Chapitre 7 (Nolan)

4.8K 289 46
                                    

Midi, enfin. J'ai bien cru que cette réunion assommante ne se terminerait jamais. Monsieur Pindru a été fidèle à la première impression qu'il m'a faite. C'est bel et bien un empoté doué d'un timbre de voix assourdissant, et l'écouter parler a été le supplice attendu.

Ravi d'avoir survécu, je ne perds pas une minute pour fuir la salle (et surtout Simon dont je crains qu'il ne me lache plus) et filer au réfectoire. En faisant vite, j'espère arriver avant que ce ne soit la cohue mais c'est raté. Le self est déjà bondé et je me retrouve bloqué dans une queue interminable. Je fulmine, j'en ai pour des plombes avant d'être servi et, d'ici à ce que je sois à table, je serai mort de faim.

Je prends pourtant mon mal en patience. Ai-je un autre choix de toute façon ? Mais cette situation déjà pénible le devient encore plus quand je sens une main qui se pose sur mon épaule.

_ Hé ! Tu as filé si rapidement tout à l'heure que je ne t'ai même pas vu faire. Je comprends, tu voulais arriver avant que ça ne bouchonne. Dans ce cas, laisse-moi te dire que c'est peine perdue. Faire la queue au self est un passage obligé ici et il est inutile d'essayer d'y échapper. Cela dit, dans notre malheur de devoir patienter un bon quart d'heure avant de pouvoir manger, on a eu la chance de se recroiser. On va même pouvoir déjeuner ensemble ! me dit une voix enthousiaste.

Je fais volte-face et découvre Simon qui aussitôt me sourit bêtement. Ce gars est une plaie. Pourquoi a-t-il fallu que je l'autorise à s'asseoir à côté de moi ? Maintenant, je vais devoir me le coltiner toute la journée. Ou pire, toute l'année. J'ai beau m'en sentir terriblement agacé, je m'efforce de faire preuve de diplomatie avec lui :

_ Simon, ce que j'ai essayé de te faire comprendre tout à l'heure mais que tu n'as visiblement pas compris, c'est que je suis plutôt du genre solitaire, tu vois ?

_ Oh oui je vois... Ce que tu essayes de me dire, c'est que tu veux déjeuner seul ?

_ Voilà, c'est exactement ça.

_ Bien... Comme tu préfères, me dit-il d'un air déçu.

Après quoi, il ne m'a plus dit un seul mot de tout le temps qu'a duré l'attente au self. Il faut croire que je l'ai vexé en l'envoyant balader. Tant mieux, il va peut-être enfin cesser de me coller aux basques comme ça.

Quand mon tour vient, j'attrape un plateau et me sert. Au menu, une salade en entrée (qui va inévitablement finir à la poubelle parce-que j'ai horreur des légumes), un steak frites en plat de résistance et du flan en dessert. Rien de très original donc mais, qu'importe, du moment que ça n'est pas trop mauvais, ça me convient.

Je déambule l'espace de quelques mètres dans la salle de restauration pour finalement aller prendre place, seul, à une table près de la fenêtre. Là, je m'empresse d'entamer mon repas car je suis littéralement affamé. Entre deux bouchées, je guette les alentours. Les autres tables sont garnis d'élèves qui discutent avec enthousiasme, ou plutôt qui crient car il y a tellement de monde qu'il est terriblement difficile de s'entendre.

Parmi eux, je remarque une fille dont le visage ne m'est pas inconnu. Et pour cause. Elle est dans ma classe et j'ai passé une bonne partie de ma matinée les yeux rivés sur elle. Il faut dire qu'elle ne passe pas inaperçue. Bien au contraire, elle est plutôt du genre tape-à-l'oeil tant par sa tenue vestimentaire excentrique, une sorte de combinaison jaune très flashy, que par son physique qui a tout pour plaire, une longue crinière blonde, des yeux bleus lagons maquillés avec soin, une taille mannequin, et des lèvres rouge feu. En fait, on la croirait tout droit sortie d'un film hollywoodien. D'ailleurs, il semble que ce soit précisément l'image qu'elle cherche à renvoyer.

Son téléphone scotché à sa main, elle n'a de cesse de prendre des selfies et de filmer tout ce qu'elle fait. En l'occurrence, elle est en train de faire de son steak frites la star de l'une de ses vidéos. Elle me fait penser à ces influenceuses qui mettent en scène toute leur vie sur Youtube. D'ailleurs, c'est peut-être ce qu'elle est, ou tout du moins ce qu'elle veut devenir. Quoi qu'il en soit, elle voue de toute évidence un véritable culte à sa personne.

Soudain, alors que je ne m'y attends pas, elle jette une oeil dans ma direction et me surprend en train de l'observer. Je détourne le regard aussitôt. En vain, elle m'a pris sur le fait. Je guette sa réaction quelques secondes mais elle n'en a aucune, à ceci près que je la vois esquisser un bref sourire avant de retourner à son écran de téléphone.

C'est seulement alors que je termine mon steak frites et que je m'apprête à attaquer mon flan que je remarque la présence de Simon, à quelques tables de la mienne, seul lui aussi. Enfin, seul, plus pour longtemps car voilà que les trois emmerdeurs font leur apparition dans le réfectoire et vont aussitôt prendre place à ses côtés. A quoi jouent-ils ? Je me le demande.

L'un des emmerdeurs commence à faire la conversation à Simon qui se tient raide sur sa chaise, comme terrifié, quand ses deux amis se servent dans son assiette sans se gêner le moins du monde. Le pauvre ne dit rien et les laisse faire. Puis, après quelques instants, ils se lèvent et repartent comme ils sont venus.

Les salopards, ils ne se contentent pas d'emmerder Simon de temps en temps, ils le harcèlent. Les voir faire m'a révolté et j'ai dû lutter contre nature pour me retenir d'intervenir. Mais je pense avoir été sage pour une fois car je ne dois pas m'attirer d'ennuis, sous aucun prétexte.

Je quitte le self-service un peu tendu et le programme de l'après-midi n'est pas pour arranger les choses. Deux heures de mathématiques, ce que je déteste le plus au monde, et deux heures de chimie, ce que je déteste le plus au monde après les mathématiques. C'est bien ce que je disais, la rentrée c'est chiant.

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant