Juste un mec bien

Chapitre 121 (Simon)

Des mois d'attente pour obtenir une consultation chez ce docteur et tout ce qu'il trouve à me conseiller quand je lui parle de mes otites chroniques c'est de mettre des gouttes dans mes oreilles. Si c'est pour m'entendre dire ça, j'aurais pu me contenter de passer en revue les sites médicaux. J'aurais ainsi économisé du temps et de l'argent, et surtout je n'aurais pas eu à manquer le cours de chimie. Cela dit, ce rendez-vous médical parfaitement inutile a tout de même eu un avantage : il m'a évité de croiser Kimi ce matin.

J'ai pris sur moi durant tout le week-end pour me retenir de répondre à ses messages et à ses appels, mais je crains de ne plus être capable de l'ignorer si je me retrouve face à elle. Malgré tous mes efforts pour l'oublier, je n'arrive pas à la chasser de mes pensées. Quand l'amour est là, il est difficile de faire comme s'il n'existait pas.

Mon prochain cours ne commençant qu'en début d'après-midi, je consacre la fin de la matinée à potasser mes manuels de chimie. A défaut d'avoir pu aller en classe, j'aurai fait les mêmes exercices que ceux qui ont été réalisés par mes camarades ce matin. Ainsi, je ne prendrai pas de retard sur le programme et je ne risquerai pas de décrocher.

Je suis arraché à mon travail quand l'on toque à la porte d'entrée. Je me demande qui ça peut bien être. Pas mes parents, ils travaillent et ne rentreront que tard ce soir. En revanche, c'est peut-être Nolan qui m'apporte les cours. Il n'aura pas perdu de temps, je lui avais pourtant dit que je les récupérerais cet après-midi quand je serais de retour au lycée.

Je quitte ma chambre et je traverse le couloir qui mène dans le hall d'entrée. J'ouvre la porte et là je me fige de stupeur en découvrant Kimi sur le seuil. Tandis qu'elle me fixe d'un air empreint d'un mélange de tendresse et de gêne, je songe que la promesse que je me suis fait de l'éviter vient de tomber à l'eau. Finalement, le fait de ne pas répondre à ses messages et à ses appels n'était pas la meilleure des attitudes à adopter car il était évident que mon silence l'inquiéterait et qu'elle finirait par se pointer ici. Quoiqu'en fait non, ce n'était pas évident. Les propos qu'elle a tenus sur moi dans le hall vendredi me prêtent à penser qu'elle s'en fiche de moi. Partant de là, mon mutisme devrait la laisser indifférente et certainement pas justifier qu'elle vienne sonner à ma porte. Mais alors, pourquoi est-elle ici ? Pour se donner bonne conscience, je ne vois que cette explication. A moins qu'elle compte m'utiliser encore un peu dans je ne sais quel but. Avec ce que je l'ai entendue dire sur moi à Stella, je ne peux pas exclure qu'elle me manipule. Par conséquent, la vigilance s'impose.

_ Bonjour Simon, commence-t-elle par me dire timidement.

_ Salut, je réponds à mon tour, de manière laconique.

Le malaise qui règne entre nous est palpable. Je n'ai pas ressenti une pareille tension avec Kimi depuis l'épisode de la colline du château. Il faut dire que ces derniers temps, nos rapports avaient bien changé. Une belle complicité était née et nous nous entendions à merveille. C'était avant que je la surprenne en train de me dénigrer devant sa meilleure amie.

_ Qu'est-ce que tu fais là ? je lui demande d'un ton sec qui, en ce qu'il tranche avec ma douceur habituelle, la déstabilise.

_ Et bien comme tu es resté injoignable tout le week-end et que tu étais absent ce matin, je me suis inquiétée pour toi et je me suis dit que j'allais venir te voir pour prendre de tes nouvelles.

_ Alors comme ça tu t'inquiètes pour moi ? je relève, toujours aussi froidement.

_ Évidemment. Tu es mon ami et tu comptes pour moi. Alors il est normal que je m'inquiète pour toi quand tu ne donnes plus signe de vie pendant plusieurs jours.

_ Le problème justement, c'est que je ne suis plus trop sûr que nous soyons amis. Les amis ne se plantent pas de couteau dans le dos. Ils sont honnêtes l'un envers l'autre. Or tu n'es pas honnête avec moi Kimi.

Elle croise les doigts sur son ventre, baisse les yeux sur le sol un instant avant de les reposer sur moi, et prend une longue inspiration pour tenter d'apaiser une nervosité que je devine importante. Enfin, elle bredouille :

_ Je sais que tu m'en veux Simon. Nolan m'a tout expliqué.

_ Comment ça Nolan t'a tout expliqué ? Qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ?

_ Quand j'ai vu que tu n'étais pas là ce matin, je suis allée lui demander s'il savait pourquoi et il m'a répondu que tu étais chez le médecin. Après quoi, je lui ai expliqué que tu ne répondais plus à mes messages ni à mes appels et alors il m'a raconté que tu avais surpris ma discussion avec Stella dans le hall vendredi et que c'était pour ça que tu m'ignorais. Ah oui et il m'a aussi dit de te laisser tranquille. Mais comme tu le vois, je ne l'ai pas écouté, déjà parce-que je n'ai pas d'ordre à recevoir de lui et aussi et surtout parce-que je n'ai aucune envie de te laisser tranquille. Notre relation compte trop à mes yeux pour que je me résigne à tirer un trait dessus.

Elle est sûrement en train d'essayer de m'attendrir. Je ne dois pas me faire avoir. Je vais la mettre face à ses contradictions.

_ C'est drôle parce-que quand je t'entendais parler de moi l'autre jour, je n'ai pas eu l'impression que notre relation comptait pour toi.

_ Ce que tu as entendu n'était pas la vérité. Je ne pensais pas un mot de ceux que j'ai prononcés ce jour-là. Il faut que tu me crois.

Je secoue la tête de dépit et je lui dis dans un soupir :

_ J'aimerais te croire mais je n'y arrive pas, je suis désolé. Et maintenant, tu devrais y aller, tu aurais l'air de quoi si quelqu'un du lycée passait par là et te voyait devant chez moi.

_ Je sais ce que tu te dis, que j'ai honte de toi. Mais tu te trompes complètement. Je ne voulais pas que Stella se mêle de notre relation alors j'ai fait comme s'il n'y avait rien entre nous. C'est que j'ai tendance à m'emballer avec les garçons d'habitude et je ne veux pas reproduire la même erreur cette fois-ci. Mais je ne me cherche pas d'excuses, je sais que je n'aurais pas dû dire tout ça. C'était idiot et je suis désolée que tu aies assisté à cette conversation. Te blesser était vraiment la dernière chose que je souhaitais faire. Simon, je n'ai pas honte de toi, je te le jure !

Son discours est décidément bien rodé. Je m'en laisserais presque abuser, mais je sais à qui j'ai affaire maintenant.

_ Là encore, j'aimerais te croire mais les faits sont là pour te contredire. Il n'y a pas eu que cette conversation avec Stella. Il y a aussi eu la colline du château. Et puis, quand mes parents étaient sur le point de faire irruption dans ma chambre l'autre matin, tu m'as dit que ce serait la honte s'ils nous surprenaient ensemble. « Honte » Kimi, c'est précisément le mot que tu as employé. Sur le moment je n'y ai pas fait attention plus que ça mais je sais désormais que c'était un révélateur de ce que tu penses réellement de moi.

Je laisse filer quelques secondes de silence avant d'ajouter en guise de conclusion :

_ Je pense que nous ferions mieux de nous en tenir là. J'ai assez souffert de t'aimer comme ça. Il est temps que je passe à autre chose. Tu ne veux pas faire ce que Nolan t'a demandé alors cette fois c'est moi qui te le demande : laisse-moi tranquille, s'il te plaît.

Je la vois qui brûle d'envie de me confier quelque chose mais je ne lui en laisse pas l'occasion et referme la porte. Je m'assieds à même le sol dans le hall d'entrée et je reste là, immobile, à ruminer mon chagrin durant de longues minutes. Faire le deuil de ma relation avec Kimi me semble insurmontable tant mon attachement pour elle est encore fort. Il va pourtant bien falloir car je viens de lui demander de sortir de ma vie.

La suite dès samedi ;)