Lorsque Nolan rentre enfin, il est près de 20h. Je me demande ce qu'il peut bien fabriquer pendant des heures tous les soirs après les cours.
_ Tu sais bien. Je te l'ai dit, je suis allé courir, me répond-t-il après que je l'aie questionné à ce sujet.
A l'écouter, il s'adonne au jogging tous les soirs en ce moment. Mon fils a toujours été sportif mais je ne l'avais encore jamais vu aussi assidu dans la pratique d'une activité physique. Je me demande s'il ne me cache pas quelque chose. En fait, je crains qu'il consacre ses soirées à autre chose qu'à ces prétendues séances de course à pied, comme à faire de mauvaises choses avec de mauvaises personnes par exemple.
_ Alors comme ça tu cours, tu es sûr que c'est bien ce que tu fais le soir ? j'insiste dans l'espoir de le percer à jour.
Nolan ayant horreur que je mette en doute sa parole (pourtant l'expérience m'a donné bien des raisons de le faire), il me réplique aussitôt d'un air indigné :
_ Oui puisque je te le dis ! Tu ne me crois pas, c'est ça ?
_ Ce n'est pas que je ne te crois pas. C'est que je me demande où tu puises toute cette motivation.
_ J'ai décidé de me reprendre en main, ce qui passe notamment par une pratique intensive du sport, m'assure-t-il. Tu voulais que je me contrôle, et bien la course m'aide à le faire.
Il est vrai que depuis son coup d'éclat à la rentrée, lorsqu'il a frôlé l'exclusion après s'être battu avec l'un de ses camarades, il n'a plus fait de vagues. Il se comporte même étonnamment bien. Mais je n'oublie pas que j'avais déjà cette impression à la fin de l'été et que ça n'était finalement qu'une illusion.
Voyant que j'ai l'air perplexe, il se décide à me faire une confidence qui m'éclaire sur le pourquoi de cette discipline d'athlète qu'il s'impose et me rassure quelque peu :
_ Si tu veux tout savoir, je ne cours pas tout seul. Je le fais avec une fille.
_ Une fille, je relève avant d'ajouter avec enthousiasme, tout s'explique !
_ C'est juste une amie, précise Nolan de crainte que je ne m'emballe.
_ Oh oui bien sûr ! je m'écrie.
_ Juste une amie, renchérit-il comme il devine au ton ironique que j'emploie que je sous-entends qu'elle est plus que ça.
Il a beau dire, je ne suis pas dupe. D'aussi loin que je m'en souvienne, Nolan ne m'a jamais parlé des filles qu'ils fréquentaient. Même lorsqu'il m'arrivait de le surprendre en bonne compagnie à la sortie du lycée et que je lui proposais d'inviter à la maison celle que je pensais être sa copine, il refusait catégoriquement, m'assurant qu'il ne faisait que flirter et qu'il n'avait aucune intention de s'investir dans une relation sérieuse avec quelqu'un. Ce qui est drôle, c'est qu'à son âge je disais exactement la même chose. C'était avant que je rencontre sa mère.
Tout ça pour dire que si Nolan me parle de cette amie, c'est qu'elle doit avoir quelque chose de spécial à ses yeux.
Succombant à la curiosité, je le questionne ensuite :
_ Et elle a un nom ton amie ?
Il marque un instant d'hésitation puis se décide finalement à me confier :
_ Elle s'appelle Stella.
_ Stella, c'est un très joli prénom. Un très joli prénom pour une très jolie fille je suppose, je lui lance dans l'espoir qu'il m'en dise plus.
_ Elle est très belle oui, concède-t-il finalement dans un sourire. Mais c'est juste...
_ Juste une amie. J'avais compris, je le coupe d'un air amusé.
_ Bon, et si on dînait ? Je meurs de faim, propose Nolan, désireux de clore cette conversation qui le met un peu mal à l'aise.
_ Très bonne idée. J'ai préparé un gratin de pommes de terre, tu m'en diras des nouvelles !
Nous dînons et, à la fin du repas, tandis que Nolan m'aide à débarrasser la table, je lui lance :
_ Ça te dit qu'on se fasse une petite soirée série ce soir ? La nouvelle saison de Peaky Blinders vient de sortir, on pourrait la regarder ensemble, qu'est-ce que tu en penses ?
_Non pas ce soir. Il faut que je révise, me répond Nolan tout à fait sérieusement.
Il finit d'essuyer un verre et prend la direction de sa chambre à l'étage. Après avoir gravi quelques marches d'escalier, il s'arrête et me dit :
_ J'ai des devoirs très importants la semaine prochaine. Mais promis, on se fera une soirée série rien que tous les deux quand le trimestre sera fini.
Puis il disparait, me laissant pantois dans la cuisine.
« Il faut que je révise », cette phrase me parait si surréaliste sortie de la bouche de mon fils que je peine à croire qu'il l'ait vraiment prononcée. S'il y a bien une chose que Nolan déteste faire et qu'il ne fait donc jamais, c'est réviser. D'ailleurs je ne crois pas qu'il soit véritablement allé travailler dans sa chambre. A tous les coups, il est en train de jouer à la console ou de textoter avec son « amie » Stella.
Je passe ma soirée seul devant la télévision et il est près de minuit quand je vais enfin me coucher. En arpentant le couloir qui mène à ma chambre je vois de la lumière provenant de celle de Nolan. Je me dirige vers la porte. Je l'ouvre avec précaution et là je trouve mon fils assoupi à son bureau, la tête dans son manuel d'histoire-géographie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il a bel et bien passé la soirée à réviser. Je suis stupéfait mais aussi très heureux de pouvoir me dire qu'il a enfin décidé de s'investir dans ses études.
Je m'approche délicatement de lui pour éteindre sa lampe de bureau et lui mettre sur le dos une couverture. Puis je quitte la chambre d'un pas de velours pour ne pas le réveiller.
La suite dès mardi ! ;)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...