Chapitre 15 (Simon)

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Ça fait des mois que Mickael et ses amis me font vivre un enfer et mes camarades n'ont jamais rien fait pour m'aider. Au mieux, il se taisent et font mine de ne rien voir de ce qui se passe pourtant sous leur nez. Au pire, ils s'amusent de les voir m'humilier et me violenter. Alors je ne peux qu'être reconnaissant à Nolan d'avoir pris ma défense comme il l'a fait. Lui s'est indigné de ce qu'ils me font subir et a osé leur tenir tête. Je regrette simplement que son intervention lui ait causé des soucis.

Nolan n'a pas exagéré quand il a dit être agressif. D'ailleurs, je crois que son histoire de mec envoyé à l'hôpital est peut-être bien vraie finalement. Il a suffi que Mickael le provoque pour qu'il se jette littéralement sur lui. Résultat, il se retrouve avec une menace de sanction disciplinaire sur le dos. Certains disent qu'il risque l'exclusion, et je ne peux m'empêcher de me sentir responsable car, s'il ne m'avait pas aidé, Mickael ne l'aurait pas remarqué et leur affrontement n'aurait jamais eu lieu.

Je ne peux pas rester là, les bras croisés, à le laisser se faire virer pour m'avoir porté secours. Même si je crains les représailles, je dois être courageux pour une fois et faire quelque chose. Je ne vais pas être un souffre-douleur toute ma vie. Je dois réagir, être à la hauteur de ce que Nolan a fait pour moi et lui rendre la pareille.

Je marche d'un pas décidé jusqu'au bureau des professeurs de sport. Je prends une grande inspiration et me décide à toquer à la porte. Je patiente quelques secondes avant qu'une voix ne m'invite finalement à entrer.

_ Oui, c'est pourquoi ? me demande l'un des professeurs avec un air agacé.

Visiblement, il m'en veut d'avoir interrompu sa lecture des informations sportives du week-end. D'une voix hésitante, je lui réponds :

_ Je voudrais voir Monsieur Féri si c'est possible.

_ Qu'est-ce que tu lui veux ? me dit encore le professeur sans jamais détourner les yeux de moi.

_ Je voudrais m'entretenir avec lui.

_ Tu voudrais t'entretenir avec lui ? répète-t-il sur un ton supérieur.

Je ne m'émeus pas plus que ça de voir qu'il me prend de haut. A force, j'ai l'habitude. En fait, tout le monde fait ça avec moi. Alors, un de plus ou un de moins, qu'est-ce que ça peut bien faire ?

_ C'est ça oui, dis-je, confirmant mes intentions.

_ Il n'est pas là, tranche-t-il avant de se replonger dans sa lecture.

Il pense sans doute en avoir fini avec moi. Pourtant, j'insiste, me surprenant moi-même d'être capable de faire preuve d'un tel sens de l'initiative :

_ Vous ne pouvez pas l'appeler ? Ou me dire où il est ? C'est vraiment important.

Au même moment, Monsieur Féri entre dans le bureau.

_ Ben tiens, il est là ! lance son collègue qui accueille son arrivée comme une aubaine parce-qu'elle va lui permettre de se débarrasser de moi.

_ Qu'est-ce qu'il se passe ? s'enquiert l'intéressé.

_ Le gamin veut te voir, l'informe encore son collègue.

_ En privé si possible, j'ajoute.

Au regard qu'il me lance, je devine que Monsieur Féri est surpris par ma requête. En même temps, il a toutes les raisons de l'être car il sait combien je suis un élève discret. Pour ainsi dire, c'est bien la première fois que je demande à parler à l'un de mes professeurs. D'ailleurs, j'appréhende un peu. Mais je n'ai pas le choix. Je dois aider Nolan, c'est la moindre des choses après ce qu'il a fait pour moi.

_ Je t'en prie, assieds-toi.

Je m'exécute. Il prend place à son bureau en face de moi et me questionne :

_ Alors dis-moi Simon, de quoi veux-tu me parler ?

Je cherche mes mots un instant avant de me décider à lui dire :

_ C'est au sujet de ce qui s'est passé hier à la fin du cours de sport.

_ Tu parles de l'altercation dans le couloir entre Nolan et Mickael ?

_ Oui...

_ Qu'est-ce qui te tracasse ? me dit-il, voyant que je suis nerveux.

_ Nolan risque gros, hein ? je demande d'abord, ignorant sa question.

_ Et bien cette bagarre a été plutôt violente. Et comme il s'est déjà fait exclure de son ancien établissement pour des faits similaires, il est dans une position délicate. D'autant que Madame la proviseure n'est pas du genre à plaisanter avec de tels comportements.

_ Nolan ne mérite pas de se faire virer ! je m'écrie alors avec un aplomb qui ne me ressemble pas du tout.

_ Bien mais pourquoi ?

_ Dans le vestiaire, Mickael Joron et ses amis s'en sont pris à moi et Nolan m'a défendu.

Monsieur Féri se redresse. Le visage à présent couvert d'un air grave, il me dit :

_ Comment ça ils s'en sont pris à toi ?

_ Ils voulaient me frapper, je précise d'une voix tremblante. Mais Nolan est intervenu pour les en empêcher et je crois que c'est à cause de ça qu'ils se sont battus par la suite.

Il se plonge dans ses pensées un instant puis me dit d'un air soucieux :

_ C'est la première fois qu'on t'embête comme ça ?

Voyant que sa question me met mal à l'aise, il ajoute :

_ Tu peux tout me dire, tu sais ? Je ne vais pas te juger.

J'ai confiance en Monsieur Féri. Il s'est toujours montré bienveillant avec moi. Mais je ne me sens pas prêt à révéler le harcèlement dont je suis victime, même à lui. Je crois que j'ai honte et aussi un peu peur des conséquences qui pourraient en découler. Alors je feins :

_ C'est la première fois.

Après quoi, j'attrape mon sac, me lève et me dirige d'un pas pressé vers la porte du bureau. Là, j'ajoute :

_ Enfin voilà, je voulais juste que vous sachiez que Nolan m'a aidé et que ce serait bien qu'il ne soit pas puni trop sévèrement.

_ Je vais en toucher deux mots à Madame la proviseure, m'assure-t-il.

_ Merci, dis-je en ouvrant la porte.

Alors que je m'apprête à en franchir le seuil, Monsieur Féri me retient :

_ Simon, tu es sûr que ça va ?

_ Maintenant que je suis venu vous voir, ça va.

Puis je quitte le bureau, fier d'avoir osé parler et en espérant que mon témoignage offre à Nolan des circonstances atténuantes lui permettant d'échapper à l'exclusion.

Juste un mec bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant