Je lui dis la première chose qui me passe par la tête.
_ Qu'est-ce que tu fais ici ?
Ma question est rendue ridicule par l'évidence de la réponse qu'elle implique. Il n'est pas nécessaire d'avoir l'esprit déductif de Sherlock Holmes pour savoir ce qu'elle fait ici. Kimi ne me répond pas. Elle reste murée dans un silence stupéfait. Finalement, ma question ridicule en appelle une autre, d'Amandine cette fois-ci.
_ Vous vous connaissez tous les deux ? demande-t-elle ainsi en s'adressant à Kimi et à moi.
_ On peut dire ça oui... je balbutie d'abord avant d'ajouter, il se trouve que nous sommes camarades de classe.
Je passe évidemment sur le fait qu'il fut un temps pas si lointain nous avons été un peu plus proches que de simples camarades de classe, et je me garde bien de dire aussi que depuis ce temps-là nous éprouvons une profonde aversion l'un pour l'autre.
_ C'est fou, quelle drôle de coïncidence ! s'écrie Amandine d'un ton enthousiaste.
Drôle, je ne suis pas sûr que ce soit le terme adéquat pour caractériser cette coïncidence car, en ce qui me concerne, elle ne me fait pas rire du tout. Et d'ailleurs Kimi n'est pas franchement réjouie non plus. Déjà que nous tolérer au lycée relevait de l'épreuve de force, le simple fait de songer que nous puissions devenir quasi-frère et quasi-soeur dans un avenir plus ou moins proche me terrifie. Pour ainsi dire, à présent que je sais que Kimi est la fille d'Amandine, l'idée que ce dîner tourne à la catastrophe ne me semble plus aussi improbable.
Mon père, quant à lui, semble s'être défait de toute la tension qui l'assaillait jusque-là.
_ Si nous avions su que nos enfants étaient amis au lycée nous ne nous serions pas autant inquiétés de savoir s'ils allaient bien s'entendre ! lance-t-il à Amandine dans un soupir de soulagement.
J'échange un regard dépité avec Kimi. Dans ses yeux comme dans les miens, la même question : doit-on leur dire maintenant que nous nous détestons ? Quand elle secoue discrètement la tête de gauche à droite, je comprends qu'elle pense comme moi. Non, on ne doit pas le leur dire car cela ne ferait que compromettre davantage un dîner qui est déjà bien mal embarqué. Ni Kimi ni moi ne voulons prendre la responsabilité de gâcher le bonheur de nos parents. Alors nous ferons preuve de bonne intelligence et tâcherons de mettre de côté nos différends le temps de cette soirée. Après tout, comme on prend déjà sur nous pour nous supporter au lycée afin de ne pas contrarier Simon et Stella, on peut bien le faire ici aussi.
En réponse à l'observation de mon père, j'opte finalement pour une version arrangée de la vérité qui me semble être un bon compromis entre la nature réelle de mes rapports avec Kimi et l'amitié que mon père nous prête :
_ Nous ne sommes pas vraiment amis. A vrai dire, nous ne nous connaissons pas beaucoup. C'est à peine s'il nous est arrivé de nous parler au lycée, je feins ainsi en tâchant d'être le plus crédible possible.
Kimi vole à mon secours lorsqu'elle vient corroborer mes dires :
_ Nolan a raison. On ne se connait pas vraiment. Mais je suis sûre que nous saurons nous apprécier après avoir fait plus ample connaissance au cours de cette soirée.
J'imagine ce qu'il lui en coûte de tenir de tels propos. Maintenant que j'y pense, je prends conscience que je l'ai sans doute jugée un peu durement. En particulier quand j'ai vu en elle une manipulatrice, l'accusant de jouer avec les sentiments de Simon alors qu'en réalité c'était pour elle tout sauf un jeu car elle était amoureuse de lui.
Qui sait ? Peut-être que ce dîner sera l'occasion d'apaiser les tensions qui existent entre nous à défaut de nous permettre de nous réconcilier totalement. C'est sur ces pensées optimistes que nous passons à table.
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...