Simon m'invite à le suivre à l'étage et tandis que nous pénétrons à l'intérieur de la chambre d'amis, il me dit, en s'excusant presque :
_ Bon, ce n'est pas le grand luxe. Mes parents n'ont pas l'habitude de recevoir du monde à dormir, c'est pourquoi cette chambre ressemble plus à un débarras qu'à une chambre. En fait, je n'ai pas mis les pieds ici depuis des lustres et je ne me rappelais pas qu'elle était dans cet état...
Quand il parle d'un débarras, il n'exagère pas. De part et d'autre de la chambre, trônent d'imposantes étagères qui débordent d'objets en tout genre dont certains semblent se trouver là depuis des années à en juger par l'épaisse couche de poussière qui les recouvre. Un lit simple est disposé au fond de la pièce, près de la fenêtre, sur lequel est entreposé un vieil ordinateur.
_ Ça ira pour cette nuit, ne t'en fais pas, je le rassure dans un sourire.
Il contemple encore un instant la pièce avec un air désabusé et finit par objecter :
_ Non, ça n'ira pas. Il est hors de question que tu dormes ici.
Je suis sur le point de renchérir en lui disant que cette chambre me conviendra à merveille peu m'important qu'elle soit en désordre (il est déjà tellement gentil de m'accueillir chez lui que je ne vais pas me mettre à jouer les difficiles, il ne manquerait plus que ça !) mais il me devance :
_ Tu es mon invitée et je tiens à te recevoir comme il se doit. Je vais te prêter ma chambre pour la nuit. Ce sera plus confortable que cet endroit aux faux airs de cagibi.
_ Non, attends, tu ne vas quand même pas me laisser ta chambre, je proteste aussitôt, très embarrassée.
Il reste inflexible et ajoute, tranchant ainsi le débat :
_ Si, c'est ce que je vais faire. Ma chambre ne vaut pas les suites du Bristol mais tu y seras toujours mieux qu'ici.
Il referme la porte de cette chambre d'amis trop mal rangée pour remplir sa fonction et me ramène au rez-de-chaussée de la maison. Nous traversons le séjour et suivons un étroit couloir qui nous mène jusqu'à la porte de sa chambre.
La chambre de Simon est semblable à l'image que je me fais de lui ; simple et ordonnée. Pas de poster à l'effigie de joueurs de ballon, de rappeurs à gros biceps, ou de mannequins dénudées. Pas davantage de console de jeu ni de télévision, mais partout des livres. De JK Rowling à Jean d'Ormesson, en passant par Spinoza, Jules Verne, Victor Hugo, Marc Levy, ou encore Agatha Christie... Il y en a pour tous les goûts. Je crois que j'aime cette chambre dépourvue d'artifices, sobre, sincère ; je l'aime comme j'aime son occupant, un ami qui m'est très précieux et qui occupe un place à part dans mon coeur.
Quand Simon a terminé de me faire faire le tour du propriétaire (un tour rapide au demeurant car sa chambre ne fait que quelques mètres carrés) et de me mettre en garde contre les grincements du sommier et les grognements intempestifs du radiateur, il se dirige vers la porte et me lance dans un sourire une fois parvenu sur le seuil :
_ Bon et bien je t'ai tout dit. Il ne me reste plus qu'à te souhaiter une bonne nuit. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je ne suis pas loin.
_ Pas loin où ? je lui demande.
_ Pas loin dans le cagibi, précise-t-il d'un air amusé en retour. Au moins là-bas il y a un lit, le canapé du salon ne me dit rien qui vaille et mes parents m'interdisent l'accès à leur chambre qui de toute façon est fermée à clé en leur absence.
Puis il quitte la pièce, me laissant seule avec une certaine culpabilité. D'abord je débarque en pleine nuit chez lui et ensuite je lui pique sa chambre, l'obligeant à dormir dans un placard à balais avec pour seule compagnie un Macintosh hors service qui date du siècle dernier ; de quoi me donner la pénible impression que j'abuse de sa gentillesse. Ce n'est évidemment pas mon intention. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'avoir cette impression. Je n'aime pas devoir me reposer sur les autres. Je préfère me dire que je n'ai besoin de personne. Ce n'est que pure illusion, je le sais, personne ne peut se passer complètement du soutien des autres. « L'être humain est un animal social » disait Aristote, qu'il le veuille ou non il dépend de ses semblables. Mais me dire que je suis seul maître de ma vie et de mes choix me rassure. C'est un moyen de me protéger. Si je ne m'en remets qu'à moi-même, je ne risque plus d'être trahie par quelqu'un à qui je me serais fiée à tort. Derrière tout ça, il y a bien entendu mon père, enfin je devrais plutôt l'appeler Robert car il semble qu'il ne soit même pas mon père. C'est à cause de lui si j'ai tant de mal à accorder ma confiance, c'est à cause de lui et aussi de tous les garçons avec lesquels je suis sortie et qui, chaque fois, ont fini par me décevoir. En fin de compte, Stella a peut-être raison, je choisis mal mes petits-amis.
Il n'y a pas que la culpabilité d'avoir chassé Simon de sa chambre qui me ronge. Ce qui m'empêche surtout de trouver le sommeil, c'est encore et toujours ma conversation avec ma mère. Quand je ferme les yeux, je revois systématiquement le malaise qui envahit son visage au moment où je lui rapporte les propos de Robert selon lesquels je ne serais pas sa fille. Et plus je me refais la scène, plus je suis convaincue qu'il dit vrai et que c'est ma mère qui m'a menti durant toutes ces années. Cette conviction me déchire le coeur et me noue la gorge. Les larmes me viennent, et alors je pleure encore et encore.
La suite dès jeudi ! ;)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...