Qu'on se le dise, je ne suis pas franchement un bon danseur. Je m'en sors à peu près quand il s'agit de sauter en agitant les bras au rythme entêtant d'un tube des Daft Punk mais dès qu'il est question de réaliser des pas de danses dignes de ce nom, je suis complètement perdu. Lorsque je me rends sur le dancefloor, ma seule préoccupation devrait donc être de ne pas écraser les pieds de ma cavalière. Pourtant, c'est tout à fait autre chose qui m'encombre l'esprit, en fait c'est le sentiment d'être malhonnête vis-à-vis de Clara qui m'écrase.
Si en septembre dernier on m'avait demandé comment je passerais le bal du lycée, j'aurais répondu « assis sur une chaise à vider des bières sans alcool pour noyer ma solitude ». Or là, je suis entouré de mes amis et je m'apprête à danser avec l'une des plus jolies filles du lycée. Je devrais me réjouir des progrès accomplis dans ma vie sociale au cours de cette année. Mais même si tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des monde, je ne parviens pas à me réjouir et je ne profite pas de ma soirée comme je le devrais.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », disait Lamartine. Plus que jamais ces quelques mots résonnent en moi avec un air de vérité. Je ne peux pas me saisir de ce bonheur qui semble pourtant à portée de main parce-qu'il me manque encore quelque chose pour être pleinement heureux. Ou plus exactement, il me manque quelqu'un pour être pleinement heureux. Kimi. Bientôt une semaine que je ne lui parle plus. Bientôt une semaine qu'elle occupe chacune de mes pensées.
Nous nous entendions si bien. Nous étions si proches. Notre complicité était si belle. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle gâche tout ? Pourquoi s'est-elle sentie obligée de me mépriser alors que moi je croyais que nous nous aimions, peut-être pas d'amour mais au moins d'amitié ? Je souffre d'être sans elle et plus encore de devoir l'ignorer. Quand cette souffrance va-t-elle disparaître ? Quand le chagrin de l'avoir perdue va-t-il cesser son emprise sur moi ? Quand le voile des regrets va-t-il se lever ? Nolan m'a dit qu'il faudrait du temps, que le temps serait un allié pour soigner mon coeur triste. Mais les jours passent et mon coeur n'est pas guéri pour autant. Bien au contraire, il me semble n'avoir jamais été aussi malade d'amour qu'en cet instant, sur cette piste où je danse avec une fille qui, aussi merveilleuse soit-elle, ne pourra jamais me combler car elle n'est pas celle que j'aime.
Je sais que je dois me rendre à l'évidence : Kimi et moi, c'est terminé (enfin si tant est qu'il y ait eu un jour un « Kimi et moi »). Mais il m'est très difficile de me l'avouer. Au fond de moi, et même si Nolan m'a assuré que Kimi ne viendrait pas à ce bal, j'entretiens l'espoir de la voir franchir les portes de la salle des fêtes, de la voir venir jusqu'à moi, de l'entendre me dire que j'ai tort de penser que je ne compte pas pour elle, de l'entendre me confier qu'elle m'aime autant que moi je l'aime. Un espoir fou, un espoir sans doute vain, mais un espoir auquel je refuse de renoncer. Alors, tandis que j'agite les bras bêtement au son des Daft Punk sur cette piste de danse, je ne quitte pas des yeux les portes de la salle des fêtes, guettant l'apparition que j'attends.
Je suis sur le point de me faire une raison quand soudain les portes s'ouvrent. Je distingue une silhouette qui s'avance dans un déluge de couleurs provenant des éclairages de la salle. Je crois d'abord que la réalité me joue des tours. Je pense à ces histoires de marins égarés qui, après des jours et des nuits passés à dériver sur des eaux inconnues, croient voir l'ombre d'un phare fendre la ligne d'horizon alors qu'en fait il n'y a point de phare devant eux, seulement la mer infinie. Je pense à un mirage. Mais les secondes défilent et la silhouette se précise à mesure qu'elle se rapproche. Je dois me pincer pour me convaincre que je ne suis pas en train de rêver. Non, je ne rêve pas. C'est bien elle, elle est venue finalement.
Kimi s'avance jusqu'à moi. Dans sa robe noire à la fois élégante et sensuelle, elle est à l'apogée de sa beauté. Je croise son regard cérulé et soudain c'est comme si nous étions seuls au monde. L'univers tout entier pourrait bien disparaître que je ne le remarquerais pas. Il n'y a plus qu'elle et moi.
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...