Chapitre 14 (Nolan)

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_ Papa, écoute-moi !

_ Non, tu la fermes Nolan ! Il est hors de question que je t'écoute. J'en ai marre d'entendre tes excuses bidons ! Et dire qu'hier encore tu me faisais de grandes phrases pour m'expliquer que tout était arrangé et que tes coups de sang étaient de l'histoire ancienne. Tout ça pour quoi ? Pour me poignarder dans le dos dès le lendemain et trouver le moyen de te faire virer à nouveau !

_ Je ne vais peut-être pas me faire virer... j'objecte sans véritable conviction.

Mon père est en proie à un tel sentiment de colère qu'il manque de faire un écart sur la route. Il met un brusque coup de volant pour nous éviter de finir dans le fossé puis me répond avec véhémence :

_ Alors là tu rêves mon pauvre ! Avec le coquard que tu as fait à ce garçon, bien sûr qu'ils vont te virer ! Tu as entendu ce qu'a dit la proviseure. Elle n'est pas décidée à te faire de cadeau.

_ Ça reste à voir...

_ Arrête un peu de te voiler la face. C'est tout vu, tranche-t-il encore.

_ Pas forcément, je lui expliquerai qu'il m'a provoqué et que je n'ai fait que me défendre...

_ Ah ouai te défendre ! Mais, au fait, qui a mis le premier coup ?

Je baisse la tête de dépit. Me voyant faire, il ajoute :

_ C'est bien ce que je pensais. En tout cas, ne compte pas sur moi pour trouver un autre lycée disposé à t'accueillir. Tu te démerdes, tu m'entends ? Et si tu n'as pas ton bac, il ne faudra pas venir te plaindre quand tu pointeras au chômage et qu'aucun boulot ne te sera proposé faute d'avoir une qualification suffisante. Et même si par miracle tu trouves un boulot, il sera merdique et mal payé. Mais j'aime autant te prévenir, il faudra que tu l'acceptes ce boulot merdique et mal payé parce-que je n'ai aucune intention de t'entretenir, j'ai déjà assez donné !

C'est étonnant de voir mon père dire ça, lui qui n'a pas le bac justement, lui qui s'est construit tout seul, partant de rien jusqu'à devenir un homme d'affaires reconnu et respecté, lui qui est la preuve vivante s'il en fallait une qu'une autre voie vers la réussite est possible, une voie qui sort des sentiers battus de la scolarité conventionnelle.

Je rétorque, espérant dédramatiser la situation bien qu'en réalité je partage ses craintes quant à mon avenir :

_ Je peux peut-être encore avoir le bac et puis, même si je ne l'ai pas, ça ne veut pas dire que je ne peux pas m'en sortir. Toi par exemple...

_ Moi c'était une autre époque, me coupe-t-il aussi net. De nos jours, tout le monde ne jure plus que par les diplômes. Comme si un bout de papier était un gage d'intelligence et de compétence. C'est peut-être ridicule, ça l'est certainement, mais c'est comme ça et on ne peut rien y changer !

Il est furax et je peux le comprendre. Moi-même je le suis d'avoir fait l'erreur de répondre à cet enfoiré de Mickael Joron. Comment est-ce que j'ai pu être aussi con ? Je ne peux m'en prendre qu'à moi. En fait, je suis un bon à rien.

Mon père a raison. Je viens sans doute de jeter ma scolarité à la poubelle. Oh bien sûr, je pourrais continuer les cours par correspondance mais comme je n'ai aucune rigueur qui me permette de travailler seul, je ne donne pas cher de mes chances de réussite au bac. Je pourrais aussi demander à être affecté dans un autre lycée, encore un. Mais à quoi bon si c'est pour m'en faire exclure une fois de plus ? Non, c'est foutu. Tout est foutu. Demain, je vais me retrouver dans le bureau de la proviseure qui va m'annoncer qu'après avoir entendu mon professeur ainsi que les nombreux témoins de la bagarre, elle n'a pas d'autre choix que de m'exclure définitivement. Autant dire que mon aventure au lycée Costa aura tourné court.

Après avoir terminé son sermon, mon père n'a plus dit un mot de tout le trajet et n'a été guère plus bavard une fois que nous sommes arrivés à la maison. A croire qu'il est résigné, qu'il ne sait plus quoi faire de moi. Au fond, comment lui en vouloir ? J'ai merdé de toute façon. Il m'a pourtant prévenu. Il m'a même envoyé voir un psy. Et moi qui lui ai dit ne pas avoir besoin d'aide. Bien sûr que si j'en ai besoin, c'est évident. Mais maintenant c'est trop tard...

Que ressentirait maman si elle était encore là ? De la tristesse sûrement. Oui, une grande tristesse...

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant