Chapitre 109 (Simon)

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Cette chambre d'amis est décidément bien peu hospitalière. Entre la température ambiante qui chute brusquement passé minuit la faute à l'absence de chauffage (le Macintosh se fiche pas mal d'avoir chaud alors pourquoi faire venir le chauffage jusque-là ?) et ce matelas qui, aussi dur qu'un bloc de marbre, est une véritable torture pour le dos, le terrain n'est pas franchement propice au repos. Alors après plusieurs heures d'une lutte vaine pour fermer l'oeil, je décide de hisser mon corps endolori hors de ce lit de misère et de déserter mon cagibi pour me rendre dans le séjour. Tout compte fait, le canapé fera l'affaire, et sinon je pourrai toujours dormir sur le carrelage, ça n'arrangera sans doute pas mon mal de dos mais au moins je n'aurai plus à subir ce froid polaire. 

Les bras encombrés d'un oreiller et d'une couverture, je descends les escaliers en titubant. Je traverse ensuite le couloir qui mène au salon quand soudain je m'arrête net, alerté par des plaintes qui semblent venir de ma chambre.

Je tends l'oreille. Kimi est en train de pleurer. Je me traîne jusqu'à ma chambre, je toque à plusieurs reprises pour annoncer ma présence et pousse la porte. En pénétrant dans la pénombre, je m'enquiers :

_ Kimi ? J'ai cru t'entendre pleurer alors je suis passé voir si tout va bien. 

Je regrette aussitôt ma question. Elle est en pleurs alors il est évident qu'elle ne va pas bien. D'ailleurs, je ne vois pas comment ça pourrait aller après la soirée qu'elle vient de passer.

_ Non, je ne pleure pas. Je suis juste un peu enrhumée, voilà tout, prétexte-t-elle pourtant en retour dans un murmure avant d'ajouter, je vais bien ne t'en fais pas.

Visiblement, elle veut que je la laisse tranquille, sans quoi elle ne se serait pas fendue de cette fausse excuse. La chambre a beau être plongée dans l'obscurité la plus totale, je suis sûr que ce que j'entends est une personne qui fond en larmes et non quelqu'un qui aurait le nez pris. Je m'en veux d'avoir ainsi fait irruption dans sa chambre (enfin je veux dire, dans ma chambre) alors qu'elle aspire au calme et à la solitude. Aussi, je choisis de ne pas m'éterniser.

_ D'accord, je voulais juste m'assurer que ça allait. C'est chose faite. Désolé de t'avoir dérangée. Je te laisse dormir.

Je m'apprête à refermer la porte quand elle me retient d'une voix cette fois beaucoup plus audible :

_ Simon !

_ Oui ?

_ Ça ne va pas en fait, se décide-t-elle enfin à m'avouer.

_ C'est ce qui me semblait... Tu veux en parler ?

_ Non, on en a suffisamment parlé pour ce soir.

_ Il y a autre chose que je puisse faire ? je lui demande encore, me sentant un peu démuni.

Elle reste d'abord silencieuse, comme s'il lui fallait prendre le temps de la réflexion. Puis, elle me dit timidement :

_ Il y a bien quelque chose.

_ Quoi donc ? je la questionne à brûle-pourpoint.

Elle cherche ses mots pendant plusieurs secondes avant de me dire :

_ Tu pourrais rester ici avec moi ? Je ne veux pas être seule. 

Sa requête me prend totalement de court. Je m'attendais à tout sauf à ce qu'elle me demande de lui tenir compagnie cette nuit. Comme je tarde à lui répondre, elle ajoute d'un air qui trahit son embarras :

_ Excuse-moi, je n'aurais pas dû te demander ça... Tu dois me trouver ridicule.

_ Non, pas du tout, je m'empresse de la rassurer. Je suis juste un peu surpris mais bien sûr, si tu veux que je reste, je vais rester.

Si on m'avait dit il y a de cela quelques semaines que je me retrouverais à partager mon lit avec Kimi j'aurais sans doute sauté au plafond. Mais je crois que je préférerais que cette nuit n'existe pas et que Kimi n'ait pas à souffrir de l'incertitude sur l'identité de son père.

J'allume la lampe torche de mon téléphone portable pour m'orienter dans l'obscurité et je viens m'allonger sur le lit auprès de Kimi. Là, je reste parfaitement immobile, m'abstenant du moindre geste de peur de déranger mon amie. En fait, je ne suis pas très à l'aise, je suis même carrément mal à l'aise. Kimi, bien qu'elle ne puisse pas me voir, doit le sentir car, bientôt, elle me lance :

_ Ne te sens pas gêné avec moi, d'accord ?

_ Je ne suis pas gêné le moins du monde, je feins en retour en tâchant de paraître détendu.

_ Et si je me blottis contre toi, ça te gênerait ?

_ Tu veux te blottir contre moi ? je relève croyant que je suis en train de prendre mes rêves pour réalité et que sa demande sort tout droit de mon imagination.

Je comprends que je ne rêve pas quand elle me confirme sa pensée :

_ Oui, j'aimerais bien que tu me prennes dans tes bras. Je crois que j'ai besoin d'un peu de réconfort.

Comme je reste sans réaction, et pour cause je suis incapable d'en avoir une tant je suis sous le coup de la surprise, elle se sent le devoir d'ajouter encore :

_ Cela en toute amitié bien sûr. Mais si tu ne veux pas, je comprendrais parfaitement.

Cette fois, je n'ai pas le temps de mûrir ma réponse que les mots s'échappent de ma bouche tout naturellement :

_ Ce sera avec grand plaisir pour te prendre dans mes bras, en toute amitié.

Elle vient immédiatement se lover contre moi.

Être allongé auprès de Kimi et partager avec elle ce moment magique de douceur et de tendresse me procure une émotion incroyable. Cet instant me semble presque irréel, comme voler au temps. A la fois si simple et si beau, c'est un instant de pure complicité. Je peux sentir son coeur battre à l'unisson avec le mien, son souffle chaud courir le long de mon cou, ses joues encore humides contre ma peau, ses mains tremblantes agripper mon tee-shirt. Il y a alors entre nous une sorte de connexion. J'ai l'impression que nous ne faisons qu'un, que c'est nous contre le reste du monde, nous envers et contre tous. J'ai l'impression que l'univers pourrait bien disparaître que nous resterions là, dans cette chambre, ensemble, comme invincibles. A cet instant, j'aime Kimi plus intensément que jamais, je l'aime dans sa fragilité, sa sincérité, son authenticité, sa sensibilité. Et désormais je suis sûr qu'elle m'aime aussi, d'une manière qui n'est peut-être pas celle que je voudrais, mais elle m'aime quand même et ça, je le reçois comme un cadeau d'une valeur inestimable.

La suite dès samedi ! ;)

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant