Chapitre 85 (Kimi)

2.2K 169 17
                                    

_ Maman, rappelle-moi dès que tu auras ce message

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

_ Maman, rappelle-moi dès que tu auras ce message. Je viens de croiser papa en ville.

Le coeur lourd de tristesse et l'esprit hagard, je marche d'un pas pressé le long de la promenade des Arts pour m'éloigner au plus vite de mon père.

D'ailleurs, puisqu'il ne me veut pas comme fille, je devrais peut-être considérer qu'il n'est plus mon père. Ce serait un juste retour des choses. Si seulement c'était si simple, si seulement il suffisait de décréter qu'il n'était plus mon père pour faire disparaître ces questions qui me hantent nuit et jour depuis qu'il a quitté la maison. Pourquoi est-il parti ? Pourquoi m'a-t-il abandonnée ? J'ai maintenant de quoi répondre, il est parti pour vivre avec une autre femme qui lui a donné deux petits garçons qu'il semble aimer. Mais alors pourquoi ne m'aimait-il pas ? Qu'ai-je donc fait pour le décevoir au point qu'il décide de ne plus être mon père ?

Je suis bientôt rejointe par Simon. Sous le choc de ma rencontre avec mon père, j'en avais presque oublié sa présence.

_ Kimi, je... Enfin, je suis désolé pour ce qui vient de se passer... Je ne sais pas quoi dire... bredouille-t-il une fois arrivé à ma hauteur.

_ Et bien ne dis rien, je lui rétorque sèchement.

Je suis déjà bien assez gênée comme ça qu'il ait eu à assister à une telle scène pour ne pas m'épancher sur le sujet. On ne se connait pas alors je ne vais pas me laisser aller à lui faire des confidences. Ce serait très déplacé.

Simon ne garde le silence que quelques instants. Puis il me demande :

_ Peut-être que tu préfères que l'on reporte notre séance de travail ?

_ Que l'on reporte notre séance de travail ? Et alors quoi, l'exposé va se préparer tout seul ? je rétorque toujours aussi durement.

_ Non, évidemment. Mais ce que je veux dire, c'est que je comprendrais qu'après ce qui vient de se passer tu aies autre chose à penser que notre exposé.

_ Il ne s'est rien passé. Tu oublies ce que tu viens de voir et surtout tu n'en parles à personne. D'accord ?

_ Euh je...

_ Tu m'as bien comprise ? je renchéris d'un ton de plus en plus menaçant afin de m'assurer qu'il optempère.

_ Oui, je t'ai comprise. Il ne s'est rien passé, balbutie-t-il en retour en hochant timidement de la tête.

Mon attention est détournée de Simon quand la sonnerie de mon téléphone retentit. Je m'empare sans traîner de l'appareil et constate en jetant un œil sur l'écran que c'est ma mère qui me rappelle enfin. Je prends soin de mettre quelques mètres de distance entre Simon et moi avant de décrocher.

_ Ma puce, je viens seulement de voir ton message, s'écrie ma mère d'un ton préoccupé. Je suis désolée que tu aies eu à recroiser ton père comme ça. J'imagine que ça a dû te faire un choc.

_ Un choc oui, c'est le mot, surtout quand j'ai vu débarquer sa nouvelle compagne et leurs deux petits garçons.

_ Sa nouvelle compagne et leurs deux petits garçons, relève ma mère avec un embarras évident.

Je souffle un bon coup et me décide à lui poser la question qui me brûle les lèvres :

_ Tu étais au courant qu'il avait refait sa vie ?

_ Kimi je... bredouille-t-elle.

_ Maman, je te le demande à nouveau, étais-tu au courant ? j'insiste d'un ton encore plus ferme.

_ On ne devrait pas parler de ça au téléphone. Je rentre demain de mon voyage d'affaires, on en discutera tranquillement à la maison à mon retour, d'accord ?

_ Non, pas d'accord. J'ai besoin de savoir si tu étais au courant, et je veux que tu me le dises tout de suite, je proteste d'un air catégorique.

J'entends ma mère pousser un long soupir au terme duquel elle finit par m'avouer fébrilement :

_ Oui, je le savais...

_ Comment as-tu pu me faire ça ? Tu m'as menti quand tu disais que papa ne voulait pas d'enfant. En fait si, il en voulait. Preuve en est, il en a fait deux avec sa nouvelle copine ! je tonne, d'une voix qui se brise.

_ Kimi, c'est pour te protéger que je ne t'ai rien dit. Quand j'ai appris que la nouvelle compagne de ton père attendait un enfant, ça m'a fait terriblement mal et je ne voulais pas que tu éprouves la même douleur que moi. Tu avais bien assez souffert comme ça pour ne pas en rajouter. Et puis qu'est-ce que ça aurait changé que je t'en parle ? tente-t-elle tant bien que mal de se justifier.

_ Ce que ça aurait changé ? Mais ça aurait tout changé ! Durant des années, j'ai cru que papa était parti pour retrouver sa liberté, lui qui n'avait jamais voulu d'enfant et qui voyait en moi une charge trop lourde à porter. Mais en fait je me trompais totalement. Il est parti élever d'autres enfants avec une autre femme. Il m'a abandonnée parce-que je n'étais pas assez bien pour lui ! je m'écrie encore, luttant pour contenir les sanglots qui me nouent la gorge.

_ Ne remets pas la faute sur toi ma chérie, tu n'y es pour rien. Ce n'est pas toi qui n'est pas assez bien pour lui. C'est lui qui n'a pas su voir la chance qu'il avait d'avoir une fille comme toi, s'efforce de me réconforter ma mère.

Mais je n'écoute rien de ce qu'elle me dit. Les mots qu'elle prononce s'échappent du haut-parleur du téléphone pour aussitôt se disloquer dans l'air sans parvenir jusqu'à mes oreilles.

_ Pourquoi tu ne m'as pas dit la vérité ? je ressasse. On s'était pourtant jurées de n'avoir aucun secret l'une pour l'autre.

_ Kimi, s'il te plaît, écoute-moi. Je te l'ai cachée parce-que j'avais peur qu'elle te détruise.

Comme je reste silencieuse, trop furieuse pour trouver quoi lui répondre, elle ajoute :

_ Ma chérie, on en parlera demain à tête reposée.

Je suis tellement abasourdie qu'en cet instant je suis incapable de me projeter sur le lendemain. En fait, je ne suis même pas sûre d'avoir la force de reparler à ma mère tant je lui en veux d'avoir gardé pour elle le fait que mon père avait fondé une nouvelle famille. Je balbutie finalement quelques mots qui témoignent de ma torpeur :

_ Je ne sais pas... Je ne sais plus...

_ On en parle demain, d'accord ? renchérit ma mère, qu'une réponse ferme de ma part rassurerait sûrement.

Mais je ne suis pas en mesure de la lui donner. Ne trouvant plus quoi dire, je fais de nouveau le choix du silence et raccroche.

La suite dès mardi ! ;)

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant