Chapitre 104 (Kimi)

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Robert a eu le culot de se pointer ici

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Robert a eu le culot de se pointer ici. Rien que d'y penser, ça me met hors de moi. Mais s'il n'y avait que cela. Non, le pire c'est qu'il a pris à partie Simon et qu'il est même allé jusqu'à nier devant lui être mon père. Il n'a décidément pas de coeur, et la haine que je lui voue s'en trouve plus féroce encore.

Ma mère rentre du travail quelques minutes seulement après le départ de Simon, plus tôt que d'habitude, sur les coups de 19h. A peine a-t-elle pénétré dans la maison que je l'entends me crier :

_ Kimi, on mange !

Je dévale les escaliers et la rejoins dans la salle à manger où elle est en train de dresser la table. Elle accueille mon arrivée d'un sourire et, brandissant un sac en papier kraft, elle s'écrie :

_ Je suis passée chez le traiteur.

Comme si elle avait besoin de le préciser. Ma mère ne cuisine pas, enfin rien d'autre que des plats élémentaires tels que des pâtes, du riz et des omelettes quand elle n'a pas d'autres choix. Mais le plus souvent elle commande, déléguant ainsi cette tâche ingrate à plus dévoué qu'elle.

Elle plonge la main à l'intérieur du sac et tout en sortant les plats préparés qui s'y trouvent, elle me questionne :

_ Magret de canard ou filet de bœuf ?

Peu m'importe car je n'ai vraiment pas faim.

_ Magret de canard, je tranche finalement sans réelle conviction.

Elle me tend donc la boîte contenant le magret de canard, nous prenons place à table, et nous commençons à dîner dans un silence de cathédrale.

S'étonnant de mon mustisme (car d'ordinaire je suis un vrai moulin un paroles), ma mère me pose la même question que Simon quelques minutes avant elle :

_ Ça va ?

Et dans un premier temps, je me fends de la même réponse.

_ Ça va super, pourquoi ça n'irait pas ? je feins ainsi dans l'espoir de couper court à sa curiosité.

J'aime autant ne pas lui parler de la présence de Robert devant chez nous car ce serait donner une importance excessive à un fait qui ne le mérite pas, et aussi car ça ne ferait que l'inquiéter. Sauf qu'elle insiste :

_ Kimi, je suis ta mère, je te connais par coeur et je vois bien que ça ne va pas. Tu vas te décider à me dire ce qu'il y a ou il faut que je te travaille au corps jusqu'à ce que tu me l'avoues ?

Elle ne me lâchera pas tant que je ne lui aurai pas confié ce qui encombre mes pensées alors je vais le lui dire, après tout c'est elle qui l'aura voulu.

_ Tu sais que Simon est venu à la maison tout à l'heure.

_ Oh oui, je me souviens que tu m'en avais beaucoup parlé.

Comme elle me trouve un air gêné, elle ajoute :

_ Vous vous voyez beaucoup en ce moment. Il te plaît, c'est ça ? Tu n'as pas besoin de faire des manières avec moi. Tu peux me le dire si tu aimes bien ce garçon, je ne me lasserai jamais de t'entendre me raconter tes amours. Ça me rappelle ma jeunesse !

Une déduction hasardeuse qui tombe complètement à côté de la plaque. Si je n'avais pas plus grave à penser, je me demanderais sans doute ce qui peut bien l'amener à songer qu'il y a peut-être quelque chose entre Simon et moi. C'est tout de même une drôle d'idée.

_ Il n'y a rien entre Simon et moi. Et ce n'est pas de mes amours que je veux te parler, de toute façon il n'y a pas grand chose à dire à ce sujet en ce moment.

Ma mère me lance un regard interrogateur pour m'inviter à poursuivre.

_ Lorsqu'il est venu à la maison, Simon a surpris papa devant chez nous. Il est allé lui demander ce qu'il fichait ici et papa lui a sorti tout un baratin sans vraiment réussir à justifier sa présence. Et puis, tout d'un coup, il a dit à Simon que je n'étais pas sa fille. Tu te rends compte un peu ? Inventer une bêtise pareille, bon sang mais c'est quoi son problème ? je peste.

En retour, ma mère bafouille quelques mots :

_ Alors là c'est vraiment n'importe quoi.

Comme le ton qu'elle emploie me semble un peu étrange, je lève les yeux de mon assiette pour les poser sur elle et là je lui trouve un visage livide. Alors je comprends que la situation n'est peut-être pas aussi claire que je l'imaginais et je suis prise d'un vertige quand un terrible pressentiment s'impose à moi. Et si ce qu'avait dit Robert n'était pas n'importe quoi, et si la réponse mal assurée de ma mère n'était qu'une réaction feinte. Je n'ose y croire, ce serait absurde. Je dois sûrement me tromper. Évidemment que je me trompe, comment puis-je ne serait-ce qu'imaginer une telle hypothèse ? Ma mère ne me mentirait jamais sur quelque chose d'aussi important que l'identité de mon père, elle ne ferait jamais ça ! Je me sens coupable de douter d'elle de la sorte mais je ne peux m'empêcher de le faire. J'ai besoin d'en avoir le coeur net.

_ Tu en es sûre ? je la questionne ainsi.

_ Sûre de quoi ? relève-t-elle à brûle-pourpoint.

_ Que c'est n'importe quoi.

_ Mais oui, bien entendu, réplique-t-elle en tâchant d'avoir l'air convaincante.

Mais elle ne me convainc pas. Je devine dans ses yeux cette vérité tant redoutée. A présent, j'en ai la certitude, l'allégation de Robert est juste. Je ne suis pas sa fille.

Le couperet tombe, et c'est tout mon monde qui s'effondre. Ma mère m'a menti sur l'identité de mon propre père.

_ Comment as-tu pu me faire ça ? je lâche d'une voix nouée tandis que j'en prends seulement consience.

Je n'ai pas besoin d'en dire plus pour que ma mère sache ce à quoi je fais allusion. Elle sait que j'ai compris, mais elle s'entête à dénier.

_ Écoute Kimi, ce n'est pas ce que tu crois, me dit-elle dans l'espoir de pouvoir encore rattraper le coup.

Sauf qu'il n'y a plus rien à rattraper.

_ Tais-toi, je réplique sèchement en la fusillant du regard. Ne dis plus un mot. Je ne veux plus t'écouter me mentir, plus jamais !

Elle se confond en excuses et se lance dans d'indécents discours pour tenter de m'expliquer que je suis en train de me fourvoyer. Qu'elle parle toujours, je ne l'entends plus. Je refuse de l'entendre défendre l'indéfendable, justifier l'injustifiable, et réparer l'irréparable. Elle m'a caché la vérité sur la personne de mon père, il n'est pas de plus grande trahison que celle-ci.

Les questions surgissent dans mon esprit délabré à un rythme effréné mais je n'ai pas la force de les poser à ma mère. A cet instant, je n'ai qu'une obsession. Quitter cette maison et mettre le plus de distance entre elle et moi. Je m'y attelle aussitôt. Ignorant ses plaintes, je tourne les talons et j'accours en direction de ma chambre. J'attrape un sac de sport que je remplis de quelques affaires puis je dévale les escaliers et me rue vers la porte d'entrée de la maison. Je déboule sur l'allée qui traverse le jardin et presse le pas pour éviter le retour de ma mère qui s'est lancée à ma poursuite et me supplie de mettre fin à ma course folle. Je n'en fais rien.

Quand je parviens dans la rue adjacente, je l'entends qui me crie encore d'un ton désespéré :

_ Kimi, attends ! Tu vas où ?

Où je vais ? Moi-même je n'en sais rien, en fait je ne sais plus rien. Je suis complètement perdue, livrées à un flot ininterrompu d'émotions qui me dépassent, totalement dévastée.

La suite dès mardi ! ;)

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant