Sur les coups de midi, à la sortie des cours, je profite d'apercevoir Stella pour l'interpeller :
_ Stella !
Elle s'immobilise et se retourne pour me faire face. Visiblement d'humeur chambreuse, elle me lance :
_ Tu sais que quand je t'ai entendu m'appeler j'ai voulu m'enfuir en courant mais mon pied n'est pas encore assez remis alors je me suis résignée !
_ Très drôle...
_ Ça va, je rigole ! Je suis très contente de te voir ! lâche-t-elle ensuite comme elle semble croire que je suis un peu vexé.
_ Tu es contente de me voir ? je relève aussitôt dans un sourire.
_ Oui enfin, je suis contente de te voir comme je le suis de voir Kimi. Ne va pas t'imaginer des choses, me tempère-t-elle, craignant que je la prenne au mot.
_ En parlant de Kimi, tu peux me dire à quoi elle joue ?
_ Comment ça à quoi elle joue ?
_ Simon lui dit qu'il est amoureux d'elle, elle l'éconduit sans ménagement et voilà que tout d'un coup ils deviennent inséparables. Tu ne trouves pas ça bizarre ?
Elle reste silencieuse un instant avant de concéder :
_ Si, je reconnais que c'est un peu étrange.
_ Elle ne t'a rien dit à ce sujet ?
_ Non, rien.
Comme elle me trouve l'air soucieux, elle s'enquiert :
_ Qu'est-ce qui t'inquiète ?
_ Ce qui m'inquiète, c'est que Simon a beau dire qu'il considère Kimi comme une amie, je suis certain qu'il l'aime toujours, tout comme je suis convaincu qu'elle, elle ne l'aime pas. J'ai peur qu'elle ne soit en train de se moquer de lui et qu'il finisse par déguster.
Le regard de Stella se fait soudain plus incisif. Je commence à la connaître à force de passer du temps avec elle et là, elle est agacée contre moi.
_ Kimi ne se moquerait pas de Simon, réplique-t-elle fermement.
_ Qu'est-ce que tu en sais ?
_ J'en sais que c'est ma meilleure amie et qu'elle ne ferait jamais ça. Elle ne joue pas avec Simon, me dit-elle encore d'un air catégorique.
_ Dans ce cas, comment expliques-tu leur rapprochement ? j'objecte.
_ Je ne l'explique pas. Mais peut-être qu'à force de côtoyer Simon pour préparer l'exposé de français, elle s'est rendue compte qu'il valait mieux que ce qu'elle avait imaginé. D'ailleurs, je dois dire que je suis plutôt soulagée de savoir que Kimi passe son temps avec un garçon gentil et bien intentionné pour une fois, ça change des types infréquentables dont elle s'encombre d'habitude.
Comme elle me voit tiquer, elle se sent le devoir de préciser :
_ Je ne t'inclus pas dans les types infréquentables.
J'esquisse un sourire soulagé puis renchérit :
_ Et bien moi je ne suis pas rassuré au contraire. Je ne tiens pas à voir Simon subir une nouvelle désillusion sentimentale à cause de Kimi.
_ Ça n'arrivera pas, ils sont juste amis, alors arrête un peu de t'en faire pour eux et jette plutôt un oeil à ça, me lance-t-elle en me tendant un exemplaire du journal local.
Tandis que je m'en empare, elle ajoute avec enthousiasme :
_ Tu vas trouver de quoi flatter ton ego démesuré. Regarde, un article entier est consacré à tes exploits du week-end. On dirait que tu as impressionné ton monde !
Je me saisis du journal et me mets à en parcourir la page dédiée aux sports pour aussitôt m'apercevoir, qu'en effet, une large part de celle-ci est consacrée au tournoi de Cagnes-sur-Mer, et plus particulièrement à son vainqueur triomphal, c'est-à-dire moi. J'éprouve d'abord une grande fierté de voir mon nom cité dans la presse locale mais bientôt je sens poindre la panique en prenant conscience que cette exposition médiatique, en apparence bienvenue, peut potentiellement me poser un gros problème.
Sous le coup de l'euphorie de ma victoire, j'en ai oublié que mon père, bien qu'à la pointe de la révolution numérique (il faut toujours qu'il achète les dernières nouveautés technologiques : le téléphone haut de gamme, le téléviseur dernier cri, la voiture ultra suréquipée, et même le matelas à mémoire de forme, tout y passe), n'en demeure pas moins un irréductible de la presse écrite. Chaque jour, il se rend au kiosque du quartier pour y acheter les éditions des principaux journaux nationaux et... celle du quotidien local, celui-là même qui a titré sur ma performance au tournoi de qualification. Il ne m'en faut pas plus pour comprendre le péril que j'encours. Si par malheur mon père voit l'article qui m'est consacré et apprend que je me suis inscrit à la boxe à son insu, il va entrer dans une colère noire qui risque bien de me coûter ma participation aux championnats de France.
Comme Stella voit que je me décompose, elle s'enquiert :
_ Qu'est-ce qui t'arrive ?
_ Rien, il faut... Il faut que je te laisse. Je dois rentrer... Oui, je dois rentrer tout de suite ! je bredouille d'un ton préoccupé.
_ Mais tu ne devais pas manger au lycée ce midi ?
_ Si, mais il y a un changement de programme.
A peine ai-je fini de prononcer ces quelques mots que je commence à me diriger vers les portes du hall du lycée. Tandis que je m'éloigne, j'entends Stella qui me crie :
_ Bon, à ce soir à l'entraînement alors !
Je veux lui répondre « à ce soir » mais les mots se refusent à sortir de ma bouche, peut-être parce-que je sais que ma présence à l'entraînement ce soir n'est pas acquise, tout va dépendre de mon père.
Je file sur le parking et j'enfourche aussitôt ma moto. Je roule plein gaz jusqu'à la villa et regrette de trouver devant celle-ci la voiture de mon père. J'avais complétement oublié qu'il était en congé aujourd'hui. D'ordinaire, il vend ses régimes minceur sept jours sur sept mais il a fallu qu'il s'accorde un peu de repos en plein quand il ne faut pas. Ainsi, il n'a rien d'autre à faire que de lire les journaux. Les choses étaient déjà mal embarquées mais là...
Quand je pénètre dans le séjour, je trouve mon père assis sur le canapé en train de... lire le journal. Mes craintes finissent de se vérifier quand, me voyant surgir dans la pièce, il me jette un regard furieux. A l'évidence, le prochain quart d'heure risque d'être pénible.
La suite dès mardi ! ;)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...