Chapitre 6 (Nolan)

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_ Excuse-moi, il y a quelqu'un à côté de toi ? me demande une voix empreinte d'hésitation.

_ Ça dépend pour qui, dis-je, spontanément.

Je lève les yeux vers mon interlocuteur. C'est un type tout frêle qui doit faire beaucoup plus jeune que son âge et qui porte une sorte d'uniforme à la mode anglo-saxonne. Il a tout le profil de l'intello couvé par ses parents.

_ Désolé mon gars, tu manques un peu de poitrine pour que je t'autorise à t'asseoir à côté de moi.

_ Ah je vois... me répond-t-il, embarrassé.

_ Il y a une place là-bas si tu veux, j'ajoute en désignant une chaise restée libre.

Il y jette un oeil mais ne bouge pas d'un iota. Visiblement, ma proposition ne lui convient pas. Je commence à perdre patience.

_ Bon, tu comptes foutre le camp ou bien il faut que je t'aide ?

_ C'est que je ne peux pas m'asseoir là-bas... me confie-t-il de plus en plus mal à l'aise.

_ Et pourquoi ça ?

Il ne me répond pas tout de suite mais je suis son regard qui vient se poser sur les trois emmerdeurs. Alors, je comprends ce qu'il en est.

_ C'est à cause d'eux c'est ça ?

_ En effet, acquiesce-t-il.

Je pousse un soupir avant de lui dire :

_ D'accord, tu n'as qu'à t'asseoir ici.

_ Merci, c'est sympa.

_ Non, je ne suis pas sympa. J'ai pitié de toi, c'est différent, je le reprends aussitôt.

_ Ah...

Une poignée de secondes s'écoulent durant lesquelles aucun de nous deux ne dit mot. Puis, il me questionne d'un ton toujours aussi mal assuré :

_ Tu es nouveau, n'est-ce pas ?

_ Bien, belle déduction Sherlock, je lui rétorque, maniant l'ironie.

_ Euh... Oui... C'est vrai que c'est évident vu que tu n'étais pas là l'an dernier.

Une fois encore, le silence s'intalle et, une fois encore, il se décide à le rompre, à mon grand dam :

_ Moi c'est Simon.

L'horreur, il est en train d'essayer de faire les présentations. J'aurais mieux fait de l'envoyer voir les trois abrutis de la classe car, à ce rythme-là, il va finir par croire que je veux être son pote. Mais bon, je me suis promis de faire des efforts pour m'intégrer. Je prends donc sur moi et je force ma nature au moment de lui dire :

_ Et moi Nolan.

_ Enchanté Nolan. C'est un réel plaisir de faire ta connaissance.

Pitié, ça va trop loin. Ce garçon est d'une gentillesse confondante. Pas étonnant qu'il se fasse malmener par les autres. Il faut que je prenne mes distances. Je ne voudrais pas qu'il se mette à m'apprécier. Alors je tonne :

_ Non, tu n'es pas enchanté. Je suis très exactement le genre de types que tu ne veux pas fréquenter. Tu vois les trois mecs qui te mènent la vie dure ? Dis-toi que ce sont des enfants de chœur à côté de moi !

_ Ah bon ? Tu n'as pas l'air si terrible pourtant.

Il ne me laisse plus le choix. Il faut que je trouve de quoi l'effrayer suffisamment pour qu'il me laisse tranquille. Je m'y attelle, prenant soin de forcer le trait :

_ Tu crois ça ? Bon, je vais te dire un truc mais tu ne le répètes pas.

_ Motus et bouche cousue, c'est promis, me dit-il dans un sourire innocent.

Je m'approche de lui pour venir susurrer à son oreille :

_ L'année passée, j'ai frappé un mec. Cette histoire m'a valu de me faire virer de mon ancien lycée et d'avoir un casier pour coups et blessures parce-que le mec en question s'est retrouvé à l'hôpital et a porté plainte. Sans doute pour me punir, mon père a décidé de nous faire déménager à Nice. Et maintenant, je suis en pénitence en quelque sorte et j'essaye de prendre sur moi pour ne faire de mal à personne.

Je m'interromps un instant, histoire de mesurer sa réaction. Comme il n'en a aucune, je poursuis de plus belle :

_ Ce que j'essaye de te dire, c'est que dans le genre mauvais garçons je suis ce qui se fait de pire dans ce lycée. Tu as donc tout intérêt à garder tes distances avec moi si tu ne veux pas avoir de problèmes. Alors tu vas la fermer et cesser de faire comme si on avait une chance de s'entendre tous les deux.

Il me fixe un instant, interdit. Là, je pense qu'il va se lever pour aller s'asseoir sur l'autre chaise restée libre, considérant que les trois emmerdeurs seront toujours moins dangereux que moi. Mais non. Au contraire, il éclate de rire et s'écrit :

_ Il n'y a pas à dire, tu es vraiment fort ! J'ai failli croire à ton histoire de bagarre et de casier. Tu devrais faire acteur, tu es très crédible !

Je me trouve circonspect. De deux choses l'une. Soit ce type se paye ma tête soit c'est un demeuré. Je penche plutôt pour la seconde hypothèse. J'ajoute, le plus sérieusement du monde et en le fusillant d'un regard hostile :

_ Tu n'as pas l'air de comprendre. Je n'ai rien inventé. Tout est vrai.

A présent, il ne rit plus. Je crois qu'il a comme un doute. Pourtant, ça ne suffit pas à l'éloigner.

Il se contente finalement de me dire dans un sourire nerveux :

_ La réunion va commencer.

Visiblement, je vais devoir supporter sa présence durant les deux prochaines heures. Ça m'apprendra à être trop arrangeant.

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant