils peuvent faire des choix. Ça se passera ainsi pour tous les autres Masculins lorsqu'on les réinitialisera. Il faudra passer par le mode Autonome...

— Mais il faut qu'on demande à Doc s'il peut lui rendre la mémoire comme avec 400 et toi ! déclare 85.

Eric hoche la tête alors qu'on entend quelqu'un nous appeler. C'est 450 qui vient de sortir d'une navette. Miles est avec lui.

Avec un large sourire, 450 s'avance vers nous. Il possède maintenant une exoprothèse, il marche sans boiter ! C'est comme s'il n'avait jamais perdu ses jambes.

— Vous avez vu ma jambe ! s'exclame-t-il en dirigeant ses yeux vers celle-ci.

Il porte un short qui lui arrive juste au-dessus des genoux.

— Wah ! On ne sait même plus quelle jambe tu as perdue ! Elle est vraie de vraie ! s'extasient mes compagnons.

— En plus, elles ne me servent pas uniquement à marcher ! Si je donne un coup de pied, ça peut être mortel !

Je souris, je suis content de le voir heureux. Pas seulement lui, mais tous mes compagnons.

Nous nous rendons au réfectoire pour dîner, félicitant 450 pour sa nouvelle jambe.

Érine se trouve déjà installée à une table, les yeux sur sa tablette, l'expression un peu alarmée.

— Est-ce que ça va ? lui demandé-je en m'approchant d'elle.

Elle sursaute et lève la tête, surprise. Elle me fait ensuite un sourire et acquiesce.

— Oui, je regardais le mode Autonome, je voudrais apporter quelques modifications. La Directrice a dit qu'on pourra l'intégrer aux Sélectionnés et à tous les Masculins du Centre.

— Hey ! Regarde Érine ! s'écrie 85, 450 a une nouvelle jambe !

Érine le félicite. Nous prenons ensuite notre repas en parlant de notre journée à 450, en lui expliquant ce qui nous attend pour la Cueillette. Les jours suivants s'écoulent rapidement, mes compagnons apprennent les règles des Cités et à se comporter comme des Masculins modernes. Eric et moi apprenons aux Sélectionnés qui n'ont pas reçu d'entraînement Askaris à se servir d'une arme, après leur avoir révélé l'existence des Dévihomulus. Quant à Doc, il passe ses journées avec Cécile et les assistants de la Directrice pour pirater le Réseau de Transport et de Sécurité et créer des brouilleurs numériques pour le Vork. Mes compagnons et moi lui avons demandé de reprogrammer la mémoire des Askaris, malheureusement, n'ayant plus sa tablette, il ne pouvait pas le faire. Malgré tout, avec 319, nous faisons tout pour recréer le lien qui existait entre nous. Peu importe s'il a oublié ce qu'il s'est passé avant, nous n'avons qu'à créer de nouveaux souvenirs avec lui.

— Je commence à angoisser ! s'écrie 566 en mangeant son morceau de poulet. Dans deux jours, elles vont arriver !

— Tu n'as pas à stresser ! Même si certaines filles sont des cruches, tout va bien se passer, déclare Palma.

— Des cruches ? C'est rassurant ce que tu dis, commente Sénick.

— Peu importe, nous avons tous travaillé ensemble pour préparer cette Cueillette ! rétorque Palma. Tout va bien se passer ! Et puis, elles n'ont pas le choix : soit elles rentrent avec vous, soit elles rentrent seules.

— Seulement toi, il ne faudra pas que tu manges comme un porc, commente 450 en regardant 566, c'est certain, ça va les faire fuir !

— Ah, ah ! Très drôle 450 ! T'inquiète, je ferai tout ce qu'on m'a appris dès qu'elles poseront les pieds ici ! répond 566.

Nous rigolons tout en marchant dans le « Mall », le seul et unique Centre commercial du Centre de Bienséance. Il n'est pas aussi immense que celui de Parisiorum, mais assez grand et bondé de restaurants pour que nous passions de bons moments et découvrions le monde « féérique » comme le dit Palma. Les garçons du camp ont passé la journée à se faire tatouer – d'ailleurs, le résultat est surprenant, on dirait de vrais ports de dominationem - et pour faire descendre la pression, nous sommes venus dîner au Mall.

Je m'arrête en remarquant qu'Érine ne suit plus le groupe et la cherche des yeux. Elle s'est arrêtée devant un écran suspendu qui n'arrête pas de passer des informations et des publicités. Je vais la rejoindre et regarde l'écran. Une publicité pour la « Brain Booster ».

— Est-ce que ça te préoccupe ? lui demandé-je.

Elle sursaute avant de se tourner vers moi.

— Saturn ! Tu m'as fait peur !

Je la détaille. J'ai l'impression que quelque chose cloche. Il est vrai que nous n'avons pas passé beaucoup de temps ensemble depuis que nous sommes là. Elle était soit avec les filles, soit avec Cécile et la Directrice. Parfois, elle ne venait pas à l'Arbre et restait avec Cael à la Tour Infant.

Elle reporte son attention sur l'écran et acquiesce.

— J'ai l'impression que c'est dangereux. L'équipe de la Directrice l'a pourtant analysée, mais j'ai cette angoisse qui ne part pas.

Je regarde à nouveau la publicité.

— La Directrice a dit qu'elle en avait pour les filles de la Cueillette, ce n'est pas une obligation de se l'implanter.

— Je sais, dit-elle, mais les connaissant, elles en voudront... C'est gratuit.

— Il faudra que tu les en dissuades. Je suis sûr qu'elles t'écouteront.

Elle me fixe et je lui fais un sourire.

— Je te fais confiance, continué-je.

Ses yeux s'écarquillent et ses joues deviennent rouges.

J'arque un sourcil, ne comprenant pas pourquoi elle s'étonne.

— Y a-t-il quelque chose de chelou sur mon visage ?

— Chelou ?

Je ris.

— Flèche m'a dit que ça voulait dire louche, bizarre...

Elle bat des paupières puis dirige la tête vers le groupe qui s'éloigne toujours. Elle me sourit ensuite et secoue la tête.

— Ton sourire a changé Saturn, il est différent de la première fois où tu m'as souri naturellement.

Je hausse les sourcils.

— Ça ne te plaît pas ?

— Bien sûr que si ! s'écrie-t-elle. Au contraire, je suis contente de te voir sourire ainsi. Ça prouve que tu as changé et que tu es content d'être là !

Je hoche la tête et regarde un instant le sol.

— Je ne suis plus une coquille vide. Ma vie a maintenant un sens. (Je croise son regard.) Je sais qui je suis, même si... même si je ne connais toujours pas ma mère.

Érine se fige brusquement et son visage pâlit. Les larmes lui montent soudainement aux yeux.

— Érine, est-ce que ça va ?  

A Girl Revolt - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant