Lorsqu'ils découvrent la présence de Kimi à mes côtes, mes parents tombent littéralement des nues. Ma mère nous fixe avec le même air ébahi que si elle se trouvait face à l'une des Sept Merveilles du monde. Quant à mon père, il est tellement surpris qu'il se tient au garde à vous comme il le faisait jadis lorsqu'il recevait la visite d'un haut gradé du corps des armées (mon père a fait une carrière de militaire, il en a gardé une autorité naturelle que j'admire mais aussi une intransigeance que je lui reproche régulièrement).
_ Comment se fait-il que vous soyez déjà rentrés ? je les questionne à brûle-pourpoint, espérant que leur retour précipité n'est pas dû à une énième dispute (cela dit, à première vue, ils n'ont pas l'air d'être fâchés l'un contre l'autre).
_ Il y a eu un problème avec notre réservation. On nous a loué une chambre qui n'était pas libre, tu te rends compte ? C'est quand même ridicule. L'hôtel nous a trouvé une autre chambre dans laquelle nous avons pu loger sans frais durant la nuit à condition que l'on plie bagage dès le lendemain. J'ai évidemment rouspété par rapport à cette situation ubuesque et finalement, le directeur nous a carrément offert une semaine d'hébergement gratuite cet été. Pour consentir à un tel geste commercial, il devait vraiment vouloir se débarrasser de nous ! m'explique ma mère.
Pour une fois que mes parents font quelque chose ensemble, il a fallu que le sort s'en mêle et qu'il fasse tout tomber à l'eau...
Je n'ai pas le temps de réagir que ma mère me lance dans la foulée, toute son attention étant focalisée sur Kimi qu'elle ne quitte pas des yeux :
_ Assez parlé de la tournure catastrophique prise par notre voyage. Présente-nous plutôt ton amie !
_ Maman, papa, voici Kimi. Elle se faisait beaucoup de souci pour le devoir de mathématiques de la semaine prochaine alors je lui ai proposé de venir réviser à la maison ce matin. J'espère que ça ne vous dérange pas ?
_ Évidemment que ça ne nous dérange pas, ce que tu es bête de penser une chose pareille ! Hein Fred que ça ne nous dérange pas ? s'écrie ma mère d'un air réjoui.
Mon père, qui n'est pas du genre très loquace, se contente d'un hochement de tête en signe d'approbation. Après quoi, ma mère, dont l'enthousiasme semble grandir à chaque seconde qui passe, s'approche de Kimi et lui offre une poignée de main afin de parachever les présentations (ma mère a une tendance naturelle à l'exagération et l'on peut déjà s'estimer heureux qu'elle ne soit pas allée jusqu'à gratifier Kimi d'une révérence). Depuis le temps qu'elle désespère de me voir sortir avec une fille, le fait de trouver Kimi dans ma chambre lui apparaît sans doute comme un cadeau tombé du ciel.
_ Echantée Madame, lui répond Kimi tandis qu'elle lui rend sa poignée de main, un peu surprise par tant de manières.
_ Oh je vous en prie, appellez-moi Marta, lui dit-elle ensuite pour la mettre à l'aise.
_ Très bien... Marta.
Puis Kimi ajoute une politesse, cette fois à l'attention de mon père qui lui n'a pas bougé d'un iota et se tient toujours aussi raide dans l'encadrement de la porte. Et enchantée également Monsieur.
_ Le plaisir est partagé, lui réplique sobrement mon père.
Ma mère reprend aussitôt la main sur la conversation et lance à Kimi :
_ Il est presque midi. Vous resterez bien manger avec nous ?
Cette invitation, en apparence tout à fait innocente, ne doit en fait rien au hasard. Ma mère a une idée derrière la tête. Elle brûle sûrement d'envie d'en apprendre plus sur cette fille avec qui je m'entends suffisamment bien pour qu'elle vienne réviser un matin à la maison. Or un repas est un parfait prétexte pour se livrer à un interrogatoire. Et moi je ne tiens pas à ce que Kimi se retrouve sous le feu de ses questions. Non vraiment, j'aime autant lui épargner ça, surtout après la soirée d'enfer qu'elle a vécue hier. Elle a assez de problèmes avec sa propre famille pour ne pas avoir en plus à supporter la mienne ce midi.
_ Kimi a sans doute mieux à faire, je plaide pour tenter de couper court à son initiative.
Ma mère ignore ma remarque et sonde du regard l'intéressée.
Kimi marque d'abord de longues secondes d'hésitation au cours desquelles je la fixe en secouant ostensiblement la tête de droite à gauche pour l'inciter à refuser l'offre de ma mère. Je ne suis pas inquiet car je songe qu'elle n'a sûrement aucune envie de manger avec nous.
_ Ce sera avec plaisir Marta ! s'écrie-t-elle pourtant en retour.
Sa réponse me laisse pantois. Mon regard croise celui de mon père qui semble tout aussi peu ravi que moi à l'idée que Kimi mange avec nous ce midi. Les raisons de notre manque d'engouement diffèrent : je ne veux pas que mon amie fasse les frais de la curiosité pathologique de ma mère quand mon père, lui, craint plutôt de ne pas savoir quelle attitude adopter avec la première fille que je lui ramène à la maison en 17 ans. En fait, plus je le regarde et plus son appréhension me saute aux yeux. Je peux la comprendre, moi-même j'ai été tellement impressionné la première fois que j'ai rencontré Kimi que je suis resté sans voix. Et dire que maintenant je lui parle tous les jours, qu'elle vient de passer la nuit chez moi et qu'elle s'apprête à déjeuner avec ma famille. C'est assez surréaliste quand on y pense !
_ Alors c'est arrangé. Vous n'avez qu'à nous rejoindre à la salle à manger dans un petit quart d'heure, s'écrie ma mère d'un ton joyeux avant de quitter la pièce suivie aussitôt de mon père.
Quand nous nous retrouvons seuls, Kimi me dit :
_ J'ai accepté de déjeuner avec ta famille mais je n'aurais peut-être pas dû.
_ Tu regrettes ? Tu peux encore changer d'avis, tu sais ? Ma mère ne le prendra pas mal.
_ Je ne regrette pas. En fait, j'ai très envie de déjeuner avec vous. Ça me donne une bonne excuse pour repousser le moment où je vais devoir rentrer chez moi et affronter ma mère.
_ Je comprends... Mais alors pourquoi dis-tu que tu n'aurais pas dû ?
_ Parce-que je ne voudrais pas m'imposer, me confie-t-elle en retour.
L'air gêné qu'elle a employé me fait penser qu'il ne s'agit là que d'un faux prétexte. Alors je la relance :
_ La vraie raison ?
Elle hésite un bref instant et finit par m'avouer :
_ J'ai l'impression que ça ne te fait pas très plaisir que je reste manger.
Mince, je suis censé répondre quoi à ça moi ?
_ Tu te trompes. Je suis très heureux que tu te joignes à nous pour le repas de midi, je lui assure.
_ Alors c'est quoi le problème ? Je vois bien que quelque chose te gêne.
_ Le problème c'est que ma mère va te poser des tonnes de questions, et pas des questions d'ordre général, ce sera des questions totalement privées et complètement déplacées ! je la mets en garde.
Je guette sa réaction avec inquiétude quand soudain elle éclate de rire et me dit :
_ Ce n'est que ça ? Ne t'en fais pas, j'en ai vu d'autres. Je devrais pouvoir survivre aux questions de ta mère, aussi privées et déplacées soient-elles !
Elle a l'air bien sûre d'elle. Ça se voit qu'elle ne connait pas ma mère.
La suite dès jeudi ! ;)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...