Depuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...
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J'aurais sans doute été bien inspiré de faire ce que le coach Féri m'a conseillé, à savoir mettre du froid sur ma joue après qu'elle ait essuyé le poing rageur de Stella. Seulement voilà. J'ai la fâcheuse habitude de ne rien écouter de ce qu'on me dit. Je n'ai donc pas mis de froid et je me suis levé ce matin avec la mâchoire en feu à tel point que manger un simple croissant s'est transformé en véritable supplice. Ça promet pour ce midi ! En fait, je ne croyais pas dire ça un jour, mais j'espère de tout cœur que la purée infâme que j'ai dû me forcer à manger l'autre jour sera encore au menu du self tout à l'heure sans quoi je ne vois pas comment je vais faire pour me nourrir.
Avant de partir en cours, je me gave d'anti-inflammatoires, espérant ainsi apaiser un peu la douleur. D'ailleurs, ça fonctionne et je passe une matinée relativement tranquille.
A la sonnerie de midi, je rejoins Kimi qui m'attend devant le réfectoire. Elle salue mon arrivée d'un large sourire et semble hésiter à se jeter dans mes bras pour m'enlacer. Finalement, elle se ravise et se contente de me faire la bise. Après avoir dû, comme d'habitude, patienter un bon quart d'heure dans une queue interminable, c'est enfin à notre tour de nous servir. Je grimace en découvrant que la purée n'est pas au menu du jour, les cuisiniers du lycée lui ayant préféré un gigot d'agneau. D'ordinaire, j'aurais été aux anges mais là je dois dire que je crains un peu pour mes dents.
Avec Kimi, nous allons prendre place à une table. Il s'en suit un bref instant de silence au cours duquel elle ne me quitte pas des yeux. Elle me lance un sourire que je lui rends aussitôt puis, voyant que je tarde à toucher à mon assiette, elle m'assaille de questions :
_ Tu n'as pas faim ? Ou tu n'aimes pas l'agneau ? Ou alors tu es vegan ?
Vegan ? Moi ? Quelle ironie ! Tu parles, j'ai en horreur les légumes et je mange de la viande à presque tous les repas.
_ Non parce-que si c'est le cas ça ne me gêne pas du tout ! Je pense même à m'y mettre, il paraît que c'est plutôt tendance sur les réseaux sociaux, ajoute-t-elle dans un clin d'oeil.
Alors comme ça elle laisse les réseaux sociaux dicter sa vie. C'est bizarre, je m'en serais douté !
Je m'empresse de mettre fin à tout quiproquo :
_ Je ne suis pas vegan, non.
Comme pour joindre le geste à la parole, je me décide enfin à entamer mon gigot, non sans éprouver une certaine fébrilité au moment de mordre dedans pour la première fois. Fort heureusement, je ne ressens pas la moindre gêne, les anti-inflammatoires sont décidément un véritable remède miracle.
Changeant complètement de sujet, Kimi me dit ensuite d'un ton enjoué :
_ Ça me fait tellement plaisir de déjeuner avec toi ! Et puis c'est une bonne occasion de parler de ce qui s'est passé à la soirée ! On n'en avait pas vraiment eu l'occasion jusque-là.
Parler de ce qui s'est passé à la soirée ? Il n'y a pourtant pas grand chose à en dire. On s'amusait bien et il a fallu que Simon vienne casser l'ambiance, voilà tout !
_ C'était sympa l'autre soir, n'est-ce pas ? me demande-t-elle dans un sourire délicieux.
_ Oui, très sympa, je lui confie en retour.
Un silence gêné s'installe de nouveau. Et de nouveau, c'est Kimi qui décide d'y mettre fin quand elle me questionne :
_ Et comment tu vois la suite ?
_ La suite ? je dis, circonspect.
_ Oui tu sais, au sujet de nous deux... ajoute-t-elle timidement en me lançant un regard plein d'espoir.
Ah je vois, elle veut qu'on remette ça ! Et ben tiens pourquoi pas, je n'ai rien contre le fait de finir ce que nous avons commencé l'autre soir. Après tout, c'était plutôt agréable !
_ J'aimerais beaucoup qu'on se revoit moi aussi, je lui assure, prenant ainsi les devants.
Je ne pouvais pas lui faire plus plaisir, il suffit de voir combien son visage rayonne pour s'en convaincre. D'une voix enthousiaste, elle ajoute :
_ Dans ce cas, on pourrait peut-être se voir un soir après les cours cette semaine, qu'en dis-tu ?
_ Oui, c'est une bonne idée et...
Je suis empêché d'aller au bout de ma phrase quand une décharge vient soudain m'électriser la bouche. La douleur se réveille, et elle ne fait pas semblant. Par réflexe, je viens poser ma main sur ma joue tout en esquissant un rictus de souffrance. Me voyant ainsi grimacer, Kimi s'enquiert :
_ Ça va Nolan ?
Je m'efforce d'abord de sauver les apparences.
_ Parfaitement bien...
_ Tu es sûr ? insiste-t-elle, voyant bien que quelque chose cloche.
Tant pis pour les apparences, mieux vaut que je lui dise la vérité.
_ En fait, j'ai juste un léger souci dentaire depuis ce matin. Donc je crois je vais y aller si ça ne te dérange pas, lui dis-je en me levant précipitamment.
_ Euh oui... D'accord... me répond-t-elle un peu pantoise.
Puis je quitte le self à la hâte avant que ma joue ne se transforme en balle de tennis car je ne tiens pas à ce que la moitié du lycée me voit défiguré, et encore moins à ce que Kimi me voit comme ça.
