Chapitre 2 (Nolan)

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_ Nolan Rive, c'est à vous, me dit la secrétaire du cabinet de psychologie.

Avec mon père, nous nous levons mais elle nous reprend aussitôt :

_ Il n'y a que le jeune homme qui vient.

_ Quoi ? je proteste.

_ C'est qu'avec mon fils nous sommes très fusionnels vous savez alors je crois que ça le dérange un peu d'y aller sans moi, lance mon père, essayant sans doute de faire de l'humour.

_ Fusionnels, n'importe quoi ! je réplique avant d'ajouter à l'attention de la secrétaire. Ça ira, évidemment que je peux y aller sans lui.

Je la suis à travers un long couloir pour bientôt atteindre la salle de consultation. J'entre et là je suis accueilli par le psychologue. C'est un type grand et fin, avec de grosses lunettes sur le nez et qui est coiffé comme Albert Einstein, c'est à dire n'importe comment.

Je prends place face à lui. Là, il consacre de longues secondes à me dévisager. Il est déjà en train de m'analyser, j'en suis sûr. Je me sens mal à l'aise.

Rester calme et concentré, je n'ai qu'à dire à ce psy ce qu'il veut entendre. Si je veux que cette consultation soit la première et la dernière, je dois forcer ma nature et me comporter comme un mec sans problème. Pas simple car je suis tout sauf un mec sans problème. Au contraire, je crois que je suis même un problème ambulant.

_ Je suis ravi de te rencontrer. Je peux te tutoyer ? me dit-il d'abord.

Non, tu ne peux pas mais si je te le dis tu vas me prendre pour un rebelle et me coller six mois de thérapie comportementale.

_ Avec plaisir Docteur, je réponds donc poliment.

_ Je t'en prie, appelle-moi Philibert.

Philibert. Qui peut oser flanquer son enfant d'un prénom pareil ? Je comprends mieux pourquoi il s'est passionné pour la psychothérapie. C'est parce-qu'il voulait comprendre pourquoi ses parents lui avaient infligé ça.

_ Très bien.. Philibert...

_ Tu sais pourquoi nous sommes là ?

Pour que tu essayes de rentrer dans ma tête afin de déterrer mes plus sombres secrets.

Dit comme ça, ça paraît un peu mélodramatique mais ça reflète bien ce que je pense du travail d'un psychologue.

_ Pour m'aider, je suppose.

Rien de tel qu'une bonne dose de langue de bois pour s'en sortir.

_ Exactement, je suis là pour t'aider. Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? me dit-il en se laissant tomber contre le dossier de sa chaise.

C'est quoi cette question. On se croirait au restaurant au moment de choisir entre le fromage et le dessert. Depuis quand la psychologie se fait à la carte ? Depuis toujours peut-être. Ou peut-être pas. En fait, je m'en fous. Il faut juste que je trouve quoi répondre pour sortir au plus vite de ce satané bureau sans que ce type ne me perce à jour.

_ A vous de me le dire. C'est votre boulot, non ?

_ Si tu préfères, je vais te le dire.

Là, il reste silencieux quelques instants, un oeil songeur posé sur moi. Il est en train de me décrypter. Ça ne fait aucun doute. Après quoi, il se redresse, laisse échapper un sourire satisfait, et me dit :

_ Faire le deuil d'une mère n'est jamais facile. Encore moins à ton âge.

Il s'interrompt un instant. Puis, il reprend de plus belle :

_ Tu n'acceptes pas la disparition de ta mère et tu en veux au monde entier. Comme tu cherches un responsable, tu t'en prends à ton père qui fait de son mieux pour t'aider à passer cette mauvaise passe mais qui est parfois maladroit. Enfin, tu te replies sur toi et tu te réfugies dans la violence, te faire mal ou faire mal aux autres étant le seul moyen que tu as trouvé pour apaiser tes angoisses et combattre ton chagrin.

Oh putain, ce type craint. Il lit en moi comme dans un livre ouvert ou quoi ? Il a suffi qu'il me dévisage pour qu'il devine tout de ma vie. C'en est effrayant. Je dois me méfier, qui sait ce dont il est capable.

Après être demeuré un instant stoïque, je bredouille :

_ Mais comment vous...

_ Comment je sais tout ça ? En t'observant, voilà tout. C'est mon métier, feint-il.

_ C'est votre métier d'accord. Mais, tout de même, juste en m'observant, c'est fort. C'est même très flippant si vous voulez tout savoir.

Il se racle la gorge et me confie, sur un ton de mea-culpa :

_ Bon, je t'ai un peu menti. En fait, ma secrétaire a demandé à ton père quelques informations sur toi et sur les problèmes que tu rencontres quand il a pris rendez-vous, histoire que je puisse savoir à quel profil de patient j'ai affaire. Ça facilite la prise de contact lors de la première séance.

C'est moi où il vient de me traiter de « profil de patient » ? Je ne sais pas ce que ça veut dire mais ce qui est certain c'est que ça ne me plaît pas du tout.

Et puis, franchement, là je n'en reviens pas ! Mon père, qui est d'ordinaire si pudique quand il s'agit de se confier, appelle un illustre inconnu et lui déballe toute notre vie. De deux choses l'une, soit il est devenu fou, soit il est vraiment très inquiet pour moi au point d'en oublier sa nature prudente.

_ Alors c'était quoi ce petit numéro ? je demande, furieux.

_ Un moyen de voir si ce que m'a dit ton père est vrai.

_ C'est ce que je disais, vous êtes un charlatan ! je me braque.

Je me lève et me dirige d'un pas pressé vers la porte de la salle. Avant que je n'en sorte, il me lance, espérant naïvement pouvoir me retenir :

_ Je pense pouvoir t'aider.

En retour, je tonne :

_ Allez vous faire foutre avec vos manipulations à la con. Plus jamais je ne remets les pieds ici !

Puis, je sors en claquant la porte derrière moi.

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant