Stella qui me propose de l'accompagner pour sa séance de course à pied. Alors ça si je m'y attendais ! Cette fille est décidément un mystère. Un instant elle me somme de ne plus m'approcher d'elle et l'instant suivant elle réclame ma compagnie. J'espère que cette séance de sport nous permettra d'enterrer enfin la hache de guerre car je suis fatigué de me battre sans cesse avec elle. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s'entendre. Après tout, on y est bien parvenus à la salle de boxe quand Monsieur Féri a dû s'absenter.
5h15. Je crois que je ne me suis pas levé aussi tôt depuis que je suis parti en voyage à Londres avec mes parents, ce qui remonte déjà à quelques années. Je me souviens que c'est maman qui avait insisté pour que l'on prenne le premier vol car, disait-elle, il était hors de question que l'on gaspille une journée de vacances dans les transports. Finalement, on est arrivés à l'aéroport d'Heathrow si fatigués qu'on a consacré l'après-midi de notre première journée de vacances à dormir.
C'était le bon temps, maman était encore là, papa allait bien, et je ne causais de soucis à personne.
Je frappe un bon coup sur mon réveil pour le faire taire puis je m'extirpe péniblement de mes draps. Je file vers mon armoire, j'y attrape un short et un tee-shirt à manches longues que j'enfile aussitôt. Je sors de ma chambre et croise mon père dans le couloir. Lui revient des toilettes et titube pour aller se recoucher. Le fait de me voir debout de si bonne heure l'interpelle et il me questionne à ce sujet :
_ Tu vas où ?
_ Je vais courir.
_ Courir ? Maintenant ? me demande-t-il encore, interloqué.
_ Et bien oui, pourquoi pas ! Je me suis dit que faire un peu de sport serait une parfaite manière de commencer le week-end !
Il hoche de la tête, toujours aussi étonné, mais n'insiste pas car il est trop pressé de retourner dormir. Il faut dire qu'hier il a fini très tard de vendre ses régimes minceur. D'ailleurs, je me demande s'il était vraiment en train de vendre des régimes minceur. En fait, je suis presque certain qu'il voit quelqu'un. Depuis quelques temps, il rentre souvent au milieu de la nuit et ses week-end d'affaires se font de plus en plus fréquents. Je me demande quand il va se décider à me dire la vérité. De quoi a-t-il peur ? La mort de maman lui a fait beaucoup de mal et si refaire sa vie lui permet de se sentir mieux et de retrouver le sourire ça me va très bien. Sauf si la femme qu'il fréquente enseigne au lycée ou s'il s'agit de la mère de l'un de mes camarades de classe, là ce serait quand même embêtant. Mais il n'y a aucune raison que ce soit le cas, ce serait vraiment très improbable.
Je descends les escaliers et je me rends dans le garage. J'enfourche ma moto et je prends la direction du club de boxe devant lequel Stella m'a donné rendez-vous à six heures pile. Lorsque je profite d'être arrêté à un feu rouge pour jeter un coup d'oeil furtif à ma montre, je prends peur en voyant qu'il ne me reste que dix petites minutes pour arriver. Comme il me faut encore traverser une bonne partie du centre-ville de Nice, j'en déduis que je ne suis pas en avance. Et Stella s'est montrée parfaitement claire sur la ponctualité. Si je suis en retard, elle part sans moi et je me serai levé aux aurores pour rien.
Je profite que les rues soient désertes pour pousser à fond le moteur de ma moto, en espérant qu'aucun policier ne soit caché quelque part à me regarder faire, et finalement je parviens à être à l'heure.
Quand je me présente devant « Le Vaillant », Stella m'y attend déjà. Je m'approche d'elle et j'entreprends de lui faire la bise, comme un moyen de concrétiser l'amélioration de nos rapports. Mal m'en prend car Stella s'empresse de m'esquiver et me lance un regard réprobateur. Visiblement, elle n'est pas encore décidée à abandonner totalement sa méfiance envers moi.
_ Bon on y va ? me dit-elle sans préambule.
Elle ne me laisse même pas le temps de lui répondre. Elle prend immédiatement la direction du port Lympia à grandes enjambées. Je m'engage dans son sillage et, déjà essoufflé après seulement quelques centaines de mètres, je lui crie :
_ On pourrait peut-être y aller tranquille pour commencer, histoire de s'échauffer un peu. Tu ne crois pas ?
_ Qu'est-ce que tu racontes ? C'est bien ce qu'on est en train de faire, on s'échauffe !
Ah d'accord, donc la vitesse de course de Stella à l'échauffement est de près de 15 kilomètres à l'heure. Pourquoi je sens que je vais me faire mal aux jambes à essayer de la suivre ?
Tandis que nous longeons maintenant les berges, elle accélère et je dois serrer les dents pour me maintenir dans sa foulée. En plus d'avoir une droite dévastatrice, cette fille est une vraie gazelle.
Nous quittons le port pour nous enfoncer dans les rues du centre-ville. Chaque fois que nous prenons un virage, je décroche de quelques centimètres et je suis obligé de batailler pour revenir à la hauteur de Stella qui ne semble pas décidée à lever le pied. Au contraire, j'ai le sentiment qu'elle court de plus en plus vite.
L'affaire se corse encore davantage quand la route se cabre pour nous conduire sur les hauteurs de la ville. Le souffle court, les épaules roulées vers l'avant, le cou rentré, et la tête qui dodeline, je suis en grande souffrance derrière Stella qui, elle, ne faiblit pas et se montre toujours aussi aérienne. De temps à autres, elle se retourne et pose un regard amusé sur moi, à croire qu'elle prend plaisir à me voir ainsi en difficulté. C'est peut-être pour ça qu'elle m'a invité à courir, pour pouvoir me torturer à sa guise. Et dire qu'à cet instant je devrais être dans mon lit. Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter la proposition de Stella ?
Le sommet de la côte sonne comme une libération. J'espère me refaire une santé dans la descente mais c'est sans compter sur Stella qui dévale la pente à une vitesse effrénée.
Il ne nous reste plus que quelques centaines de mètres à parcourir avant de faire notre retour au club de boxe quand notre séance prend fin brutalement.
Stella vient de s'écrouler sous mes yeux. Oubliant ma fatigue, je me presse vers elle et la trouve en train de se tordre de douleur à même le bitume. Pour qu'une fille aussi dur au mal que Stella en vienne à se mettre dans un tel état, c'est qu'elle doit avoir très mal et je comprends immédiatement que la situation est grave.
La suite dès jeudi ! :)
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Juste un mec bien
RomanceDepuis le décès tragique de sa mère, Nolan doit faire avec une colère et une agressivité qui ne le quittent jamais et qui lui ont déjà valu d'être viré de son ancien lycée. Contraint par son père de quitter Paris, la ville dont il est originaire, po...